Jean Cavaillès

Jean Cavaillès
Jean Cavaillès
Philosophe français
Époque contemporaine

Naissance 15 mai 1903
Décès 17 février 1944 (à 40 ans)
École/tradition Epistémologie
Principaux intérêts Philosophie des mathématiques
Idées remarquables Dialectique du concept
Influencé par Spinoza, Louis Couturat, Léon Brunschvicg, Emile Bréhier, Georg Cantor, Edmund Husserl
A influencé Gaston Bachelard, Georges Canguilhem, Jean Gosset, Jacques Bouveresse, Gilles Gaston Granger, Jacques Derrida, Jean-Toussaint Desanti

Jean Cavaillès, né le 15 mai 1903 à Saint-Maixent (Deux-Sèvres) et fusillé le 17 février 1944 à Arras (Pas-de-Calais), est un mathématicien et philosophe des mathématiques français. Cofondateur du réseau Libération-Sud, il rejoint le réseau Libération-Nord, c'est un héros de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

Biographie

Jean Cavaillès naît le 15 mai 1903 à Saint-Maixent (Deux-Sèvres).

Famille

  • Son père, Ernest Cavaillès, lieutenant-colonel, de religion protestante.
  • Son oncle et parrain, Henri Cavaillès (1870-1951), qui a pris en charge son éducation, était professeur de géographie à l'université de Bordeaux.
  • Sa sœur, Gabrielle Ferrières (1900-2001), également résistante, pionnière de SOS Amitié, est l'auteur de sa biographie.
  • Son beau-frère, Marcel Ferrières (1897-1977), arrêté en même temps que lui, déporté à Buchenwald.
  • Sa belle-sœur, Alice Ferrières (1909-1988), première Française à recevoir la Médaille des Justes.

Formation et carrière

Brillant élève, il est reçu en 1923 premier au concours d'entrée de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm après l'avoir préparé seul. Il est également titulaire d'une licence de mathématiques. En 1927, il est agrégé de philosophie. Il accomplit l'année suivante son service militaire comme sous-lieutenant dans une unité de Tirailleurs Sénégalais.

Il participe en 1929 en tant qu'auditeur au deuxième cours universitaire de Davos, avec de nombreux autres intellectuels français et allemands. Il séjourne à plusieurs reprises en Allemagne (Berlin, Hambourg, Göttingen, Munich et Fribourg) et il peut observer le régime nazi. Il est boursier d'étude de la Fondation Rockefeller en 1929-1930 pour une étude sociologique sur les mouvements de jeunesse. Il travaille sur la théorie des ensembles en vue de sa thèse de doctorat sur la philosophie des mathématiques et rencontre plusieurs savants allemands. Il étudie ainsi à Tübingen les archives du mathématicien Paul du Bois-Reymond. Abraham Adolf Fraenkel l'oriente vers la correspondance entre Richard Dedekind et Georg Cantor, qu'il publie avec Emmy Noether. En 1931, il rend visite au philosophe Edmund Husserl et écoute également Martin Heidegger. En 1934, il a lu Mein Kampf, il a entendu Adolf Hitler. Il a rencontré en 1936 à Altona les opposants au régime hitlérien[1].

De 1929 à 1935, il travaille en tant qu'agrégé-répétiteur à l'École normale. Il enseigne au lycée d'Amiens en 1936.

En 1937, il soutient à la Sorbonne deux thèses, Méthode axiomatique et formalisme (thèse principale) et Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles (thèse complémentaire) sous la direction de Léon Brunschvicg. Il s'inscrit ainsi à la suite d'autres logiciens français, tels Louis Couturat ou Jacques Herbrand. Il est maître de conférences de logique et de philosophie générale à l'université de Strasbourg.

Faits de guerre

Mobilisé en septembre 1939, comme officier de corps franc puis officier du chiffre au ministère de la guerre, il est cité pour son courage à deux reprises, mais il est fait prisonnier le 11 juin 1940 en Belgique. Il s'évade pour rejoindre à Clermont-Ferrand l'université de Strasbourg qui y est repliée. Un haut dignitaire de l'université lui reproche d'avoir déserté parce qu'il s'est évadé[2]. Il est cofondateur à Clermont-Ferrand, en 1940, avec Lucie Aubrac et Emmanuel d'Astier de La Vigerie du mouvement Libération-Sud. Il contribue également à la fondation du journal Libération destiné à gagner un plus vaste public. Le premier numéro paraît en juillet 1941.

En 1941, il est nommé professeur de logique et de philosophie des sciences à la Sorbonne. Il participe alors en zone nord à la résistance au sein du mouvement Libération-Nord. Il s'en détache pour fonder en 1942, à la demande de Christian Pineau, le réseau de renseignement Cohors-Asturies. Il est favorable à une action militaire.

Il est arrêté par la police française en août 1942 et interné à Montpellier puis à Saint-Paul-d'Eyjeaux, d'où il s'évade en décembre 1942. Dans le camp, il donne une conférence sur la philosophie des mathématiques qu'il utilise comme un langage codé[3].

Il rencontre Charles de Gaulle à Londres en février 1943. Revenu en France en février de la même année, il se livre essentiellement au renseignement et au sabotage visant la Kriegsmarine. Il confie à son adjoint et ancien élève Jean Gosset la direction de l'Action immédiate. Il est trahi par l'un de ses agents de liaison.

Arrêté le 28 août 1943 à Paris, il est torturé par la Gestapo de la rue des Saussaies, puis il est incarcéré à Fresnes et à Compiègne en attente d'être déporté. Révoqué par le gouvernement de Vichy, il comparaît devant un tribunal militaire allemand et il est fusillé sur le champ le 17 février 1944 dans la citadelle d'Arras. Il est enterré dans une fosse commune sous une croix de bois portant l'inscription Inconnu n° 5.

À la Libération, son corps est exhumé. Compagnon de la Libération à titre posthume, il repose dans la chapelle de la Sorbonne.

Citations

Œuvre

  • Briefwechsel Cantor-Dedekind, hrsg. von E. Noether und J. Cavaillès, Paris, Hermann, 1937.
  • Méthode axiomatique et formalisme, Paris, Hermann, 1938.
  • Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles, Paris, Hermann, 1938.
  • Essais philosophiques, Paris, Hermann, 1939
  • « Du collectif au pari », Revue de métaphysique et de morale, XLVII, 1940, pp. 139-163.
  • « La pensée mathématique », discussion avec Albert Lautman (4 février 1939), Bulletin de la Société française de philosophie, t. XL, 1946.
  • Transfini et continu, Paris, Hermann, 1947.
  • Sur la Logique et la théorie de la science, Paris, PUF, 1947.
  • Œuvres complètes de philosophie des sciences, Paris, Hermann, 1994.
  • Libération : organe des Français libres, hebdomadaire, Paris, 1940-1944.

Reconnaissance

Décorations

Philatélie

Divers

  • Des salles de cours portent le nom Jean Cavaillès dans deux lieux où il a lui-même enseigné :
  • Dans le film L'Armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969), d'après le roman de Joseph Kessel (1943), le personnage fictif de Luc Jardie est une évocation de Cavaillès :
    • il est chef de réseau, rencontre de Gaulle, meurt au début de l'année 1944 ;
    • il cite la philosophie des sciences de Cavaillès ;
    • Philippe Gerbier lit, durant sa « planque » (à 2h06 dans le film), cinq ouvrages publiés « avant la guerre » par Luc Jardie à la NRF, et dont deux ont déjà été aperçus à 1h53 : Méthode axiomatique et formalisme, un Essai sur le problème du fondement des mathématiques (ce n'est en réalité que le sous-titre de Méthode axiomatique et formalisme), Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles, Transfini et continu (qui était en réalité un article posthume et non un livre, et ne fut pas publié à la NRF) et Sur la Logique et la théorie de la science (ouvrage dont en réalité même le titre est posthume) ;
    • on voit sur la couverture des livres que Luc Jardie est, comme Cavaillès, « Ancien élève de l'École Normale Supérieure, Licencié de mathématiques, Agrégé de philosophie, Docteur ès lettres » ;
    • Sur le point d'être fusillé, Gerbier énonce une idée spinozienne sur l'éternité directement inspirée du paradoxe du continu, qu'il voudrait soumettre à son « patron », Jardie/Cavaillès : si, « jusqu'à la plus fine limite », on continue de ne pas croire que l'on va mourir, alors on ne meurt jamais. Cette pensée articule la pensée spinoziste de l'éternité et la notion mathématique de convergence à l'infini vers une limite.

Voir aussi

Notes et références

  1. Georges Canguilhem, Vie et mort de Jean Cavaillès, p. 15
  2. Canghuilhem, p. 17
  3. André Odru, Maquis et Guerilla en Limousin, 1943-1944, ANACR de la Corrèze, 2007, p. 16. C'est Lucie Aubrac qui explique après-coup à André Odru que le langage était codé. Odru donne trois versions de l'évasion de Cavaillès (p. 18).
  4. Lettre à Raymond Aron, Londres, 1943, citée par Canguilhem, « Inauguration de l'amphithéâtre Jean-Cavaillès à la Faculté des Lettres de Strasbourg », 9 mai 1967.
  5. Cité par Canguilhem 1996, p. 25
  6. Catalogue Yvert et Tellier, Tome 1
  7. Canguilhem 1996, p. 37-48 ("Commémoration à la Sorbonne (Salle Cavaillès, 19 avril 1974)"

Articles connexes

Sources et liens externes


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