Jeu de balle (Mésoamérique)

Jeu de balle (Mésoamérique)
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Reconstitution de jeu de balle en tenue rituelle.

Le jeu de balle est un sport rituel qui a été pratiqué pendant plus de 3000 ans par les peuples précolombiens de la Mésoamérique, et qui est connu également sous les noms de jeu de pelote et d'ulama (nom dérivé du nahuatl[1]), et appelé « pits » en maya classique[2], « pok'ol pok » en maya yucatèque[3], « tlachtli »[4] ou « ullamaliztli »[5] en náhuatl, ou encore « taladzi » en zapotèque.

Apparu durant le second millénaire avant J.C., le jeu de balle connait son apogée chez les Mayas de 900 à 1200. Il se pratiquait avec une petite balle de caoutchouc entre deux équipes (de 1 à 12 joueurs) sur un terrain généralement en forme de H, également nommé tlachtli par les Aztèques. Le plus vaste de ces courts est aujourd'hui celui de Chichen Itza : soixante-dix mètres par cent soixante huit. L'iconographie et quelques récits[6] présentent des joueurs se renvoyant la balle à coup de hanches ou de genoux, s'interdisant de la toucher avec les mains et les pieds. D'autres illustrations montrent des joueurs munis de bâtons. Il existe peu de descriptions historiques précises des règles de ce jeu qui faisait partie d'un rituel et qui était parfois accompagné de sacrifices. Le jeu fut ensuite repris par les Aztèques. C'est cette version que découvrirent les conquistadors espagnols.

Des variantes de ce sport sont encore pratiquées de nos jours dans le nord-ouest du Mexique[7].

Sommaire

Sources

Les sources dont nous disposons sont de plusieurs ordres: archéologique, iconographique, ethnohistorique et ethnologique.

Les principales sources archéologiques sont les terrains de jeu de balle exhumés. La plupart des sites archéologiques mésoaméricains en ont livré un ou plusieurs. Les chiffres sont en constante augmentation : en 1932, Frans Blom en citait 32 pour l'ensemble de la Mésoamérique. En 1981, Éric Taladoire en recensait 661. La présence d'éléments architecturaux, tels que des anneaux de pierre, par exemple à Texcoco, témoigne de l'existence de terrains disparus[8]. L'étude et la publication de ces structures laissent cependant souvent à désirer.

Dessin de Weiditz

Les sources ethnohistoriques sont particulièrement importantes pour la compréhension du déroulement du jeu. Le jeu de balle a fait l'objet de descriptions de la part de chroniqueurs espagnols et indigènes. Parmi les plus connues figurent celles de Bernardino de Sahagún. Christopher Weiditz mérite une mention à part: il a vu le jeu pratiqué en Espagne sans terrain et le texte est accompagné d'un dessin réaliste. Il est à remarquer que la plupart des textes décrivent le jeu tel qu'il était pratiqué au Mexique central, notamment par les Aztèques. Les textes sont muets sur le jeu chez les Mayas, à l'exception de quelques lignes que nous a laissées Diego de Landa. Nous disposons par contre d'une source indigène: le Popol Vuh, un manuscrit maya quiché datant de l'époque coloniale. Si on le cite souvent pour expliquer la symbolique du jeu, il ne donne malheureusement que peu de renseignements sur son déroulement.

Les sources iconographiques sont extrêmement variées. Les codex indigènes constituent une source non négligeable d'informations. Éric Taladoire a répertorié 133 représentations de terrains de jeu de balle dans quarante manuscrits[9]. Aucun d'entre eux n'est maya. Tous sont représentés de la même manière : en plan et en forme de I majuscule.

Maquette de terrain provenant du Nayarit

Outre les codex on dispose d'une grande variété d'objets reliés au terrains par l'iconographie. On peut citer des objets aussi variés que des maquettes de terrain en céramique du Nayarit représentant des joueurs en train de s'affronter, un graffiti de Tikal ou encore la fresque du Tlalocan à Teotihuacan. Ces objets représentent les terrains en plan ou en profil. Des sculptures sous forme de panneaux ou de marqueurs représentent des joueurs qui ne sont pas en action (Chichen Itza, Tonina, El Tajin ...) ou en action (Copan, Yaxchilan, Chinkultic) . Un certain nombre de vases, provenant majoritairement de la zone maya, représentent également des terrains et des joueurs. Des figurines isolées, notamment de l'île de Jaina, viennent s'ajouter à la documentation.

jeu pratiqué à l'époque moderne au Sinaloa

Plusieurs ethnologues se sont intéressés à des formes du jeu de balle pratiquées au Mexique à l'époque moderne et ont étudié leurs rapports avec les variantes mésoaméricaines. Ces jeux, en voie de disparition au cours de la seconde moitié du XXe siècle, sont pratiqués dans des régions périphériques de l'aire mésoaméricaine, principalement le nord-ouest, dans les États mexicains actuels du Nayarit et du Sinaloa. Les plus connus sont l'«ulama de cadera», joué avec les hanches, et l'«ulama de brazo», joué avec l'avant-bras. C'est l'ulama de cadera qui semble présenter le plus de similitudes avec le tlachtli précolombien[10].

Repères géographiques et chronologiques

Une des extrémités du jeu de balle de Chichén Itzá, dans le Yucatán (le plus grand).

C'est principalement dans l'aire de la civilisation maya que l'on trouve des terrains de jeu de balle : autrement dit, du sud-est du Mexique (principalement au Yucatán, mais également dans les États de Quintana Roo, Campeche, Tabasco et du Chiapas) au Honduras, en passant par le Belize, le Guatemala et le Salvador. On en trouve jusque dans l'Occidente mésoaméricain, notamment à Tingambato au Michoacan. Les sites comptant le plus grand nombre de terrains se trouvent au Veracruz (Mexique): Cantona en compte vingt-quatre et El Tajin dix-sept[11].

La première trace de jeu de balle provient de figurines trouvées dans une tombe de El Opeño[12] (Michoacán,Mexique), datant du Préclassique ancien (1500 av. J.-C.). Aucune trace de terrain n'a cependant été découverte dans cette région avant 600 av. J.-C. Le plus vieux terrain connu appartient au site de La Venta (Tabasco, Mexique) et date d'environ 1000 ans avant notre ère. Le plus grand est celui de Chichén Itzá (Yucatán, Mexique) avec 146 mètres de longueur sur 36 de large. La construction des terrains et la pratique du jeu de balle ont été stoppées par la conquête espagnole au XVIe siècle.

Règles du jeu de balle

Marqueur du terrain de Chinkultic.
Anneau du terrain de Chichén Itzá.
Dessin basé sur une peinture d'un vase maya des terres basses, dont l'origine est datée entre 650 et 800 et qui est actuellement exposé au Dallas Museum of Art. Le joueur représenté est le dernier roi de Motul de San José, Sak Ch’een, dans une partie l'opposant au roi d'El Pajaral.

Bien qu'il n'y ait pas eu qu'une seule façon de pratiquer le jeu de balle dans les différentes aires et périodes culturelles de la Mésoamérique, on retrouve cependant un certain nombre de règles communes.

Premièrement, il opposait deux équipes, composées d'un nombre défini de joueurs (de deux à dix joueurs chacune)[réf. nécessaire]. Ils se faisaient face de part et d’autre d’une ligne centrale, sur un terrain délimité latéralement par des murs d'une dizaine de mètres de hauteur et en général inclinés. Les terrains de l'époque classique sont en général délimités dans le sens de la longueur par une terrasse ou un mur, donnant ainsi au terrain la forme d'un I majuscule ou d'un double T majuscule aux barres transversales opposées[4].

Les joueurs devaient se renvoyer une balle de taille variable en caoutchouc (matière sacrée chez les Mayas). Ils pouvaient utiliser pour cela les genoux, les coudes, les hanches ou les fesses, en évitant de la toucher avec les mains ou les pieds. Étant donné que la balle (appelée[13] « olli » « ulli », « olin », « ulle », « hule »[14] - « ollin » signifie «mouvement» en nahuatl - et « kik » en maya - liquide séminal) était pleine, elle pesait jusqu'à plus de 3 kg ; les joueurs portaient donc des protections pour atténuer la violence des coups : coudières, genouillères, joug (ceinture de cuir) et parfois même un casque. Comme au volley-ball, le but était de renvoyer la balle dans le camp adverse sans qu'elle ne touche le sol. Le jeu de balle était également pratiqué de nuit,avec une balle enflammée[réf. nécessaire].

Selon les auteurs du XVIe siècle qui décrivent le jeu tel qu'il était pratiqué au Mexique central, le décompte des points était assez complexe : l'équipe qui commettait une faute (c'est-à-dire en ne rattrapant pas la balle, en ne la renvoyant pas dans le camp adverse ou en utilisant une partie du corps interdite) perdait un point et l'équipe adverse en gagnait un. La partie s'achevait lorsque le nombre de points déterminé à l'avance était atteint. Dans le cas des terrains dont les murs latéraux étaient équipés d'anneaux ((« tlachtemalacatl » en nahuatl)[15], la partie pouvait également s'arrêter lorsqu'un joueur réalisait l'exploit (excessivement rare) de faire passer la balle dans l'anneau du camp adverse[16].

Lorsqu’il ne s’agissait pas d’un simple entraînement, les prêtres ainsi que les rois et les personnalités importantes observaient le jeu du haut des bâtiments situés autour du terrain.

Valeur rituelle

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Certes, le jeu de balle était pratiqué par tous : certaines cités importantes, comme Chichén Itzá, ont eu jusqu’à treize terrains, et on sait par le codex Mendoza que l’empereur aztèque Moctezuma II exigeait des cités de la côte du golfe du Mexique le paiement d’un tribut annuel de 16 000 balles de caoutchouc, ce qui prouve bien que le jeu était pratiqué très régulièrement par une part importante de la population.

Mais lorsqu’il était pratiqué comme un sport, le jeu de balle n’était en fait alors qu’un simple entraînement à ce qui était sa vraie raison d’être : les cérémonies religieuses.

En effet, le jeu de balle était avant tout un rite symbolisant la cosmogonie méso-américaine : la trajectoire de la balle correspondait à la course du soleil qui ne devait pas s’arrêter ; les anneaux de pierre servant de cibles, le plus souvent disposés à l'Est et à l'Ouest, représentaient le levant et le ponant. Le terrain, lui, représentait la plate-forme terrestre séparant le Monde Supérieur (le ciel) de l’Inframonde (semblable aux Enfers), où l’homme doit lutter contre les forces des ténèbres pour rejoindre, avec le soleil, le Monde Supérieur (cf. ci-dessous le mythe fondateur raconté dans le Popol-Vuh). D’une manière générale, la pratique cérémonielle du jeu de balle servait à révéler la volonté des dieux : pour trancher des débats voire des conflits politiques (le terrain du jeu de balle servait également de forum social), et pour, en cas de problème (agricole en particulier), donner des indices d’ordre divinatoire aux prêtres, qui suivaient le jeu avec attention pour en déchiffrer les signes.

De plus, ces cérémonies se terminaient systématiquement par la décapitation de l’équipe perdante ou du moins de son chef (à ce titre on comprend pourquoi c’étaient des prisonniers de guerre qui participaient le plus souvent à cette pratique rituelle) : ce sacrifice visait clairement à invoquer l’aide des dieux, le sang versé pouvant qui plus est être rattaché à la fertilisation des terres. Il existait même une structure, le tzompantli (ou autel de crânes), servant à recueillir les offrandes de ces têtes tranchées, exposées sur de longues traverses de bois.

Selon certains historiens, ce sont les vainqueurs du jeu qui étaient sacrifiés aux dieux, puisque cet acte était un honneur suprême.

Mythe originel dans le Popol-Vuh

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Le Popol-Vuh, texte sacré des Mayas Quiché raconte le mythe suivant :

Les deux jumeaux Hunhunahpú et Vucub Hunahpú, conviés à jouer à la balle avec les seigneurs du Monde Inférieur, y perdent la vie à la suite de nombreuses épreuves. Par la suite, la tête de Hunhunahpú, suspendue à un calebassier, profitera de la désobéissance de Xquic, fille d’un des seigneurs ayant bravé l’interdiction de s’approcher de l’arbre, pour lui cracher dans la main. Xquic tombe alors enceinte et se réfugie sur terre pour échapper aux représailles de ses semblables. Elle y donnera naissance aux jumeaux Hunahpú et Xbalanqué.

Ces derniers, ayant récupéré l’équipement de leur père et de leur oncle, se mettent à jouer à la balle. Les seigneurs de Xibalbá les font alors eux aussi descendre dans le Monde Inférieur, mais les jumeaux arrivent à déjouer les pièges tendus par leurs adversaires, jusqu'à ce que Hunahpú se fasse décapiter par une chauve-souris. Les seigneurs décident d'utiliser sa tête comme balle mais Xbalanqué arrive, par ruse, à la remplacer par un lapin et à ressusciter son frère. Les jumeaux sont finalement vainqueurs et tuent les seigneurs des ténèbres. Ils ressusciteront également leur père et leur oncle, et monteront au ciel pour devenir l’un le Soleil et l’autre la Lune.

Notes et références

  1. Voir Ulama: The Perpetuation in Mexico of the Pre-Spanish Ball Game Ullamaliztli, Ted J. J. Leyenaar, J. Brill éd., 1978
  2. Coe et Van Stone 2001, p. 66.
  3. terme que l'on retrouve dans différents dictionnaires de maya yucatèque, le Diccionario de Motul et le Diccionario de San Francisco, cité dans : Barrera Vásquez, Alfredo (dir), Diccionario maya : maya-español, español-maya (2e éd.), Editorial Porrua, 1991, p. 663. Frans Blom dans The Maya Ball Game 'Pok-ta-pok' Called Tlachtli by the Aztecs (1932) emploie «pok-ta-pok», une forme corrompue ou erronée, qui, bien que souvent citée, n'est attestée nulle part ailleurs
  4. a et b Duverger 1978, p.44.
  5. Aguilar-Moreno 2007, p.224.
  6. Voir le récit de Fray Diego Durán en 1570 in Historia de las Indias de Nueva Espana e Islas de la Tierra Firme, Porrua, 1967
  7. Voir pages 252-253 inEncyclopedia of World Sport from Ancient times to the Present, Oxford University Press, 1999
  8. Taladoire 1981, p. 2.
  9. Taladoire 1981, p. 80.
  10. Taladoire 1981, p. 511.
  11. Coe et Koontz 2002, p. 138.
  12. Toby Evans 2008, p. 155.
  13. Il existe une grande variété d'orthographes, selon le chroniqueur auquel on se réfère, même s'il s'agit manifestement du même terme.
  14. Taladoire 1981, p. 41.
  15. Taladoire 1981, p. 41.
  16. Taladoire 1981, p. 60.

Annexes

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes


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