Johannes Tinctoris

Johannes Tinctoris
Johannes Tinctoris
Noimage.png

Naissance 1435 ?
Braine-l'Alleud
Décès 1511
Nationalité brabançonne

Johannes Tinctoris ou Jean de Vaerwere (né vers 1435 à Braine-l'Alleud, décédé en 1511) est un compositeur, musicien et théoricien de la musique brabançon de l'École franco-flamande. Auteur du premier dictionnaire de termes musicaux, son œuvre la plus célèbre en tant que compositeur est une messe sur le motif musical d'une chanson souvent utilisée à l'époque dans des compositions polyphoniques : L'Homme armé (la Missa "Cunctorum plasmator summus").

Sommaire

Biographie

Tinctoris, originaire du Duché de Brabant (dans l'actuelle province du Brabant wallon), peut aussi être considéré comme Orléanais, dans la mesure où il effectua ses études de droit à l'Université d'Orléans. Il y fut élu procurator (représentant) des nombreux étudiants de la Nation germanique et exerça, selon les registres de cette Nation, comme succentor (maître de musique et des enfants de chœur) de la cathédrale Sainte-Croix de 1460 à 1465. De 1474 à 1476, il occupa les mêmes fonctions de maître du chœur à la cathédrale Saint-Lambert de Liège (en Belgique wallonne). De 1476 à 1481, il remplit les fonctions de chantre (chanteur) et de chapelain auprès du roi Ferdinand d'Aragon, à Naples. De 1481 à 1483, il fut de nouveau succentor à Liège. Il retourna ensuite à Naples jusqu'en 1487. Cette même année, il séjourna à la cour de Bourgogne et à celle du roi de France Charles VIII, où Ferdinand d'Aragon l'avait chargé de recruter des chantres. D'autres indications sont plus ou moins incertaines. Tinctoris séjourna à Chartres, comme magister puerorum (maître des enfants et maître du chœur) de la cathédrale Notre-Dame (avant 1474). Bruges (en Belgique, Flandre occidentale) se trouva aussi sur son parcours (id.). Il avait également été "petit vicaire" (chantre) à Cambrai (1460). A une époque plus tardive, il put aussi séjourner à Nivelles, où il possédait une prébende canoniale. Il semble qu'il était à Rome lors de l'élection du Pape Alexandre VI Borgia, en 1492. Il vivait toujours en Italie en 1495 et chanta comme membre de la chapelle papale jusqu'en 1500.

Également un musicologue

Tinctoris écrivit de nombreux ouvrages consacrés à l'écriture de la musique. Même si ses travaux ne brillent pas par leur originalité (Tinctoris s'inspire fortement d'auteurs l'ayant précédé, comme Boèce, Isidore de Séville ou d'autres), ils nous dressent un instantané très détaillé des techniques et des procédures utilisées par les compositeurs de l'époque. Il écrivit le premier dictionnaire des termes musicaux (Diffinitorium musices); un ouvrage sur les caractéristiques des modes musicaux; ainsi qu'un traité sur les proportions (1473), et un livre consacré au contrepoint, particulièrement utile durant cette période charnière entre Guillaume Dufay et Josquin Des Prés, où se développent progressivement l'idée de prééminence d'une voix (voice leading en anglais) parmi les contrepoints internes, et la notion d'harmonies à lire verticalement. Voici comment Robert Wangermée explicite la position de Tinctoris à la fois comme musicien et théoricien:

«  Johannes Tinctoris (originaire de Nivelles) qui vivait à la cour du Roi Ferdinand d'Aragon à Naples [...] a rédigé d'importants traités de "musique pratique" [...] Aux XVe et XVIe siècles, toutes les compositions musicales ont été régies par les lois du contrepoint, mais celles-ci ont connu des variantes selon les époques. Pour Ockeghem et Tinctoris, le contrepoint était une écriture essentiellement horizontale où chacune des voix était perçue comme indépendante des autres[1]. »

Les écrits de Tinctoris influencèrent les compositeurs et les autres théoriciens de la musique de la Renaissance. Comme la plupart des intellectuels de la Renaissance, Tinctoris s'intéressait à tous les domaines de la connaissance. Il était connu comme clerc, poète, mathématicien, et comme homme de loi ; une source le décrit même comme un peintre accompli.

Œuvres

Traités de musique

  • Terminorum musicæ diffinitorium (le premier Dictionnaire des termes musicaux). Publié à Trévise, par Gerardo de Lisa, vers 1473, 15 fos. Rééd. : Naples, Francesco Truppo, vers 1487.
  • Deux exposés sur la hauteur des sons et sur la notation rythmique : Expositio manus et Proportionale musices (Exposé de la main et De la proportion dans la musique), 1472-73.
  • Une présentation détaillée du système modal : Liber de natura et proprietate tonorum (Livre de la nature et de la propriété des sons), achevé le 6 novembre 1476, à Naples.
  • Liber de arte contrapuncti (Livre sur l'art du contrepoint), achevé le 11 octobre 1477 à Naples, sa contribution majeure concernant les intervalles, la consonance et la dissonance.
  • Il consacra une large étude à l'origine de la musique, ses racines, ses différentes évolutions, et ses ramifications à la fois théologiques et métaphysiques, en s'attardant sur la pratique instrumentale et surtout vocale : De inventione et usu musicæ (De l'invention et de l'usage de la musique). La fourchette de datation de cet ouvrage est à situer entre 1483 et 1487.
  • Et encore : Tractatus de notis et pausis (Traité des notes et des pauses) ; Tractatus de regulari valore notarum (Traité de la valeur régulière des notes), 1474-75 ; Liber imperfectionum musicalium notarum (Livre des imperfections des notes de musique), les perfections correspondant à nos divisions rythmiques ternaires, et les imperfections aux divisions binaires ; Tractatus alterationum (Traité des altérations) ; Scriptum super punctis musicalibus (Écrit sur les points en musique) ; Complexus effectuum musices (Liste des effets de la musique)[2], vers 1474.
  • Choix d'éditions :
  • Albert Seay, Johannis Tinctoris opera theoretica, I, et IIa, [Rome], 1975, 1978 (le volume IIb n'est jamais paru).
  • Edmond de Coussemaker, Œuvres théoriques de Jean Tinctoris..., in : Scriptorum de musica medii aevi nova series, IV, Lille, Lefebvre-Ducrocq, Nouvelle édition, 1875 (tous les traités sauf le De inventione, découvert plus tardivement).

Compositions musicales

  • 4 messes (deux à 3 voix, deux à 4 voix).
  • 2 motets à 3 voix : O Virgo miserere ; Virgo Dei throno digna (éd. Venise, Petrucci, 1502).
  • 2 motets à 2 voix : Alleluya et Fecit potentiam (ce dernier texte, extrait du Magnificat).
  • 7 chansons :

- Vostre regard et Hélas, à 3 voix (éd. in Harmonice Musices Odhecaton, Venise, Petrucci, 1501). Ce recueil a été réédité de 1502 à 1504.

- Le souvenir : deux mises en musique (une à 4 voix et l'autre à 2 voix).

- De tous biens playne ; D'ung aultre amer ; Tout a par moy ; Comme femme, les quatre à 2 voix.

  • Édition complète :
  • Fritz Feldmann puis William Melin, Opera omnia Johanni Tinctoris, [Rome], American Institute of Musicology, 1960, 1976 ("Corpus mensurabilis musicae", Nos 18 et 18 A), VI-23 p., XV-146 p. (les autres éditions modernes y sont signalées, N° 18 A, pp. XI-XV).
  • Éditions isolées :
  • Missa "Cunctorum plasmator summus" (sur L'Homme armé), à 4 voix.
  • Missa sine nomine, n° 1 (à 3 voix).
  • Virgo Dei throno digna, à 3 voix.
  • Vostre regard.
  • Hélas.

Analyse historique

La première biographie de Johannes Tinctoris est écrite de son vivant par Johannes Trithemius dans son Catalogus illustrium virorum germanorum paru à Mayence en 1497.

Historiographie wallonne

L'historiographie wallonne a remis en cause l'appellation de « compositeur flamand » de Tinctoris et rejette la catégorisation dans une école « franco-flamande ». En effet, avec la montée en puissance des discours communautaires en Belgique au début du XXe siècle, l'historiographie belge doit faire face à quelques voix discordantes qui mettent en cause l'unitarisme et le caractère « flamand » de certains artistes ou courants présentés comme tels[3]. Ainsi, le romaniste belge et militant wallon Maurice Wilmotte reprochait aux Flamands de s'approprier un patrimoine wallon :

« Les Flamands avaient tout intérêt à cultiver et à renforcer cette légende, ils ont, avec une tranquillité de pirate, annexé soit nos musiciens, Dufay, Pierre de la Rue, Roland de Lassus, soit nos peintres, un Roger de le Pasture et un Patinier, peut-être l'hypothétique maître de la madone de Flémalle[4]. »

Léopold Genicot, historien belge proche du Mouvement wallon, inscrit également Tinctoris dans un « art wallon » :

« Nous revoilà dans la musique, qui demeurait le grand art wallon. Les Hainuyers continuèrent à en commander l'évolution aussi longtemps que la polyphonie garda la faveur. Dufay l'avait dotée de la messe unitaire, bâtie sur un seul thème. Tinctoris, chanoine de Nivelles, lui consacra douze traités, dont le Terminorum musicae definitiorum, ancêtre des dictionnaires musicaux[5]. »

Annexes

Notes et références

Notes


Références

  1. Robert Wangermée
  2. On peut aussi traduire Complexus par Ensemble, ou Enchaînement.
  3. Pirotte Jean, « Belgique et Wallonie face à leur passé : L'histoire au service des causes? » in Bastia France (dir), La Revue générale, 125e année, N° 6-7, Éditions Duculot, juin-juillet 1989, p. 131-141, (ISSN 07708602).
  4. Wilmotte Maurice, « L'équation Flamand = Belge » in La Belgique française, Bruxelles, 1911.
  5. Léopold Genicot, Racines d'espérance. Vingt siècles en Wallonie, par les textes, les images et les cartes, Didier-Hatier, Bruxelles, 1984 p. 136 [ISBN 2-87088-581-4]

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Marlène Britta, François Turellier, Philippe Vendrix, "La vie musicale à Orléans de la fin de la guerre de Cent Ans à la Saint-Barthélemy", in : Orléans, une ville de la Renaissance. Orléans : Ville d’Orléans ; Tours : CESR et Université François-Rabelais, 2009, p. 120-131.
  • Marlène Britta, Les effets de la musique à la Renaissance : pouvoir et séduction [1]
  • (en) Heinrich Hüschen, art. "Johannes Tinctoris," in The New Grove Dictionary of Music and Musicians, ed. Stanley Sadie. 20 volumes, Macmillan Publishers Ltd., Londres, 1980. ISBN 1-56159-174-2
  • (en) Gustave Reese, art. Music in the Renaissance, W.W. Norton & Co., New York, 1954. ISBN 0-393-09530-4
  • Pirotte Jean, "Belgique et Wallonie face à leur passé : L'histoire au service des causes ?", in Bastia France (dir), La Revue générale, 125e année, N° 6-7, Éditions Duculot, juin-juillet 1989, p. 131-141, (ISSN 07708602).

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Johannes Tinctoris de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Johannes Tinctoris — (* um 1435 in Braine l Alleud; † 1. Jahreshälfte 1511) war ein franco flämischer Komponist und Musiktheoretiker der Renaissance. Inhaltsverzeichnis 1 Herkunft und Leben 2 Portrait 3 Musikalisches Werk …   Deutsch Wikipedia

  • Johannes Tinctoris — Nacimiento 1435 Braine l′Alleud, Bélgica Fallecimiento Octubre de 1511 Nivelles, Bélgica Nacionalidad Franco flamenco …   Wikipedia Español

  • Johannes Tinctoris — (c. 1435 ndash; 1511) was a Flemish composer and music theorist of the Renaissance. He is known to have studied in Orleans, and to have been master of the choir there; he also may have been director of choirboys at Chartres. Because he was… …   Wikipedia

  • Tinctoris — Johannes Tinctoris (* um 1435 in Braine l Alleud; † 1. Jahreshälfte 1511) war ein franco flämischer Komponist und Musiktheoretiker der Renaissance. Inhaltsverzeichnis 1 Herkunft und Leben 2 Portrait 3 Das musikalische Werk …   Deutsch Wikipedia

  • Tinctoris — Johannes Tinctoris Johannes Tinctoris (né en 1435, décédé en 1511) était un compositeur qu il ne faut considérer comme flamand qu en raison de l appellation École franco flamande. Ce musicien que l on peut donc qualifier de Wallon est un… …   Wikipédia en Français

  • Johannes Ockenheim — Johannes Ockeghem (* etwa zwischen 1410 und 1430 in Saint Ghislain; † 6. Februar 1497 in Tours; auch: Ockenhem, Ockengem und Ockenghem) war ein flämischer Komponist, Sänger und Kleriker. Inhaltsverzeichnis 1 Leben 2 Werke …   Deutsch Wikipedia

  • TINCTORIS (J.) — TINCTORIS JOHANNES (1435 env. 1511) Compositeur flamand, théoricien de la musique, auteur du premier dictionnaire de termes musicaux. On ignore où Johannes Tinctoris fit ses études; mais il enseigna les arts, les mathématiques, la musique, la… …   Encyclopédie Universelle

  • Johannes Ockeghem — (* etwa zwischen 1410 und 1430 in Saint Ghislain (Hennegau); † 6. Februar 1497 in Tours; auch: Ockenhem, Ockengem und Ockenghem) war ein flämischer Komponist, Sänger und Kleriker. Inhaltsverzeichnis 1 Leben 2 Werke …   Deutsch Wikipedia

  • Johannes Regis — Johannes Régis Jean Régis Naissance 1425 Décès 1496 probablement à Soignies Activité principale Compositeur Style Polyphonie franco flamande Motet Messe …   Wikipédia en Français

  • Johannes Regis — (Jehan Leroy) (c. 1425 ndash; c. 1496) was a Franco Flemish composer of the Renaissance. He was a well known composer at the close of the 15th century, was a principal contributor to the Chigi Codex, and was secretary to Guillaume… …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”