Laser femtoseconde

Laser femtoseconde

Un laser femtoseconde est un type de laser particulier qui produit des impulsions ultra-courtes dont la durée est de l'ordre de quelques femtosecondes à quelques centaines de femtosecondes (1 fs = 1 femtoseconde = 10-15 secondes). Ce type de laser est largement étudié et utilisé en recherche, dans l'industrie et dans le domaine des applications biomédicales.

Sommaire

Qu'est-ce qu'une impulsion femtoseconde

Une impulsion femtoseconde ou ultra-brève est une oscillation sinusoïdale propagative du champ électromagnétique (de fréquence éventuellement variable dans le temps), modulée en amplitude par une enveloppe dont la durée caractéristique est petite devant 1 picoseconde (1 picoseconde = 1 ps = 10-12 secondes).

En termes de densité spectrale, le spectre d'une telle impulsion est composé de très nombreuses composantes continues qui s'additionnent de façon cohérente (i.e. avec un rapport de phase fixe prédéterminé) afin de réaliser l'impulsion courte. Plus le support du spectre est large, plus les impulsions générées pourront être potentiellement courtes. Cependant, cette condition nécessaire, liée aux propriétés de la transformée de Fourier, n'est pas suffisante et le rapport des phases relatif entre chaque composante du spectre joue un rôle primordial. Si les phases de toutes les composantes spectrales sont identiques, l'impulsion a la durée minimale permise par son spectre et on dit qu'elle est limitée par transformée de Fourier (ou Fourier-limited en anglais).

Quand l'enveloppe de l'impulsion possède une largeur de l'ordre de l'inverse de la fréquence de la porteuse, on parle d'impulsion à faible nombre de cycles (ou few-cycle laser pulse en anglais)[1]. La largeur de l'impulsion reste néanmoins forcément supérieure ou de l'ordre de la période optique (voire, hypothétiquement, de la demi-période optique), ce qui est une conséquence des équations de Maxwell qui régissent les rayonnements électro-magnétiques. La réalisation d'impulsions sub-femtosecondes ou impulsions attosecondes n'est donc réalisable qu'à des longueurs d'ondes ultra-violettes (le spectre de la lumière visible s'étendant de 400 nm - soit une période optique de 1.3 fs - à 800 nm environ).

Propagation d'impulsions femtosecondes

Une impulsion femtoseconde est composée de nombreuses composantes spectrales, en nombre d'autant plus grand que l'impulsion est brève.

Dans le vide, toutes ces composantes spectrales se propagent à la vitesse de la lumière c et l'impulsion conserve sa durée au cours de la propagation.

Dans un milieu dispersif, l'indice de réfraction n(ν) dépend de la fréquence optique ν de la composante spectrale envisagée. Par conséquent, le temps nécessaire à la propagation d'une composante de fréquence ν sur une distance L, diffère d'une composante spectrale à l'autre. La somme cohérente des composantes spectrales produit ainsi, après propagation, une impulsion temporelle dont la durée est différente de celle avant la propagation. Sauf exceptions, la tendance générale pour les milieux de dispersion normale (i.e. où les longueurs d'ondes courtes se propagent plus lentement que les grandes longueurs d'ondes, comme la plupart des milieux transparents dans le domaine visible) est à l'étalement temporel de l'impulsion. Des précautions doivent donc être prises (compensation de dispersion et/ou recompression des impulsions) pour maintenir une impulsion ultra-brève lors de sa propagation. Ces précautions sont d'autant plus importantes que l'impulsion à propager est courte (et que donc, la dispersion doit être compensée sur une large bande spectrale).

Mathématiquement, une composante spectrale E0(ω).exp(it) qui se propage dans un milieu d'indice n(ω) sur une longueur z acquiert un déphasage en sortie qui la transforme en E0(ω).exp(it).exp(i.β(ω).z)β(ω) = n(ω)ω / c caractérise les propriétés de dispersion du matériaux. Il est d'usage d'effectuer un développement limité de β(ω) autour d'une pulsation centrale ω0 (normalement la porteuse de l'impulsion fentoseconde):

β(ω) = β0 + β1.(ω − ω0) + β2.(ω − ω0)2 / 2 + β3.(ω − ω0)3 / 6 + ...

Alors, β1 = ng / c = [n0) + ω.dn / dω(ω0)] / c = 1 / vg est l'inverse de la vitesse de groupe, dont l'unité usuelle est le [fs/mm]. La quantité β2 = [2dn / dω(ω0) + ω0.d2n / dω2] / c, quant à elle, est appelée la dispersion de vitesse de groupe du matériau (ou Group Velocity Dispersion - GVD - en anglais) et s'exprime usuellement en [fs^2/mm]. Pour une propagation sur une longueur z, en l'absence d'ordres supérieurs à β2 , l'impulsion est alors élargie temporellement et acquiert une dispersion de délai de groupe (ou Group Delay Dispersion - GDD - en anglais) égal à β2.z.

Pour une impulsion gaussienne limitée par transformée de Fourier et de durée initiale τ0, l'impulsion en sortie est alors également gaussienne et présente une durée τ(z) où :

τ(z) = τ0[1 + (z / LD)2]1 / 2 avec L_D = \tau_0^2/\beta_2

Une règle approximative est ainsi que, pour une impulsion de durée initiale N [fs], l'acquisition d'une dispersion de délai de goupe (GDD) après propagation dans un milieu dispersif commence à être significative à partir de | N2 | [fs²] de GDD.

Au delà de la simple propagation à travers un milieu dispersif, plusieurs techniques existe afin de réaliser des dispersions contrôlées et ajustables. Toutes ces techniques utilisent l'un des types de dispersions suivants :

  • Dispersion des matériaux. L'origine de cette dispersion est liée à l'existence de résonances atomiques ou vibrationnelles. Les relations de Kramers-Kronig lient en effet les propriétés dispersives aux phénomènes d'absorption dans les matériaux.
  • Dispersion géométrique. L'origine en est la dispersion angulaire qui apparait dans certains composants optiques tels que les prismes et les réseaux. Des compresseurs à prismes et à réseaux peuvent ainsi être utilisées pour créer des dispersions négatives permettant de compenser les dispersions positives "naturelles" des matériaux dans certains oscillateurs lasers ou chaînes d'amplification.
  • Dispersion interférométrique. Celle-ci se base sur l'existence de résonances dans des cavités ou des interféromètres à multi-passage. De même que pour l'absorption dans les matériaux, une résonance spectrale (comme par exemple celles d'une cavité Fabry-Perot) se traduit par un déphasage dépendant de la longueur d'onde, et donc par des processus de dispersion. Un exemple d'un tel système est l'interféromètre de Gires-Tournois, qui permet des réflectivités de 100% avec des dispersions périodiques élevés.
  • Dispersion dans des structures photoniques. Fondamentalement liées à la dispersion interférométrique, mais où la structure créant les interférences est de taille micrométrique. Un exemple très courant est le miroir chirpé, où la structure photonique est dessinée spécifiquement pour produire une certaine dispersion sur une certaine bande spectrale.

Production d'impulsions femtosecondes

La production d'impulsion femtoseconde par une cavité laser se fait par la technique du blocage de mode (mode-locking). Le blocage de mode peut être actif (réalisé à l'aide d'un cristal électro-optique ou acousto-optique intra-cavité) ou passif. En pratique, la grande majorité des lasers femtosecondes (en 2010) utilisent la méthode du blocage de modes passif, qui permet d'obtenir des impulsions plus courtes. Schématiquement, celle-ci consiste à favoriser dans le laser les fonctionnements à forte puissance crête. On utilise pour cela un processus non-linéaire au sein de la cavité laser qui modifie différemment le faisceau laser intra-cavité selon que la puissance est élevée ou faible. Si le laser fonctionne préférentiellement dans les conditions où l'élément non linéaire fonctionne à forte puissance crête incidente, les différents modes du laser se verrouillent en phase et on obtient un fonctionnement impulsionnel (régime dit « en mode bloqué » ou mode-locked laser en anglais).

Pour qu'un tel régime de fonctionnement soit atteint, il est essentiel qu'une impulsion femtoseconde une fois créée puisse se propager à l'identique après un tour complet de la cavité laser. À cette fin, le laseriste doit équilibrer la dispersion entre les différents constituants de la cavité laser de sorte que la dispersion totale sur un tour complet de la cavité soit quasi-nulle[2].

Dans le domaine optique, les matériaux transparents ordinaires présentent presque tous une dispersion dite positive ou normale. Il convient donc d'ajouter des éléments réalisant une dispersion négative afin de contrebalancer ces effets. Historiquement, on a utilisé des paires de prismes ou des paires de réseaux qui réalisent de facto une dispersion négative en ajoutant des retards géométriques de certaines longueurs d'onde par rapport aux autres. Un autre dispositif permettant d'obtenir de très fortes dispersions négatives est l'interféromètre (ou étalon) de Gires-Tournois[3]. Les miroirs chirpés, utilisant des multicouches diélectriques habilement calculées permettent aujourd'hui d'obtenir des dispersions négatives de façon extrêmement compacte. Les fibres optiques à base de silice possèdent une dispersion nulle au voisinage de 1,5 µm, ce qui correspond au domaine de gain du milieu silice dopé Erbium. Les lasers impulsionnels à fibre dopés Erbium bénéficient de cette propriété. De manière générale, en optique guidée, il est possible de modifier les propriétés de dispersions par différentes techniques, en particulier celle des matériaux à cristaux photoniques. Plusieurs technologies de lasers femtosecondes utilisent ces possibilités.

L'élément non-linéaire permettant le blocage des modes réalise l'équivalent d'un absorbant saturable, qui possède des pertes à faible puissance crête mais en présente proportionnellement beaucoup moins à forte puissance optique. Cet absorbant saturable peut être réel et absorber le rayonnement plus ou moins en fonction de la puissance optique (miroir SESAM par exemple), ou bien effectif, en utilisant, par exemple, l'effet Kerr de polarisation ou l'effet de lentille à effet Kerr. La seconde méthode permet, en général, l'obtention d'impulsions plus courtes, alors que la première est, en principe, considérée comme plus facile à mettre en œuvre.

Le démarrage du régime à mode bloqué se fait, le plus souvent, simplement sur le bruit stochastique du laser (un début d'impulsion qui commence spontanément dans la cavité est suffisamment favorisé pour s'amplifier et établir rapidement un régime pulsé auto-stable). Les lasers utilisant le mode-locking actif ou un absorbant saturable réel sont, normalement à démarrage automatique. Les lasers utilisant un absorbant saturable effectif (très rapide) en général ne le sont pas et nécessitent un système de démarrage qui crée une perturbation induisant un pic de bruit pour démarrer. Diverses techniques permettent de favoriser le démarrage du régime impulsionnel pour ce type de laser sont utilisées. Une modulation d'amplitude de la pompe à la cadence de répétition du laser a, par exemple, été démontrée avec succès[4]. L'ajout d'un absorbant saturable réel lent en plus de l'absorbant saturable effectif est également communément employé.

Histoire des lasers femtoseconde

Applications

Les lasers femtosecondes présentent donc une combinaison unique d'impulsions très courtes, de spectre large et de puissance crête élevée. Diverses applications utilisent toutes ou parties de ces propriétés uniques pour la recherche, l'industrie ou le domaine bio-médical.

On peut, par exemple, utiliser le fait que les durées d'impulsion sont très courtes pour réaliser des expériences résolues en temps avec une précision impossible à obtenir autrement avec les techniques actuelles. On peut utiliser la grande largeur du spectre, ainsi que sa cohérence en phase sur toute son extension, pour réaliser des peignes de fréquences optiques pour la métrologie de fréquences optique ou la spectroscopie atomique et moléculaire. On peut également utiliser les fortes énergies par pulses et puissance crête pour le micro-usinage de matériaux.

La liste suivante présentent diverses applications communes des lasers femtoseconde.

  • Fusion nucléaire (fusion par confinement inertiel).
  • Optiques non linéaires, comme, par exemple, génération de seconde harmonique, oscillateur paramétrique optique, génération de radiations térahertz, ou génération d'UV par Harmonique haute cadence (HHG pour High Harmonic Generation en anglais).
  • Stockage optique de données.
  • Micro-usinage - Les impulsions très courtes peuvent être utilisées pour le micro-usinage de nombreux types de matériaux.
  • Microscopie à deux photons - L'excitation à deux photons est une technique d'imagerie par microscopie à fluorescence qui permet une image d'un tissu vivant à une profondeur d'un millimètre.
  • Chirurgie réfractive (voir Lasik#Laser femtoseconde).
  • Peigne de fréquences optiques - Qui permettent de mesurer les fréquences optiques par des techniques relativement simples (par opposition aux chaines de fréquences utilisées précédemment et qui n'étaient accessibles qu'à une poignée de laboratoires au monde).
  • Spectroscopie par résonance de cavité (ou Cavity Ringdown Spectroscopy en anglais). Permet l'analyse chimique de polluant atmosphérique par exemple.
  • Génération d'impulsions attoseconde
  • Faire tomber la pluie - Dans un article récent de Nature Photonics, des chercheurs de l’Université de Genève, de l’Université libre de Berlin et de Lyon 1, ont démontré qu’il devrait aussi être possible de provoquer artificiellement de la pluie. Les résultats obtenus ne font pas l’unanimité parmi les scientifiques et il semble difficile de prouver que l’effet soit bien réel, notamment parce que l’augmentation de la pluviosité semble finalement peu importante[5].
  • Génération d'impulsions électromagnétiques dans le domaine des térahertz par effet photoconductif : une partie du domaine THz vient de la réunion de l'électronique hyperfréquence et des impulsions ultra-brèves femtosecondes

Notes et références

  1. (en) Franz X. Kärtner, Topics in Applied Physics : Few-Cycle Laser Pulse Generation and Its Applications, vol. 95, Springer, 2004, 445 p. [lire en ligne (page consultée le 14 novembre 2010)] 
  2. Dans le détail, les effets non-linéaires en régime impulsionnel modifient légèrement et automatiquement la dispersion des différents éléments de sorte que l'impulsion soit auto-cohérente. Les interactions entre l'impulsion et les éléments non linéaires sont telles qu'ils s'auto-ajustent l'un l'autre et l'ajustement de la dispersion préalable n'est pas aussi critique qu'on pourrait le penser.
  3. François Gires et Pierre Tournois, « Interféromètre utilisable pour la compression d'impulsions lumineuses modulées en fréquence », dans C.R. Hebd. Séances Acad. Sci., vol. 258, no 5, 22 juin 1964, p. 6112–6115 (ISSN 0001-4036) [texte intégral (page consultée le 14 novembre 2010)] 
  4. (en) Richard Ell, Gregor Angelow, Wolfgang Seitz, Max Lederer, Heinz Huber, Daniel Kopf, Jonathan Birge et Franz Kärtner, « Quasi-synchronous pumping of modelocked few-cycle Titanium Sapphire lasers », dans Opt. Express, vol. 13, no 23, 14 novembre 2005, p. 9292-9298 (ISSN 1094-4087) [lien DOI (page consultée le 14 novembre 2010)] 
  5. http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/physique-1/d/des-lasers-femtosecondes-peuvent-ils-faire-pleuvoir_23659/

Liens externes


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