Lait de jument

Lait de jument
Traite manuelle d'une jument au Kirghizistan.

Le lait de jument est le lait produit par la jument pour alimenter son poulain, afin de lui permettre de grandir et de se développer. Il contient beaucoup de lactose, peu de lipides et une bonne quantité de vitamine C.

Utilisé dans l'alimentation humaine probablement depuis la préhistoire, il est connu depuis des millénaires chez les Mongols et les asiatiques du centre, notamment à travers la boisson kumiz et le kéfir. Bien que sa consommation dans les pays occidentaux soit très faible voire marginale face à celle du lait de vache, il fait l'objet d'un engouement depuis les années 2000 en raison de ses qualités gustatives et de sa composition proche du lait maternel humain, ce qui le rend adapté comme substitut pour l'alimentation des nourrissons.

Le lait de jument se voit prêter de nombreuses vertus thérapeutiques, mises en avant par des naturopathes et dans des publications liées à l'agriculture biologique, sans qu'une étude scientifique ne vienne toujours confirmer ces hypothèses.

Sommaire

Composition

Le lait de jument contient du calcium, du magnésium, du phosphore, des oligo-éléments et des vitamines (A, B, C...) ainsi que plus de 40 nutriments dont des acides gras insaturés[1]. Par rapport aux autres laits de consommation, le lait de jument est caractérisé, de manière générale, par son fort taux de lactose et de vitamine C, contre un taux faible en matière sèche, matière grasse, matière azotée et minéraux[2].

Les études sur la composition de ce lait ont été majoritairement effectuées sur des juments de trait en 1986[3].

Composition des laits d'ânesse, de jument, d'humain et de vache (en g/100 g, sauf pour le pH, sans unité)[1]
ânesse jument humain vache
pH 7,0 – 7,2 7,18 7,0 – 7,5 6,6 – 6,8
protéine 1, 5 – 1,8 1,5 – 2,8 0,9 – 1,7 3,1 – 3,8
lipide 0,3 – 1,8 0,5 – 2,0 3,5 – 4,0 3,5 – 3,9
lactose 5,8 – 7,4 5, 8 – 7,0 6,3 – 7,0 4,4 – 4,9
résidu 0,3 – 0,5 0,3 – 0,5 0,2 – 0,3 0,7 – 0,8

Croissance du poulain et période de lactation

Mamelles de la jument

Le lait de jument est originellement destiné au poulain qui le consomme durant les premiers mois de leur vie jusqu'au sevrage, ce qui lui permet de grandir et de se développer. Le gain de poids du poulain dépend de la quantité d'énergie et d'azote sécrétées dans le lait. La jument produit du lait durant 5 à 7 mois, de la naissance du poulain (généralement au printemps) jusqu'au sevrage (généralement à l'automne). Elle en donne le plus du premier au troisième mois qui suit la naissance du poulain, et sa production diminue ensuite progressivement. Globalement, les jument de trait pesant de 700 kg à 800 kg produisent plus de lait que les juments de selle, pesant de 500 kg à 600 kg[4],[5].

Production et conditionnement

Groupe de juments laitières aux Pays-Bas.
Traite mécanique d'une jument à l'aide d'une machine à traire aux Pays-Bas.

La jument donne peu de lait en une seule fois[6] en raison de la faible capacité de ses mamelles, mais elle en produit globalement une quantité importante, évaluée à 15 kg par jour pour une jument pesant entre 500 et 600 kilos. La moyenne générale varie de 10 kg à 30 kg journaliers, c'est-à-dire 2 kg à 3,5 kg de lait par tranche de 100 kg de poids vif[5]. Sur toute la période de lactation, cela donne 1500 à 3000 litres[7], cette production ne variant pas entre la première lactation et la seconde, contrairement à ce qui se passe chez les bovins[8]. Les années les plus productives semblent se situer entre 11 et 15 ans, mais des variations existent suivant les races et même au sein d'une même race, de l'ordre de 15% environ[9]. La production de lait dépend également de l'alimentation des juments, moins celle-ci est nourrie, et moins elle produit de lait[10].

La traite doit être effectuée plusieurs fois de manière régulière au fil de la journée[4].

Dans les régions où la consommation humaine est traditionnelle et abondante, comme en Mongolie et dans l'ex union soviétique, des races chevalines laitières ont été sélectionnées[4]. Le lait est récolté de manière traditionnelle en Asie centrale et en Mongolie, en ayant recourt à la traite manuelle de l'animal. Toutefois, l'utilisation de la machine à traire existe aussi, des modèles spécifiques à la jument ayant été développés[4].

La production de lait de jument pour la consommation humaine pose quelques problèmes éthiques, notamment en ce qui concerne la naissance des poulains, nécessaire à la montée de lait chez la jument : ceux qui ne trouvent pas d'acheteur risquent d'être revendus à l'abattoir[11].

Alimentation humaine

S'il est possible que le lait de jument ait été consommé depuis la Préhistoire[12],[13], il est incontestable que sa consommation était fortement ancrée dans les traditions mongoles avant le XIIe siècle[14], ainsi que dans celles des différents peuples de la région correspondant à l'actuelle Mongolie. Il était notamment conservé sous forme de kumiz (lait de jument fermenté), en particulier pour augmenter sensiblement sa durée de conservation. Il a des vertus revigorantes et il est alors utilisé pour soigner toutes sortes de maux. C'est ainsi que vers 1201[15], Gengis Khan, blessé, est sauvé par son lieutenant Djelme, qui va chercher du lait de jument dans les rangs ennemis[14].

Le lait de jument est utilisé pour l'alimentation humaine dans l'ex-Union Soviétique, dans le Caucase, en Asie centrale et notamment en Mongolie[16] depuis des siècles, alors qu'en France il est resté l'aliment du poulain jusqu'au début des années 1990, où de nouvelles études ont vu le jour afin de connaître ses possibles utilisations en cosmétologie et dans l'alimentation humaine[4].

La consommation de lait de jument en France est un phénomène récent lié à l'engouement pour l'alimentation biologique depuis les années 2000, la consommation étant beaucoup plus faible qu'en Allemagne, en Autriche, et de manière générale en Europe du Nord[17].

Apports et vertus

Le lait de jument a un goût proche de celui du lait de coco[18], ou plus simplement d'un lait de vache conventionnel coupé d'eau. Selon les saisons, les qualités nutritionnelles et le goût du lait varient. Ces changements sont dus à l'alimentation des juments qui changent également en fonction des saisons. Durant l'été, leur aliment principal est le fourrage et celui-ci donne un lait plus riche en matières grasses et en acides gras polyinsaturés par rapport à leur alimentation hivernale, à base de concentrés.[réf. nécessaire]

Le lait de jument est, avec le lait d'ânesse, le lait le plus proche du lait maternel humain, avec notamment des taux de lipides bas et de lactose élevés[1] : il contient deux fois moins de lipides que le lait de vache[19]. Cette particularité s'explique largement par le fait que la jument n'est pas un ruminant : les lipides alimentaires sont absorbés dans son intestin grêle de manière non-modifiée[20]. De ce fait, l'apport calorique d'un litre de lait de jument est inférieur à 600 Kcal, contre 1100 pour le lait de brebis, par exemple[21]. Il est aussi, avec le lait de chamelle, l'un des plus riches en vitamine C[3].

En raison de cette similitude avec le lait maternel humain, l'INRA et les pédiatres recommandent le lait de jument es en remplacement du lait maternel lors des cas d'impossibilité d'allaitement[22],[4]. Les professionnels de la santé recommandent le lait de jument pour tous, des nourrissons aux personnes âgées[18]. Le naturopathe Daniel Gramme met en avant la richesse de ce lait et la présence de la lysozyme aux vertus antimicrobiennes pour affirmer l'utilité du lait de jument issu de l'agriculture biologique dans la prévention des maladies, associé à une bonne hygiène de vie[23].

Il contient 1,5 fois plus de magnésium que le lait de la femme et 3 fois plus que le lait de vache, ce qui favorise une bonne digestion, garanti un bon équilibre nerveux et renforce l'immunité. Le lait de jument est également connu en ex-Union Soviétique pour soigner la tuberculose mais aussi les maladies cardiaques et digestives.[réf. nécessaire]

Allergies et carences

Le lait de jument contient de la caséine, l'une des protéines les plus allergisantes du lait, ceci peut donc provoquer aux personnes allergiques à la caséine du lait de vache des allergies à |celle du lait de jument. Toutefois, cette proportion est plus faible que dans le lait de vache, entre 47% et 68% de l'azote du lait y prend la forme de caséines contre 80% chez la vache, ce qui donne 13 grammes de caséines par litre chez la jument, et 25 grammes pour la vache[24]. L'apport en minéraux est plus faible dans le lait de jument que dans celui de chèvre, de vache ou de brebis, malgré une bonne teneur en calcium[20], tout comme l'apport en protéines[21].

Transformations

Bouteille et verre de kumiz.

Ce lait est à la base de la boisson kumiz (lait de jument fermenté) et du kéfir, deux boissons gazeuses consommées traditionnellement par les populations nomades, notamment Mongoles[22]. Le lait de jument ne caille pas et ne peut donc entrer ni dans la composition du fromage ni dans celle du beurre et du yaourt[25].

Articles détaillés : kumiz et kéfir.

Utilisation cosmétique et thérapeutique

Dès 1823, les médecins allemands notent que le lait de jument pourrait posséder des vertus thérapeutiques, notamment contre le ver solitaire[26].

Depuis les années 2000, le lait de jument est utilisé en cosmétique, notamment pour traiter le psoriasis et l'eczéma, que ce soit par ingestion de gélules ou en application externe. Les publications liées à l'engouement pour l'alimentation biologique mettent en avant ses nombreuses vertus régénérantes et revitalisantes, et le fait que sa production découle souvent de l'agriculture biologique[18], sans qu'une étude scientifique ne vienne pour autant confirmer les hypothèses sur ces vertus. Sont évoqués le fait qu'il empêcherait le vieillissement, traiterait des maladies de foie, d'estomac, du cœur, et les problèmes de peau, comme le psoriasis ou l'eczéma[11].

Notes

Références

  1. a, b et c (en) Guo et al. Composition, Physiochemical Properties, Nitrogen Fraction Distribution, and Amino Acid Profile of Donkey Milk. J. Dairy Sci. 90:1635-1643. doi:10.3168/jds.2006-600. medline, Texte complet
  2. Hugon 1996
  3. a et b FAO 1995, p. 84
  4. a, b, c, d, e et f Doreau 1991, p. 297
  5. a et b Doreau 1991, p. 298
  6. FAO 1995, p. 169
  7. Langlois 1986
  8. Doreau, Boulot et Martin-Rosset 1991
  9. Doreau et al. 1990
  10. Henneke, Potter et Kreider 1981
  11. a et b Pili, « Lait de jument » sur http://www.protection-des-animaux.org/
  12. Lait de jument
  13. G. Dusouchet,« Le plus fidèle de nos compagnons », dans Géo, hors-série Chevaux et cavaliers du monde, M01542, pp.33-36
  14. a et b René Grousset, Le conquérant du Monde - Vie de Gengis-Khan, Paris, Albin Michel, 1944,  p. (ISBN 978-2-226-18867-0) 
  15. Les événements datant de l'époque mongole sont généralement donnés avec une précision de un ou deux ans près
  16. Par exemple, l'aïrag est une boisson à base de lait de jument fermenté
  17. Mirande 2003, p. 74
  18. a, b et c Guillain et Trubert 2007
  19. FAO 1995, p. 80
  20. a et b FAO 1995, p. 81
  21. a et b FAO 1995, p. 76
  22. a et b FAO 1995, p. 75
  23. Gramme 2008
  24. FAO 1995, p. 79
  25. Roland Hatzenberger, « Le lait de jument revient au galop » sur Médecines douces. Consulté le 22 juillet 2009
  26. Louis Sébastien Lenormand, Jean-Gabriel-Victor Moléon, Annales de l'industrie nationale et étrangère: ou, Mercure technologique, Bachelier, 1823, p. 323

Annexes

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) D.R. Henneke, G.D. Potter et J.L. Kreider, « Rebreeding efficiency of mares fed different levels of energy during late gestation », dans Proceedings of the 7th Equine Nutrition and Physiology, 1981, p. 101-104 [texte intégral]
    Publication de l'université de Virginie
     
  • B. Langlois, « L'élevage du cheval en Union soviétique », dans INRA Bulletin technique du département de génétique animale, no 40, 1986  
  • (en) M. Doreau, S. Boulot, J.P. Barlet et P. Patureau-Mirand, « Yield and composition of milk from lactating mares : effect of lactation stage and individual differences », dans Journal of Dairy Research, no 57, 1990, p. 449-454 
  • (en) M. Doreau, S. Boulot et W. Martin-Rosset, « Effect of parity and physiological state on intake, milk production and blood parameters in lactating mares differing in body size », dans Laboratoire de recherches sur la sous-nutrition des ruminants, Élevage et nutrition des animaux, Centre de recherche de Clermont-Ferrand-Theix-Lyon, Saint-Genès-Champanelle, no 53, 1991, p. 111-118  
  • M. Doreau, « Le lait de jument », dans INRA Prod. Anim., vol. 4, no 4, octobre 1991, p. 297-302 [texte intégral]  
  • M. Doreau, « Le lait de jument et sa production : particularités et facteurs de variation », dans Laboratoire de sous-nutrition des ruminants, INRA. Centre de Clermont-Ferrand-Theix, vol. 74, no 6, 1994, p. 401-418 [texte intégral]  
  • FAO, Le lait et les produits laitiers dans la nutrition humaine, vol. 28 de Collection FAO. Alimentation et Nutrition, Food & Agriculture Org., 1995, 271 p. (ISBN 978-92-5-203534-3) [lire en ligne].
    Publication de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture
     
  • Martine Hugon, Lait de jument : thèse de doctorat vétérinaire, école vétérinaire de Toulouse, 1996, 91 p. [présentation en ligne] 
  • Maike Höffken, Pouvoir de guérison du lait de jument et son utilisation thérapeutique, éditions Vogt-Verlag, Allemagne (ISBN 978-3929052039).
  • Nicolas Mirande, « Lait de jument : miracle blanc ou tableau noir ? », dans Cheval magazine, no 378, mai 2003, p. 74-76 
  • France Guillain et Elsa Trubert, Lait de jument: Un aliment noble et gourmand, Croissy-sur-Seine, Anagramme éditions, coll. « nature gourmande & bio », 2007, 63 p. (ISBN 978-2-35035-134-6) (OCLC 470698585) [présentation en ligne] 
  • Daniel Gramme, Le lait de jument, vol. 13 de Les cahiers alimentation, Jambes, Nature et progrès, 2008, 2e éd., 46 p. (ISBN 978-2-930386-29-4) (OCLC 301792877) [présentation en ligne].
    Daniel Gramme est naturopathe
     
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