Krystyna Skarbek

Krystyna Skarbek

Krystyna Skarbek (1908 - 1952), d’origine polonaise, fut un agent secret britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle mena des actions d'espionnage et de Résistance, notamment :

  • en Hongrie, au début de la guerre (1940),
  • en France, après le débarquement en Normandie (été 1944), au sein de la section française (F) du Special Operations Executive, en tant que courrier du réseau JOCKEY de Francis Cammaerts.

Parmi toutes les femmes agents du SOE, c’est elle qui servit le plus longtemps comme agent secret britannique.

Certains ont avancé que ce sont les capacités et les réussites de Krystyna Skarbek qui ont amené le SOE à faire évoluer sa politique en faveur d'un recrutement croissant de femmes.

Pour accéder à des photographies de Krystyna Skarbek, se reporter au paragraphe Sources et liens externes en fin d'article.

Identités

  • État civil : Krystyna Skarbek, épouse Getlich puis Giżycki
  • Comme agent du SOE :
    • Nom de guerre (field name) : Christine Granville (?)
    • Nom de code opérationnel : (?)
    • Identité d'emprunt : Pauline Armand

Famille

  • Son père : Comte Jerzy Skarbek. Cette branche de la famille aristocratique Skarbek, descendant de l’une des plus anciennes familles nobles de Pologne, n’avait pas droit au titre.
  • Sa mère : Stefania Goldfeder, fille d’un riche banquier, Juif assimilé.
  • Ses maris :
    • Karol Getlich, homme d’affaires.
    • Jerzy Giżycki (1899 - 1970), mariage le 2 novembre 1938.

Biographie

Premières années

1908. Le 1er mai, naissance de Krystyna Skarbek à Varsovie, Pologne.

Krystyna grandit dans le confort jusqu’à ce que son père ait gaspillé toute la dot de sa femme en réceptions fastueuses.

Son père étant décédé, elle entre de façon mal assurée dans le monde du travail et du mariage. À 22 ans, son premier mariage avec Karol Getlich, un homme d’affaires, se termine sans rancœur.

1938.

  • 2 novembre. Âgée de 30 ans, elle épouse l’écrivain Jerzy Giżycki, et le couple part rapidement s’installer en Afrique orientale britannique.

Carrière d’espionne

1939. En septembre, quand l’Allemagne envahit la Pologne, le couple décide de rentrer à Londres, où Krystyna cherche à offrir ses services dans la lutte contre l’ennemi commun. Les autorités britanniques marquent peu d’empressement, mais finissent par être convaincues par ses relations, y compris le journaliste et contact du Secret Intelligence Service Frederick Voigt.

Hongrie

1940.

  • Février. Elle part pour la Hongrie. Elle persuade un skieur olympique polonais d’avant-guerre, Jan Marusarz, de l’accompagner pour traverser les montagnes Tatras couvertes de neige en Pologne. Une fois à Varsovie, elle plaide sans succès auprès de sa mère juive pour lui faire quitter la Pologne ; elle sera finalement tuée dans un camp de concentration. Une réussite des missions du courrier polonais a consisté à faire traverser le Tatras au seul fusil anti-tank polonais modèle 35, qui a eu comme destin malheureux de ne jamais servir à la guerre avec les Alliés.
  • Pendant qu’elle est en Hongrie, elle se lie avec un officier polonais, Andrzej Kowerski (1912 - 1988), connu plus tard par ses papiers britanniques sous le nom d’Andrew Kennedy.
  • Kowerski, qui avait perdu une partie d’une jambe dans un accident de chasse avant la guerre, exfiltrait du personnel militaire polonais et allié, et recueillait des renseignements.

1941.

  • Janvier. Krystyna manifeste un penchant pour les stratagèmes : étant arrêtée par la Gestapo avec Kowerski, elle s’arrange pour obtenir leur libération en feignant les symptômes de la tuberculose. Ce qui a plaidé en sa faveur, c’est que la Gestapo ne voulait pas heurter la tante de Krystyna et l’ami de celle-ci, le Régent hongrois, Miklós Horthy. Krystyna et Kowerski réussissent à s’échapper de la Hongrie à travers les Balkans et la Turquie.
  • À leur arrivée aux bureaux du SOE au Caire, Égypte, ils reçoivent comme un choc la nouvelle qu’ils sont soupçonnés.
Krystyna est soupçonnée pour deux raisons : d'abord à cause de ses contacts avec un service de renseignements polonais appelé Les Mousquetaires ("Musketeers"). (Ce groupe a été formé en octobre 1939 par un ingénieur-inventeur Stefan Witkowski, qui sera tué en 1942, sans qu'on sache par qui ni pour quelle raison. Il existe plusieurs explications du fait que les Mousquetaires étaient mal vus par les Polonais en exil et par les Britanniques). Ensuite, un autre motif de suspicion de Krystyna est la facilité – que ses accusateurs auraient pu comprendre, s’ils l’avaient mieux connue – avec laquelle elle s’était arrangée à Istanbul, Turquie, pendant leur évasion de Hongrie, pour obtenir par ses charmes des visas de transit à travers la Syrie sous mandat français de la part du consul français vichyssois. Pour les agents de renseignements polonais, seuls des espions allemands pouvaient y être parvenus.
Il y a aussi des soupçons qui pèsent sur Kowerski. Le Général Colin Gubbins, celui qui devait devenir le chef du SOE en 1943, les évoque dans une lettre adressée au Commandant en chef et Premier ministre polonais Władysław Sikorski, en des termes qui disculpent Kowerski[1].
  • Ils sont mis hors de cause : Kowerski clarifie les incompréhensions avec le Général Kopanski et peut reprendre son travail d’espionnage. Un élément favorable à Krystyna survient le 22 juin 1941 avec l'invasion de l'Union Soviétique (Opération Barbarossa) par l’Allemagne, ainsi que ses renseignements obtenus des Mousquetaires l’avaient prédit. On sait maintenant que ce même renseignement avait été transmis par plusieurs canaux indépendants, y compris Ultra.
  • Wilkinson annonce à Krystyna Skarbek et Kowerski qu’il veut se dispenser de leurs services. À cette nouvelle, le mari de Krystyna, Jerzy Giżycki prend ombrage du traitement cavalier qu’on leur inflige, et il renonce brusquement à sa remarquable carrière d’espion britannique. Et quand Krystyna lui dit qu’elle aimait Kowerski et qu’elle ne reviendrait pas vers lui, il part pour Londres et finalement émigre au Canada.

France

Krystyna fait l’expérience d’une interruption prolongée de l’action.

1944.

  • La situation de Krystyna ne change qu’en 1944, quand les événements l’amènent à reprendre du service et accomplir ses exploits les plus célèbres. Parlant parfaitement le français, elle est affectée au SOE Section française (F) avec pour nom de guerre « Christine Granville », sous lequel elle est plus connue.
  • Krystyna est choisie pour remplacer Cecily Lefort, courrier du réseau JOCKEY, qui a été capturée et sauvagement torturée (et qui sera plus tard exécutée) par la Gestapo.
  • 6 juillet. Krystyna, sous la fausse identité de Pauline Armand, est parachutée dans le sud-est de la France pour faire partie du réseau JOCKEY dirigé par un belgo-britannique, ex-pacifiste, Francis Cammaerts. Elle l’aide en faisant la liaison entre les partisans italiens et le maquis français pour des opérations conjointes contre les Allemands dans les Alpes, et en incitant les non-Allemands, surtout les conscrits polonais enrôlés dans les armées d’occupation allemandes, à se rallier aux Alliés.
  • 13 août. A Digne-les-Bains, deux jours avant l’Opération Anvil, le débarquement en Provence, plusieurs agents sont arrêtés à un barrage routier par la Gestapo : Francis Cammaerts, chef du réseau ; Xan Fielding, autre agent SOE qui avait auparavant opéré en Crète ; et Christian Sorensen, un officier français. Apprenant qu’ils allaient être exécutés, Krystyna s’arrange pour rencontrer un officier de la Gestapo bien placé, à qui elle se présente comme la nièce du Général britannique Bernard Montgomery, et menace l’officier d’une rétorsion terrible si on fait mal aux prisonniers. Elle réussit à l’intimider pour qu’il les relâche ; cette action fut bien aidée par un pot-de-vin substantiel, payé sur des fonds du SOE.
  • 21 novembre. Début d'une mission de Krystyna. Pour des raisons de couverture, elle travaille comme officier britannique des Women's Auxiliary Air Force (WAAF). Rendant visite au quartier général militaire polonais en uniforme, elle est traitée par les chefs militaires avec le plus grand respect.

1945

  • 14 mai. Fin de la mission de Krystyna.

Après la guerre

1946. Son divorce avec Jerzy Giżycki est prononcé au consulat de Pologne à Berlin.

1952. Le 15 juin, elle est poignardée à l’âge de 44 ans, par un individu obsédé, steward dans la marine marchande, qui finira à la potence. Elle est enterrée au cimetière catholique de St Mary à Kensal Green, au nord-ouest de Londres.

1988. On enterre près d'elle son ami et camarade de combat Andrzej Kowerski.

Reconnaissance

Distinctions

  • Royaume-Uni. Pour son exploit remarquable, à Digne, elle fut recommandée pour une George Cross. Finalement elle reçut à la place une George Medal et OBE. Plusieurs années après l'incident de Digne, à Londres, Krystyna dit à un autre vétéran polonais de la Seconde Guerre mondiale, que pendant ses négociations avec la Gestapo, elle n'était pas consciente du danger qu'elle encourait elle-même. Ce n'est qu'une fois qu'elle et ses camarades eurent réussi leur évasion qu'elle en prit conscience : « Qu'ai-je fait ? Ils auraient pu me tuer tout aussi bien ! ».
  • France : les contributions de Krystyna Skarbek à la libération de la France lui ont valu la Croix de Guerre.

Témoignages

  • Xan Fielding, qu'elle a sauvé à Digne, a écrit dans son livre en 1954 Hide and Seek dédié à la mémoire de « Christine Granville » :
« Après les épreuves physiques et le stress mental dont elle avait souffert pendant six ans à notre service, elle avait besoin probablement plus que tout autre agent que nous avions employé, de moyens de subsistance sûrs. […] Pourtant, quelques semaines après l’armistice, elle fut licenciée avec un mois de salaire et laissée au Caire, devant se débrouiller toute seule.
Bien qu’elle ait été trop fière pour demander toute autre aide, elle fit la demande […] d’un passeport britannique, car depuis la trahison anglo-américaine de son pays à Yalta, elle était virtuellement apatride. Mais ses papiers de naturalisation […] furent retardés de la façon bureaucratique normale.
Pendant ce temps-là, abandonnant tout espoir de sécurité, elle s’embarqua dans une vie de voyage incertain, comme si elle voulait reproduire en temps de paix les risques qu’elle avait connus pendant la guerre, jusqu’à ce que finalement, en juin 1952, dans le hall d’un hôtel bon marché à Londres, la modeste existence à laquelle elle avait été réduite par la pénurie, se termine sous le couteau d’un assassin ».
  • Vera Atkins a décrit Krystyna comme une femme très courageuse mais qui ne connaissait d’autre loi que la sienne et qui, malgré son pouvoir de séduction, était sous bien des aspects solitaire.

Reconnaissance populaire

Krystyna Skarbek devint une légende de son vivant. Peu de temps après sa mort, elle entra dans le royaume de la culture populaire :

  • On a dit que Ian Fleming, dans son premier roman James Bond, Casino Royale (1953) l'avait prise comme modèle pour son personnage Vesper Lynd.
  • En 1999, l’écrivain polonais Maria Nurowska a publié un roman qui raconte la tentative d’une journaliste d’élucider l’histoire de Krystyna Skarbek.

Annexes

Sources et liens externes

  • Fiche Christine Granville, avec photographies : voir le site Special Forces Roll of Honour
  • Dossier personnel de Christine Granville aux "National Archives" britanniques. Le dossier HS 9/612 est accessible depuis le 6 mars 2003.
  • Xan Fielding, Hide and Seek: the Story of a War-Time Agent, London, Secker & Warburg, 1954. Le livre, écrit par quelqu'un qui a participé à l'incident de Digne et qui le relate, est dédié à Krystyna Skarbek.
  • Madeleine Masson, Christine: a Search for Christine Granville, G.M., O.B.E., Croix de Guerre, avec un avant-propos de Francis Cammaerts, DSO, Légion d'Honneur, Croix de Guerre, US Medal of Freedom, London, Hamish Hamilton, 1975. Réédition : Virago, 2005.)
  • Marcus Binney, The Women Who Lived for Danger: the Women Agents of SOE in the Second World War, London, Hodder and Stoughton, 2002. Un cinquième du livre est consacré à Krystyna Skarbek ; il inclut des matériaux disponibles plus récents, mais s'appuie largement sur celui de Masson.
  • Christopher Kasparek, Krystyna Skarbek: Re-viewing Britain's Legendary Polish Agent, The Polish Review, vol. XLIX, no 3, 2004, pp. 945–53.
  • Maria Nurowska, Celle qu’on aime, Phébus, 2001. Ce roman s’inspire de la vie de Krystyna Skarbek.
  • Une biographie à paraître de Ronald Nowicki est susceptible de fournir de nouveaux renseignements sur la vie avant la guerre de Skarbek, en Pologne et en Afrique, et sur son action en tant qu'agent du SOE. Il pourrait élucider certaines énigmes non résolues dans les études antérieures.
  • Article de Wikipédia en anglais.

Notes

  1. Voici un extrait de la lettre : « L’année dernière […], un citoyen polonais travaillait avec nos représentants à Budapest sur des affaires polonaises. Il est maintenant en Palestine […]. Je comprends d’après le Major Wilkinson [du SOE] que le Général Kopański [ancien commandant de Kowerski en Pologne] a des doutes sur la loyauté de Kowerski à la cause polonaise [car] Kowerski n’a pas fait son rapport au Général Kopanski sur sa mission avec la Brigade polonaise indépendante des Carpates. Le Major Wilkinson m’informe que Kowerski avait reçu des instructions de nos représentants pour ne pas faire de rapport au Général Kopanski, car il était engagé dans un travail de nature secrète, qui exigeait qu’il agisse de manière indépendante. Il semble donc que la loyauté de Kowerski n’ait été mise en cause qu’à cause de ces instructions. »

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Krystyna Skarbek de Wikipédia en français (auteurs)

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