Jules Allix

Jules Allix
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Jules Allix en 1871

Jules Allix (9 septembre 1818, Fontenay-le-Comte - 1897, Paris) était une personnalité de la Commune de Paris, fervent républicain, socialiste militant, féministe convaincu et excentrique dont les lubies le conduisirent plusieurs fois à l'asile.

Sommaire

Biographie

Né d'un milieu bourgeois, fils d'un marchand-quincaillier, licencié en droit, Jules Allix se fait remarquer pour la première fois en présentant sa candidature en Vendée pour l'Assemblée constituante de 1848 en tant que « communiste pour la défense de la religion ».

Vivant dans la clandestinité après les journées de Juin, il est arrêté un an plus tard à l'occasion de son implication dans l'affaire du Conservatoire des Arts et Métiers[1]. En 1853, sa participation au complot de l'Hippodrome [2] lui vaut d'être condamné à huit ans de bannissement[3]. Avec sa famille, il rejoint alors à Jersey son frère Émile, médecin et ami de Victor Hugo. Pendant cette période, il participe à des expériences de tables parlantes organisées par Victor Hugo[4],[5],[6], mais il est pris d'une crise de folie au cours d'une de ces séances, ce qui incite Hugo à cesser ces pratiques[7].

Amnistié en 1860, il revient à Paris et montre des premiers signes d'aliénation mentale qui le conduiront à l'asile de Charenton en juillet 1865. Son frère l'en fera sortir en septembre 1866. De ce jour, il vit une période faste en théories scientifiques, projets pédagogiques et activisme social d'inspiration fouriériste.

Il se présente aux élections législatives françaises de 1869 à Belleville et tient des conférences socialistes dans le gymnase de son ami Hyppolyte Triat, mais ne réussit pas à se faire élire[8].

Enfermé à la prison Mazas pour sa participation au soulèvement du 22 janvier 1871, il en est libéré au premier jour de l'insurrection parisienne, le 18 mars. Porté par le souffle de la révolte, il chasse le maire du VIIIe arrondissement Ernest Denormandie et prend sa place. Ce coup d'éclat et le fait que l'électorat de cet arrondissement ne connaissait pas sa réputation lui vaut d'être confirmé à ce poste lors des élections municipales. En tant que membre de la Commune, il fait preuve d'une exaltation républicaine et socialiste trépidante, mais aussi d'un comportement monocratique et extravagant.

Peut-être fou et exalté, mais il reste humaniste et pacifiste. Sous son administration, l'arrondissement est assez tranquille, il y a peu d'arrestations de suspects ou réfractaires et pas de perquisitions armées[9]. C'est peut-être ce « sentimentalisme fraternaliste » et surtout son manque de collaboration avec les délégués de la Commune qui incitent Raoul Rigault à l'arrêter le 9 mai en prenant pour prétexte ses dernières lubies. Admirateur de la gymnastique, il voulait organiser des gymnases de femmes[8] et on lui prêtait l'intention de remplacer les crucifix des écoles par des Milon de Crotone[10]. Le Conseil le fait relâcher le 11 mai au grand dam de Rigault[11],[12]. Il en profite pour réinvestir sa mairie en brisant les scellés apposés, il est arrêté sur le champs mais laissé en liberté. Le 21 mai, au début de la Semaine sanglante, délirant dans une réunion publique il est envoyé à Charenton.

Libéré peu avant la chute de la Commune, il est arrêté par les Versaillais qui le jugent, mais sa réputation de doux dingue inoffensif[13] et ses propos incohérents ne le condamnent qu'à retourner à Charenton. Il sort de l'asile en 1876, est amnistié en 1879 puis vit et milite désormais modestement, essentiellement pour la cause féministe.

Inventions et projets

Toute sa vie, l'esprit fantasque de ce touche-à-tout a fourmillé de nombreux projets tels que l'apprentissage de la lecture en 15 leçons d'une heure (1854)[14], le mouvement perpétuel (1880), la transformation de Paris en port maritime ou la création à Saumur d'un port fluvial sur le Thouet relié à la Loire par un tunnel navigable (1895)[15],[16]. Durant le siège de Paris, il préconise aux parisiennes le port du doigt prussique, de sa conception comportant une aiguille et une réserve d'acide prussique destiné à se protéger fort à propos des assauts des prussiens[17],[18].

Mais son « invention » la plus célèbre date de 1850 et se nomme la boussole pasilalinique sympathique ou plus communément les escargots sympathiques. Il s'agit d'une méthode de télégraphie basée sur la capacité supposée des escargots à maintenir un contact sympathique après l'acte sexuel. Autrement dit, un escargot est capable de transmettre à toutes distances, par le biais d'un fluide identifié à une forme de magnétisme animal propagé par le sol, son état d'excitation au congénère avec qui il a sympathisé, c'est la « commotion escargotique ». Hélas, Jules Allix n'était pas vraiment l'inventeur de ce moyen de communication, mais abusé par une expérimentation manifestement truquée[19], il s'en est fait le promoteur naïf aux noms de Jacques Toussaint Benoît et Biat-Chrétien (personne fictive censée se trouver aux Amériques et être en contact escargotique quotidien avec Benoît).

Les escargots sympathiques

Benoît était un pseudo-scientifique féru d'astrologie, de mesmérisme et d'électricité, il avait sollicité Hyppolyte Triat pour financer la construction de ses appareils. Triat, directeur d'un gymnase parisien et ami intime d'Allix, était une personne de bon sens mais sans culture scientifique, il se laissa convaincre, logea et finança Benoît. Au bout d'un an, Triat manifesta son impatience et Benoît lui annonça alors l'achèvement de son invention.

L'appareil de Benoît ressemble à un grand compas de marine et s'apparente à une pile voltaïque non pas constituée de disques empilés, mais de 24 coupelles composées de zinc et de cuivre enserrant une couche de tissu imbibé de sulfate de cuivre, disposées en cercle sur une roue. Chaque coupelle est repérée par une lettre, contient un escargot collé et est montée sur un fin ressort censé révèler la réaction sympathique de son occupant[20]. Grâce à deux de ces appareils contenant des escargots sympathiques correctement appariés, il est alors possible de transmettre des messages instantanément et sans support matériel en touchant un escargot et observant la réaction de son correspondant dans l'autre machine. En réalité, l'excitation des animaux dans leur coupelle était surtout due aux suintements de sulfate de cuivre.

La démonstration eut lieu le 2 octobre 1850 dans l'appartement de Benoît ne contenant qu'une seule pièce. Triat exigea que les appareils et leurs opérateurs soient séparés par un rideau. Jules Allix et Hyppolyte Triat s'échangèrent chacun un message, mais Benoît, sous divers prétextes, allait et venait entre les deux appareils influençant les actions et lectures de chacun. Le résultat obtenu par ce biais fut significatif.

Enthousiasmé, Jules Allix annonça cette invention dans le journal La Presse de leur ami Émile de Girardin[21]. Plus sceptique, Hyppolyte Triat convia Benoît à renouveler l'expérience suivant un protocole plus rigoureux et en présence d'Émile de Girardin, Benoît accepta mais disparut la veille. Finalement, il mourut misérablement en 1852[22],[23].

Cette anecdote amusa longtemps les parisiens, Honoré Daumier s'en inspira dans une caricature en 1869[24], et Alphonse Allais dans Ne nous frappons pas[25] dépeint Allix communiquant ainsi avec un ami en Irlande à la barbe des Versaillais assiègeant Paris[26]. Bien que cela ne soit pas formellement établi, il semble que le manga One Piece parodie également ce type de communication à travers l'escargophone.

Bibliographie

  • « Communication universelle et instantanée de la pensée, à quelque distance que ce soit, à l'aide d'un appareil portatif appelé Boussole pasilalinique sympathique », dans La Presse, 25 et 26 octobre 1850 [texte intégral] 
  • Éducation nouvelle. École Allix. Lecture en 15 heures par Jules Allix. Cours des enfants., vol. 2 : Exercices pratiques, Bruxelles, A. Jamar, 1856, 128 p.
    (notice BNF no FRBNF30012249)
     
  • Vale, Bruxelles, Méline, Cans & Cie, 1858, 294 p.
    un exemplaire conservé à la Bibliothèque de Victor Hugo à Hauteville-House
     
  • La Phalange nouvelle N°1 : journal spirituel, amusant et savant, non politique, Paris, 3 mai 1863
    (notice BNF no FRBNF30012257)
     
  • Jules Allix aux journalistes (au sujet de sa Comète), Paris, 1864
    (notice BNF no FRBNF30012252)
     
  • Curation de l'aliénation mentale, par Jules Allix. Lettre au Sénat., Paris, J.-B. Baillière et fils, septembre 1867, 16 p.  
  • 2e Conférence sur la réforme de l'enseignement, par Jules Allix. 2e édition, Paris, H. Delattre, coll. « Cercle social de l'enseignement et Ligue de la réforme de l'enseignement en France », 1883
    (notice BNF no FRBNF30012248)
     
  • Bulletin mensuel de la libre-pensée N°1. Revue scientifique et littéraire, Fédération française de la libre-pensée, juillet 1890  
  • Paris port de mer. Projet Jules Allix introduit dans l'enquête officielle de Paris port de mer. Canalisation de la Seine de Paris à Rouen. Notice., 1891, 26 p.
    (notice BNF no FRBNF30012256)
     
  • La Fin prochaine et imminente de la religion catholique, apostolique et romaine, août 1896
    Discours prononcé au comité de l'Union des républicains socialistes du IIe arrondissement de Paris (notice BNF no FRBNF30012250)
     
  • Homme et Esprit. Manifeste., juin 1896
    Discours pour l'anniversaire de la fête de Maria Deraismes, le 8 juin 1896, aux Épinettes, à Paris (notice BNF no FRBNF30012251)
     
  • « Chronique féministe », dans Bulletin bimestriel de la société pour l'Amélioration du sort de la femme, 15 novembre 1897 
  • « Congrès général, national et international des études psychiques, de 1900 à Paris », dans L'Humanité Intégrale, no 2, 1899, p. 36-38 [texte intégral] 

Notes et références

  • Biographie très détaillée : Jules Allix, Dictionnaire biographique du fouriérisme, 2007. Consulté le 23-07-2007
  • Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune de Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1978 
  1. Soulèvement orchestré par Alexandre Ledru-Rollin et notamment Joseph Guinard.
  2. Complot dit de l'Hippodrome et de l'Opéra-Comique, visant à assassiner Napoléon III et instaurer une dictature républicaine.
  3. Complots dits de l'Hippodrome et de l'Opéra-Comique, Paris, Imprimerie impériale, novembre 1853, 32 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)] 
  4. Maria do Carmo M. Schneider, « Victor Hugo: la face occulte d'un génie », Universidade Federal de Minas Gerais. Consulté le 24-07-2007
  5. "Livre des Tables", Procès verbaux des séances de spiritisme, BNF. Consulté le 24-07-2007
  6. Procès verbaux des séances de "Tables parlantes", Groupe Hugo, Université Paris 7. Consulté le 24-07-2007
  7. Jean-Luc Gaillard, « La Chronologie de Victor Hugo 1802-1885 ». Consulté le 24-07-2007
  8. a et b Jules Clère, Les Hommes de la Commune : Biographie complète de tous ses membres, Paris, E. Dentu, 1871, 215 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)], p. 9-11 
  9. Maxime Du Camp, Les convulsions de Paris, t. 4 : La Commune à l'Hôtel de ville, Paris, Hachette et Cie, 1880, 382 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)], chap. VII-I (« Le huitième arrondissement »), p. 341-343 
  10. H.D. Justesse, Histoire de la Commune de Paris, Zurich, Robert Dancker Ed., 1879, 358 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)], p. 242 
  11. Réimpression du Journal officiel de la République Française sous la Commune : du 19 mars au 24 mai, Paris, Victor Bunel, 1871, 673 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-24)], p. 544 
  12. Jules Forni, Raoul Rigault : procureur de la Commune, Paris, Librairie centrale, 1871, 103 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)], p. 94-95 
  13. Jules Merle de la Brugère, Histoire de la Commune de 1871, vol. 1, Paris, Arthème Fayard, juin 1871, 414 p. [lire en ligne (page consultée le 2010-09-23)], p. 146-147 
  14. « Jules Allix, proscrit français, licencié en droit, fondateur de l’éducation nouvelle et inventeur de la lecture en quinze heures. Cours gratuits. L’avis est assorti d’un commentaire : Les curieux ne peuvent pas manquer un essai de ce genre. Ce cours public et gratuit de lecture à Saint-Hélier conduira les élèves à lire le français couramment dans un livre en quinze heures c’est-à-dire en quinze leçons. Des places particulières sont réservées pour les dames »

    — Annonce parue dans le journal des exilés L'Homme à Jersey en 1854

  15. Département des connaissances oubliées et livres maudits, Surnatéum. Consulté le 24-07-2007
  16. Reproduction d'une partie du projet de bassin-port : Le mythe de la Loire navigable. Consulté le 24-07-2007
  17. Le siège de Paris, Jetons-Monnaies.net. Consulté le 24-07-2007
  18. (en) Ernest Alfred Vizetelly, My Days of Adventure, 1914 [lire en ligne] 
  19. (en) Snail Telegraphy, The Athanasius Kircher Society. Consulté le 24-07-2007
  20. (en) Sabine Baring-Gould, Historic Oddities and Strange Events, Elibron classics, 2006 (1re éd. 1890), 323 p. (ISBN 0-543-94472-7 et 0-543-94471-9) [lire en ligne (page consultée le 2010-09-08)], « The Snail Telegraph », p. 185-198 
  21. Copie de l'annonce de cette invention publiée les 25 et 26 octobre 1850 dans le journal La Presse :
    La Boussole pasilalinique sympathique. Consulté le 24-07-2007
  22. Louis Figuier, Histoire du merveilleux dans les temps modernes : Les Tables tournantes, Les Médiums et les Esprits, t. 4, L. Hachette et cie, 1860 [lire en ligne], chap. XIII (« Les escargots sympathiques »), p. 242-260 
  23. (en) The snail telegraph, Duneroller Publishing, 2004. Consulté le 24-07-2007
  24. Honoré Daumier, « Les escargots non sympathiques », dans Le Charivari, 25 septembre 1869 [texte intégral] 
  25. Alphonse Allais, Ne nous frappons pas, 1900, « Escargots sympathiques » 
  26. Balthazar Alessandri, « D'Allix en Allais », Association des amis de la Commune de Paris. Consulté le 24-07-2007

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