La Création (Haydn)

La Création (Haydn)

Die Schöpfung

La Création

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Adam et Ève (Domenico Zampieri, 1620).

Die Schöpfung (La Création) est un oratorio écrit entre 1796 et 1798 par Joseph Haydn (Hob. XXI:2). D'aucuns considèrent cet oratorio comme étant son chef-d'œuvre. Il raconte et il célèbre la création de l'Univers décrite dans le Livre de la Genèse.

Sommaire

Composition

Haydn eut l'idée d'écrire un grand oratorio lors de ses visites en Angleterre en 1791-1792 et en 1794-1795, où il entendit ceux de Haendel joués par de grands orchestres. L’oratorio Israël en Égypte était possiblement de ce nombre. Il est probable que Haydn ait voulu essayer d'atteindre un résultat comparable en se servant du langage musical propre au style classique, alors à son apogée.

Il travailla à cet oratorio entre octobre 1796 et avril 1798. Cet exercice constituait aussi évidemment un acte de foi pour ce compositeur très religieux : il avait l'habitude d'écrire Gloire à Dieu à la fin de chaque œuvre terminée. Plus tard, il fit la remarque suivante : « je n'ai jamais été aussi dévot qu'à l'époque où je travaillais sur La Création ; je me jetais à genoux chaque jour pour implorer Dieu de me donner la force nécessaire pour finir mon œuvre ». Haydn composa la majeure partie de l'oratorio dans sa résidence du faubourg Mariahilf de Vienne. Cette maison est maintenant connue sous le nom de Haydnhaus : « maison de Haydn », en allemand. À cette époque, il n'avait jamais consacré autant de temps à une seule œuvre. Pour s'expliquer, il écrivit : « j'y ai consacré beaucoup de temps parce que je savais qu'elle durerait longtemps ». En fait, il se consacra tant à son projet qu’il finit par tomber dans une longue période de maladie, juste après la première exécution de l’oratorio.

La partition autographe de Haydn est perdue depuis 1803. De nos jours, on utilise une partition publiée à Vienne en 1800. La partition « la plus authentique », celle de la Tonkünstler-Societat, datant de 1799 et annotée par Haydn, se trouve à la bibliothèque nationale de Vienne. Il y a plusieurs autres copies du manuscrit, comme l'Estate, ou encore des éditions hybrides préparées par des experts au cours des deux derniers siècles.

Histoire du Livret

Le texte de La Création a une longue histoire. Ses trois sources sont la Genèse, le Livre des Psaumes et le poème épique de John Milton, Paradise Lost (Le Paradis perdu). En 1795, lorsque Haydn quitta l'Angleterre, l'impresario Johann Peter Salomon (1745-1815), qui organisait ses concerts, lui fit parvenir un nouveau poème intitulé La Création du Monde. Ce manuscrit avait déjà été proposé à Haendel, mais le vieux maître n'avait pas travaillé dessus, car à cause de son style verbeux, l'exécution de l'oeuvre mise en musique aurait duré quatre heures. Le livret fut probablement transmis à Salomon par Thomas Linley père (1733-1795), un chef d'orchestre du Théâtre de Drury Lane qui dirigeait des oratorios. Linley pourrait être lui-même auteur du livret original en anglais, mais des experts tels qu’Edward Olleson, A. Peter Brown (lequel prépara une partition authentique particulièrement convaincante) et H. C. Robbins Landon, déclarent que l'auteur original reste anonyme.

Lorsque Haydn rentra à Vienne, il envoya le livret au baron van Swieten. Le baron mena plusieurs carrières en tant que diplomate, bibliothécaire en charge de la bibliothèque impériale, musicien amateur et généreux protecteur de la musique et des arts. Il est en grande partie responsable du remaniement du livret anglais vers une traduction en allemand (Die Schöpfung), dont Haydn se servit pour la composition. Il a également fait quelques suggestions à Haydn concernant l'arrangement des différents morceaux. L'ouvrage fut publié en version bilingue en 1800, et il est encore joué dans les deux langues aujourd'hui. Haydn lui-même préférait que l'oeuvre fût jouée en anglais lorsqu'elle était exécutée pour un public anglophone.

Afin que l’œuvre puisse être publiée en version bilingue, Van Swieten dut reformuler le texte original anglais afin que celui-ci corresponde à sa traduction allemande. Le baron ne parlait évidemment pas couramment anglais, et sa refonte du texte original, soumise à des contraintes de mesure et parfois divergente, fut la cible de critiques et de plusieurs tentatives d'amélioration. En effet, elle est assez maladroite pour justifier que l’œuvre soit parfois jouée en allemand dans les pays anglos-saxons. Par exemple, un passage décrivant le front d’Adam, qui vient d’être créé, est rendu par : « The large and arched front sublime/of wisdom deep declares the seat ». Les diverses parties de l’œuvre seront ici indiquées en utilisant les titres de la version allemande, qui est souvent considérée comme « meilleure » pour les raisons évoquées précédemment.

Création

Les premières exécutions de l’œuvre, en 1798, furent commanditées par un groupe de nobles citoyens, qui offrirent au compositeur une somme d’argent impressionnante pour avoir le privilège de sa création. L’imprésario anglais Salomon aurait même menacé Haydn de poursuites, déclarant que la nouvelle traduction du livret était illégale. La présentation fut donc reportée à la fin du mois d’avril (les partitions ne furent terminées qu’au Vendredi saint). L’œuvre complète fut répétée devant assistance le 29 avril. La première exécution « publique » de l’oratorio eut lieu le lendemain au palais de Schwarzenberg. Des centaines de personnes s’amassèrent dans la rue, devant le palais, afin d’entendre cette œuvre si attendue. L’entrée était sur invitation seulement. La foule invitée était constituée de riches mécènes, de hauts fonctionnaires du gouvernement, de grands compositeurs, de grands musiciens et de représentants de la noblesse de divers pays. Les gens du peuple, qui devraient se contenter d’attendre d’autres occasions d’assister à ce spectacle, étaient tellement nombreux dans les rues que le gouvernement eut recours à une trentaine d’agents de police pour contrôler la foule. Plusieurs des invités fortunés de cette soirée en firent des comptes rendus brillants. Dans une lettre au ‘’Neue teutsche Merkur’’, un invité écrivit : « Déjà trois jours sont passés depuis cette soirée mémorable, et toujours la musique retentit dans mes oreilles et dans mon cœur, et, juste à y penser, je ressens une vague d’émotions qui me serrent la poitrine. »

Les billets de la première représentation véritablement ouverte au public, le 19 mars 1799, au Burgtheater de Vienne, s’envolèrent longtemps avant le spectacle, et La Création fut présentée près de quarante fois dans la ville au cours de la vie de son compositeur. L’oratorio fut présenté à Londres en avant-première l’année suivante (dans sa retraduction anglaise) au Théâtre de Covent Garden. Haydn entendit l’œuvre pour la dernière fois le 27 mars 1808, un an avant sa mort : on transporta le vieillard malade jusqu’au théâtre dans une chaise à porteurs avec grand honneur. On raconte que, au passage qui évoque la création de la lumière, l’assistance se mit à applaudir bruyamment et que « Papa Haydn », d’un geste typique, se contenta de pointer un doigt faible vers le ciel en disant : « ce n’est pas de moi que vient cette musique — c’est de là-haut! »

Il est à noter que La Création fut aussi jouée plus de quarante fois à l’extérieur de Vienne pendant la vie de Haydn : ailleurs en Autriche et en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Suède, en Espagne, en Russie et aux États-Unis.

Son exécution dure en moyenne une heure et quarante-cinq minutes.

Effectif musical

La Création fait appel à trois solistes (soprano, ténor et basse), à un chœur à quatre voix (soprano, alto, ténor, basse) et à un grand orchestre de type classique. L’instrumentation prévoit 3 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, un contrebasson, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, des timbales, et un orchestre de cordes conventionnel. Pour les récitatifs, on utilise un clavecin ou un fortepiano.

Il semble clair que Haydn ait voulu donner à son œuvre un son particulièrement puissant pour l’époque. Entre la première représentation privée et la première exécution publique, le compositeur a ajouté des instruments à sa partition. La représentation du Burgtheater comptait 120 musiciens et 60 chanteurs.

Les trois solistes représentent trois anges qui racontent et commentent les six jours de la Genèse : Gabriel (soprano), Uriel (ténor) et Raphaël (basse). Dans la troisième partie, le rôle d’Adam est habituellement chanté par le même soliste qui interprète l’archange Raphaël. De même, le chanteur qui incarne l’ange Gabriel chante également le personnage d’Ève (c’est la pratique suivie par Haydn). Cependant, certains chefs d’orchestre préfèrent avoir recours à cinq solistes différents. L’ensemble choral est employé pour une série de chœurs monumentaux, dont la plupart célèbrent la fin de chaque jour de la Création.

L’orchestre joue souvent seul, notamment pour les épisodes de « peinture musicale » : l’apparition du soleil, la création de divers animaux et, par-dessus tout, au cours de l’ouverture, la fameuse représentation du chaos avant la création.

Découpage de l’œuvre

La Création se divise en trois parties, dont les morceaux sont indiqués ci-dessous. Comme c’est le cas dans la plupart des oratorios, les pièces musicales (arias et chœurs) sont souvent précédées par un bref récitatif ; dans La Création, les récitatifs sont des citations du livre de la Genèse, qui servent à introduire les morceaux, lesquels élaborent le récit biblique en vers.

Première partie

La première partie raconte la création de la lumière primaire, de la terre, des corps célestes, des étendues d’eau, du temps et de la vie végétale.

Vorspiel. Die Vorstellung des Chaos (Prélude : la représentation du Chaos)

L’un des morceaux les plus célèbres de l’œuvre ; il s’agit d’une ouverture en do mineur, à tempo lent, écrite en structure sonate. Haydn y dépeint le chaos en omettant les cadences à la fin des phrases musicales.

no 1. Im Anfange schuf Gott Himmel und Erde (Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre)

Ce mouvement est consacré aux quatre premiers vers de la Genèse. Il débute par un récitatif pour basse en do mineur suivi par une représentation de la création de la lumière. Cette dernière est dépeinte d’abord par une douce note pizzicato dans les cordes, puis par un puissant fortissimo théatral sur le mot Licht (lumière), avec une modulation vers le do majeur.

On raconte que ce moment créa beaucoup d’émoi lors de la première représentation publique à Vienne.

Suite à l’apparition de la lumière, un bref récitatif par le ténor poursuit la narration : « Dieu vit que la lumière était bonne », introduisant le morceau suivant :

no 2. Nun schwanden vor dem heiligen Strahle (Vaincus par les éclairs divins)

Cet air en la majeur, pour ténor avec chœur, est une paraphrase du banissement de Satan et de ses anges rebelles du Paradis, d’après Le Paradis perdu de John Milton.

Fin du premier jour

no 3. Und Gott machte das Firmament (Et Dieu créa l’étendue du firmament)

Il s’agit d’un long récitatif pour basse en do majeur. Il débute par les mots de la Genèse 1:6-7, puis se poursuit par un épisode de peinture musicale décrivant la séparation des eaux et de la terre ainsi que les premières tempêtes.

no 4. Mit Staunen sieht das Wunderwerk (La glorieuse hiérarchie des Cieux / contemple avec stupeur la création)

Pour soprano avec chœur, en do majeur. Les anges du ciel font louange à Dieu pour le travail accompli pendant le deuxième jour.

Fin du deuxième jour

no 5. Und Gott sprach: Es sammle sich das Wasser (Dieu dit : Que les eaux)

Court récitatif pour basse (Genèse 1:9-10), introduction au prochain morceau :

no 6. Rollend in schaumenden Wellen (La mer se déchaîne en vagues écumeuses)

Cet air pour basse en ré mineur raconte la création des mers, des montagnes, des rivières et finalement, dans la coda en majeur, des ruisseaux. Le style de cette pièce semble s’inpirer des « airs de vengeance » que l’on retrouve souvent dans les opéras bouffe du XVIIIe siècle, comme par exemple La vendetta, dans Les noces de Figaro de Mozart[1].


no 7. Und Gott sprach: Es bringe die Erde Gras hervor (Puis Dieu dit : Que la terre produise de la verdure)

Bref récitatif pour soprano (Genèse 1:11), puis :

no 8. Nun beut die Flur das frische Grün (La flore enveloppée d’un frais manteau vert)

Air pour soprano en si bémol majeur, sur un rythme de sicilienne, racontant la création des plantes.

no 9. Und die himmlischen Heerscharen erkündigten (Et les anges du Paradis proclamèrent le troisième jour)

Récitatif pour ténor, aboutissant à :

no 10. Stimmt an die Saiten (Pincez les cordes)

Ce chœur festif annonce le début du troisième jour. Il comprend une fugue à quatre voix sur les mots : «  Il a paré le ciel et la terre d'une merveilleuse splendeur ».

Fin du troisième jour

no 11. Und Gott sprach: Es sei'n Lichter an der Feste des Himmels (Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel)

Récitatif pour ténor, tiré de Genèse 1:14-16.

no 12. In vollem Glanze steiget jetzt die Sonne (Le Soleil, d’une éclatante splendeur, se lève)

Avec la narration du ténor, l’orchestre reproduit un splendide lever de Soleil, puis l’apparition mystique de la lune. La mélodie du lever de Soleil est toute simple : dix notes de la gamme de ré majeur harmonisées de façon diverses ; la Lune, elle, se lève dans la gamme de sol, sous-dominante de celle de ré, en un passage composé de gammes ascendantes. La fin du récitatif fait une brève allusion aux étoiles nouvellement créées, puis introduit le chœur qui suit :

no 13. Die Himmel erzählen die Ehre Gottes (Les cieux racontent la gloire de Dieu)

Voici le chœur le plus puissant de La Création, l’une de ses pièces les plus populaires.

Die Himmel erzählen n’est pas dans la tonalité maîtresse de la première partie, le do mineur, mais plutôt en do majeur, pour symboliser le triomphe de la lumière sur les ténèbres. Le morceau débute par une alternance de chœurs festifs et de séquences méditatives par les trois solistes, suivie par une grande fugue chorale sur les mots : « Und seiner hände Werk zeigt an das Firmament » (Et le Firmament affiche la grandeur de son travail), pour se terminer avec une grande section homophonique. L’intensité remarquable de la finale peut s’expliquer par le fait que Haydn accumule les codas, donnant à l’auditeur l’impression d’avoir atteint un point culminant à chaque fois.

Fin du quatrième jour

Seconde partie

La seconde partie célèbre la création des créatures marines, des oiseaux, des animaux et enfin de l'homme.

no 14. Und Gott sprach: Es bringe das Wasser in der Fülle hervor Récitatif (Gabriel)

no 15. Auf starkem fittische schwinget sich der Adler stolz Air (Gabriel). Moderato en fa majeur.

no 16. Und Gott schuff große Walfische (Et Dieu créa les grandes baleines)

Récitatif accompagné (Raphael).

no 17. Und die Engel rührten ihre unsterblichen Harfen Récitatif (Raphael)

no 18. In holder Anmut stehn / Der Herr ist groß in seiner Macht Trio (Gabriel, Uriel, Raphael) et coeur. Moderato vivace en la majeur.

Fin du cinquième jour

Notes et références de l'article

  1. Die Schöpfung (The Creation). Consulté le 2008-09-18

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