Art plastique

Art plastique

Arts plastiques

L'expression arts plastiques (dérivée du verbe grec πλάσσειν [plassein, « former »][1]) a des origines anciennes[2] dans le monde occidental. Elle désignait alors les arts relatif au modelage tel la sculpture, la céramique et l'architecture. Comme les arte del designo (en latin, de dessein : « intention d’exécuter quelque chose, un projet ») de la Renaissance, qui les regroupait à la peinture et aux arts graphiques (donc les arts de la surface et ceux du volume), cette expression fait depuis le XIXe siècle référence à tout art qui a une action sur la matière, voire qui évoque des formes, des représentations[3] (comme la poésie). Aujourd'hui on y ajoute les œuvres explorant les anciens et nouveaux médias (photographie, cinéma et vidéo, les supports numériques, etc.), et les nombreuses pratiques artistiques expérimentales.

L'adjectif plastique semblait nécessaire après l'héritage de l'art moderne, suite notamment au dadaïsme, au collages surréalistes, à Marcel Duchamp et aux pionniers de l'art conceptuel. Questionnant les statuts de l'œuvre et le rôle de l'artiste dans la société, ces mouvements[4] ont élargi les champs du visible en refusant la recherche du beau comme seul fondement et en remettant en cause les hiérarchies des arts, des supports et des médias. Les nombreuses avants-gardes, les performances et les interventions éphémères témoignent de ces formes de « plasticité » actuelles, comprise comme « l'ensemble des dispositifs artistiques donnant à voir et à ressentir la représentation[5] ».

Bien qu'imprécise et en concurrence avec arts visuels (plus courant dans le monde (en) anglo-saxon), mais souvent opposé dans le monde francophone aux arts appliqués ou décoratifs ainsi qu'à certaines pratiques considérées comme populaires, amateurs, artisanales ou commerciales, cette expression c'est imposée en art contemporain par l'usage d'artistes se qualifiant eux mêmes de plasticien et par la commodité (trompeuse) de sa distinction avec d'autres familles artistiques au-delà des activités de loisirs ou sportives : la musique, le spectacle vivant (théâtre, danse, cirque, etc.), la littérature et parfois de l'architecture. En tendant à recouvrir l'ensemble des objets abordés par l'histoire de l'art, ou concernant le patrimoine culturel, elle s'éloigne du sens habituel, parfois élitiste[6], dans des milieux de l'art et de la critique actuels.

En France[7], la reconnaissance institutionnelle des arts plastiques arrive en 1969, avec les premières unités d'enseignements et de recherches (UER) dans les universités[8], puis en 1982 avec leur pendant au Ministère de la culture[9]. L'École des beaux-arts[10] symbolisait encore à cette époque l'approche traditionnelle, bousculé par les sciences humaines, et peu en phase avec les mutations contemporaines du champ artistique. Une conséquence de ces nouvelles orientations fut sa séparation avec les écoles d'architecture (en résumé, du à la tension depuis le XIXe siècle entre ingénieurs et auteurs). Il s'agissait aussi pour l'Éducation nationale de rénover l'enseignement artistique[11] dans le secondaire (les cours de dessin, en plus de ceux de musique) en créant un cursus universitaires et concours de recrutement des enseignants[12]. En ce sens la discipline arts plastiques est un des lieux de formations artistiques[13], typiquement français et parfois qualifié de pratique critique[14], entre atelier, école et institut universitaire d'art, au sein des politiques culturelles[15] de l'Etat.

Sommaire

L'art pour quoi faire?

Nous avons tous observé au musée, ou simplement dans la rue, une sculpture, un tableau, un monument. Nous les avons jugés admirables ou sans intérêt. Mais nous sommes-nous demandé pourquoi ces œuvres existaient? Depuis des siècles, les hommes expriment leurs émotions, leurs sentiments grâce à la peinture, à la musique, à la danse ... Un enfant qui crie s'exprime également mais son cri n'est pas une œuvre d'art ! Toute la différence réside dans le travail de l'artiste, qui nous touche en créant la beauté. Il utilise le langage des images, des sons, des formes, que nous comprenons intuitivement pour l'essentiel. L'art sert ainsi à exprimer une sensibilité et à la communiquer à autrui.

L'art toujours et partout

Dès la préhistoire, les hommes ont peint sur les parois des grottes des silhouettes d'animaux ou d'êtres humains. Telle forme de bison , à Lascaux, a gardé une vie extraordinaire! Le destin en est pourtant très simple... C'est que l'art vraiment inspiré ne vieillit jamais. Partout où l'homme s'est établi, même au fond de la brousse, il a laissé une œuvre d'art. Les peuples en effet, ont appris à dessiner, à sculpter, bien avant de connaître l'écriture. Aujourd'hui encore, chez les tribus primitives, l'art est un moyen de communication privilégié.

La place des arts plastiques dans la société : art moderne et art contemporain, la perte des repères

C’est Emmanuel Kant qui, au XVIIIe siècle, introduit le terme arts plastiques. Il inscrit alors cette discipline dans la tradition philosophique en l’identifiant aux arts de la forme. La notion d’arts plastiques n’apparaît officiellement que tardivement, c’est-à-dire dans les années 1970. Cependant on peut tout de même appliquer cette notion à la période moderne et contemporaine de l’art que nous situerons à partir de la remise en question de l’académisme puisque c’est à partir de cette période que s’ouvre réellement le champ de l’art. Déjà, une rupture émergea avec de nouveaux sujets picturaux. On compte parmi eux le Déjeuner sur l’herbe de Manet, œuvre rejetée par le salon officiel de 1863 mais exposée au salon des refusés la même année, ou encore son Olympia exposée quant à elle au salon officiel mais qui fit scandale. Puis dans la même série d’œuvres jugées « obscènes », on peut voir L’Origine du monde de Gustave Courbet. Ensuite c’est le mode de représentation qui est renouvelée, et l’un des précurseurs est Claude Monet avec son Impression, soleil levant exposé en 1874 dans l’ancien atelier du photographe Nadar convertit en Salon des indépendants. Ce tableau fut à l’origine du mouvement impressionniste, nommé comme cela par un critique d’art lors de cette exposition. Après cela, d’autres mouvements naîtront encore du scandale. Une autre rupture fut celle de l’abstraction qui marque la perte d’un repère essentiel : la figuration. Enfin un autre repère disparaît avec l’avènement du ready-made de Marcel Duchamp : la dimension esthétique de l’œuvre. Quelle relation la société entretient elle donc avec les arts plastiques s’il n’existe plus ces repères qui furent les bases de l’art depuis, on pourrait dire, son origine ? Cette question est liée directement à la notion d’arts plastiques née avec une partie de l’art moderne et qui met en place de nouvelles formes et de nouveaux médiums allant jusqu'à l’hybridation des domaines artistiques et à l’apport d’autres spécialités non issues de l’art. Nous verrons donc comment ces nouvelles formes s’intègrent dans la société puis quelles peuvent être la relation entre art et société et enfin quelles nouvelles réflexions amènent ces nouvelles formes plastiques.

Comment ces nouvelles formes sont-elles intégrées dans la société et par qui ?

L’état est un des acteurs du monde de l’art actuel. Il met en place des mesures afin d’intégrer un certain type d'art dans la société. On peut citer, par exemple, la politique du 1% culturel et diverses manifestations culturelles telle la Foire Internationale d’Art Contemporain mais qui ne présente pratiquement que des artistes aujourd’hui décédés ou déjà reconnus, et d’autres moyens encore de diffusion de l’art qui sont, pour la plupart, ignorés du grand public. Les diverses institutions muséales appartiennent le plus souvent à l’état quelle soit d’art contemporain ou d’art plus ancien. L’état dispose aussi de fonds spécialisés tels que les Fonds Régionaux d’Art Contemporain ou le Fonds national d'art contemporain qui sont des lieux d’exposition des collections de l’état. D’autres moyens de diffusion de l’art dépendent aussi de l’état. Mais il existe plusieurs paradoxes dans cette organisation. Le premier est que l’état entretient un art en fonction du marché et ceci est en contradiction avec ce que l’artiste revendique depuis toujours, à savoir sa liberté. Reprenons par exemple les propos de l’artiste Gerry Schum qui disait, lors d’une interview sur l’une de ces performances, que l’artiste italien Lucio Fontana créait toujours le même type d’œuvre, à savoir des toiles tailladées. Ce concept, qui met en avant la l’ouverture de l’espace de représentation fut un succès au sein du marché de l’art. On peut donc supposer que l’artiste a laissé de côté sa propre liberté de création pour rester dans un concept demandé par le marché de l’art. Le deuxième paradoxe est que l’état assure la divulgation de l’art qu'il prône, tout en rejetant les autres formes d'expression artistique. Il chercherait à instaurer un dialogue pédagogique entre les œuvres et le public et se trouve être le principal moyen de reconnaissance officiel de certaines œuvres d’art alors que ces dernières sont incomprises, rejetées ou parfois même ignorées du public. Enfin, un autre paradoxe a un lien direct avec la production artistique : de nombreuses œuvres sont de tailles considérables, telles les installations qui demandent un lieu d’exposition qui leur soit réservé et qui ne peuvent pas être exposées chez un particulier. C’est donc la création elle-même, ici, qui restreint son champ d’acquisition. Il s’instaure donc une véritable tension entre l’artiste qui désire mettre en place un propre dialogue avec le public, etl’institution qui se veut être aussi le gérant de la création mais qui échoue dans ce domaine.

Toutefois de nombreux artistes essayent de sortir du système institutionnel. Ils veulent aller au plus près du public et travaillent le plus souvent sur le milieu urbain. Certains de ces artistes s’inscrivent dans ce que l’on nomme aujourd’hui l’art « in situ » car leurs créations ne peuvent se détacher de l’environnement dans lequel elles s’inscrivent : le lieu d’exposition fait partie intégrante de l’œuvre. On peut citer par exemple Miss Tic, Daniel Buren ou bien encore Ernest Pignon-Ernest etc. Le plus souvent ces œuvres sont accessibles a tous car elles se situent dans l’espace public et on peut voir en elle le lien direct entre l’artiste et le spectateur, même si, bien sur, elles sont souvent exposées dans des galeries sous forme de photographies ou autres. On peut aussi citer les mail artistes qui veulent détourner toutes les institutions en faisant circuler leur créations sans passer par des institutions artistiques, ou encore les land artistes qui travaillent sur le paysage mais qui créent des œuvres éphémères, ou bien d’autres encore qui sortent de ce système clôt qu’est l’institution pour retrouver une certaine liberté artistique.

Le rôle des institutions privées dans le domaine de l’art est aussi considérable mais on a tendance parfois à oublier qu’elles n’appartiennent pas à l’état. Elles permettent de diffuser, de restaurer et de préserver des collections beaucoup mieux que l’état puisqu’elles disposent souvent de plus de moyens. En ce qui concerne les fondations privées, ou musées privés, la plupart du temps les collections ont été réunies et achetées soit par un collectionneur, soit par un artiste, etc. Une autre institution privée d’un tout autre ordre est la galerie d’art. Elle sert de lieu d’exposition et de vente. Chacun peut voir les œuvres gratuitement, ce qui pourrait être un atout pour la diffusion de la culture artistique. Cependant elle attirerait souvent une certaine élite de connaisseurs d’arts et d’amateurs.

Voir aussi politiques culturelles

Quels rapports s’établissent entre la société et les arts plastiques ?

Ces nouvelles formes plastiques sont, pour la majorité, incomprises et rejetées par le public. Elles s’adressent essentiellement à certains connaisseurs. C’est l’un des paradoxes de cette partie de l’art actuel puisqu’il veut s’adresser à un public qui s’est élargi mais qui est mis à l’écart de tout le système que cet art met en place.

Désormais, les œuvres d’arts n’invitent plus spontanément le public à les observer, elle ne donne plus envie qu’on les regarde. La dimension esthétique, qui fut une valeur commune à tous, est aujourd’hui perdue pour les tenants de cet art, ou parfois encore, reléguée au second plan. Aujourd’hui les œuvres ont essentiellement des dimensions philosophiques, conceptuelles, politiques, etc. Mais qui peut prétendre s’intéresser à tous ces domaines ? Bien sur, ce n’est pas la majorité de la population. Mais alors quel regard doit-on porter sur ces œuvres ? Quelle attitude adopter face à cette incompréhension ? Remarquons que ces œuvres ne demandent pas au spectateur d’adopter une place purement intellectuelle, autrement elles pourraient se réduire à un simple texte théorique ou à une simple illustration. Au contraire, quel que soit son aspect, une œuvre d’art requiert l’attitude esthétique, c'est-à-dire qu’elle demande qu’on l’appréhende aussi par notre imagination et notre perception sensible. Par conséquent, l’œuvre d’art actuel, bien qu’elle fasse appel à notre intellect en nous poussant à la réflexion, ceci ne veut pas dire qu’il ne faille plus la regarder, loin de là, puisque c’est ce regard qui la fait être œuvre. En d’autres termes, une œuvre d’art qu’elle soit une simple proposition, ou bien encore un objet non artistique, requiert du public sa faculté à jouer le jeu, c'est-à-dire de « voir » comme art ce qui apparaît être pour lui tout sauf de l’art, et de s’interroger sur ce qu’implique cette décision et sur ce que révèle ce genre d’expérience. Il est tout de même devenu très difficile de comprendre les œuvres d’art actuel puisque la plupart du temps elles mettent en place une réflexion sur leur propre existence (auto-réflexion) qui ne laisse guère de place à une interprétation extérieure. C’est pourquoi l’œuvre devient un langage codé, réservé à des initiés qui connaissent déjà l’œuvre en amont, qui connaissent ce que l’artiste a voulu mettre en place. À ce propos, ces œuvres du XXe siècle ont souvent été accompagnées de manifestes, ou d’écrits théoriques des artistes sur leurs propres œuvres.

Avec Marcel Duchamp et son fameux urinoir, Fountain, les critères de l'art, qui sont restés les mêmes depuis toujours, éclatent. L'objet d'art n'a plus aucune valeur d’usage, ni de valeur symboliques, ni même de valeur esthétique. Ceci marque une nouvelle rupture : c'est désormais l'intention de l'artiste qui fait œuvre, à condition que celle-ci soit reconnue par l'institution. C'est en effet l'institution qui reconnaît la valeur artistique de l'objet. Précisons que l’institution n’est pas seulement le lieu d’exposition mais aussi les médias, les critiques d’art, les historiens, les commissaires, les "inspecteurs de la création" du ministère de la culture, etc., en bref tout ceux qui fondent le cercle privé et restreint de certaines oligarchies ou des connaisseurs de l'art. Cependant deux autres critères importants déterminent ces œuvres d'art : la spéculation et la médiatisation. Ces œuvres sont devenues un objet d'échange dont la valeur peut varier, telles les actions à la bourse. En effet, selon la tendance, selon le cours du Marché de l'art, l'œuvre prend plus ou moins de valeur. La médiatisation y est pour quelque chose : ce sont les médias qui traquent le scandale, le fait artistique qui fera sensation, etc. C'est principalement eux qui permettent à l'artiste de se faire reconnaître. Par exemple, si un nouveau concept artistique, mis en exposition dans une galerie ou autre, plait sur le marché de l'art, l'artiste sera de plus en plus médiatisé et le prix de l’œuvre augmentera. L’œuvre devient ensuite objet de collection, toujours prisé.

De nouvelles formes plastiques qui amènent à de nouvelles réflexions

Au XXe siècle, on peut dire qu'une partie de la peinture cherchait, ou commençait déjà à se détacher de tout ce qui l’avait jusqu’à présent déterminée : la représentation. De plus l’avènement de la photographie remet en question la fonction de la peinture, c'est-à-dire son pouvoir de reproduire l’image du réel. En effet, les nabis, ou des peintres comme Van Gogh ou bien encore Paul Cézanne s’appliquent à prendre plus en compte l’atmosphère, l’ambiance rendue par la représentation plutôt que la représentation elle-même. Ils travaillent la couleur, la forme, le rendu de la lumière etc. L’idéal de beauté dans la représentation n’est plus à l’ordre du jour pour certains. Cette attitude marque un réel détachement avec les valeurs établies à l’époque jugées « académiques » et « officielles ». Suivra au XXe siècle les fauves ou encore les cubistes déjà parfois ancré dans l’abstraction. De plus en plus, la représentation est mise à mal. Avec Kandinsky la peinture abstraite est à son comble. Celui-ci voit à travers la peinture, détachée de la représentation, donc dans la pureté des formes et des couleurs, le moyen d’exprimer le contenu de l’âme. Cela rappelle clairement le mythe de la caverne de Platon, où l’esclave s’arrache du monde des ombres et des reflets (la représentation) pour entrer dans le monde des Idées, dont l’Absolu, qui est le Bien, est aussi la plus haute qualité de l’âme. Il se pose donc la question d’une possible autonomie de l’art puisque celui-ci n’est plus enfermé dans le système de la représentation mais exprime, désormais seul, le rapport sensuel et intellectuel de l’artiste par rapport a son œuvre mais aussi de l’œuvre par rapport à son public. Le spectateur est débarrassé de la barrière que fut la représentation : il se laisse naturellement séduire, ou non, par l’œuvre d’art qui est présente pour elle-même, c'est-à-dire uniquement pour attendre du spectateur une attitude esthétique et intellectuelle et non par pour être jugée sur une quelconque autre valeur qu’elle soit technique ou autre. (Manière de plus ou moins bien représenter le réel, etc.).

Une autre valeur est remise en question : celle de l’esthétique. Déjà au XIXe siècle cette valeur est transformée. Le Beau n’a plus les mêmes valeurs. On pense par exemple à Monet et Courbet lorsque « la beauté » n’est plus dans l’imitation de la nature telle qu’on la perçoit, et ni même dans les sujets bien établis de l’Académie des Beaux-Arts. Et dès le XXe de nombreux mouvements rejettent la notion de beauté, notamment après la 1re guerre mondiale, tel que l’expressionnisme et la nouvelle objectivité (ainsi pour Heidegger la beauté est la "peste en temps de guerre"). Et plus le temps passe, plus les artistes ignorent la valeur esthétique de l’œuvre d’art. Ils ne font plus d’elle le critère de ce qui détermine l’œuvre en tant que telle. Cette attitude montre la critique de la « belle forme » qui était imposée par l’académisme de la fin du XIXe siècle et l’affirmation de la liberté de création et d’expérimentation dans le domaine de l’art. Mais cette « innovation » ne se situe pas seulement au niveau formel. De nombreux mouvements ont employé des matériaux issus de l’industrie ou de la consommation quotidienne, c'est-à-dire des matériaux non nobles, comme on le remarque dans le Pop Art ou l'art brut voire d'aucun materiau quand il s'agit par exemple d'art conceptuel. Ces tendances créatives, qui perdurent encore aujourd’hui, marquent l’ambition d’abolir les frontières entre « basse » et « haute » culture afin de faire entrer l’art plus facilement au sein de la société. Cependant l’art a toujours du mal à s’intégrer dans la société puisque celle-ci vit de plus en plus dans l’urgence de l’action, prône le fonctionnel et le pratique alors que les arts plastiques demandent qu’on prenne le temps de les contempler.

L’art moderne et surtout l’art contemporain recherchent beaucoup plus à intégrer l’œuvre dans le quotidien. Il s’est mis donc en place de nouvelles façons, de nouveaux moyens d’amener l’œuvre au public et ceci passe aussi par la présentation de l’œuvre ou même par la présentation du concept mis en place par l’œuvre. Souvent l’espace investi par l’œuvre devient actif, et parfois même fait partie intégrante de l’œuvre : c’est le cas dans les installations. L’artiste Dan Graham met en place des installations dans lesquelles le spectateur participe de différentes manières à la « finition » de l’œuvre. D’une part il agit dans l’espace et dans le temps et d’autre part il interroge le concept d’art, c'est-à-dire ce qui fait de l’installation une œuvre d’art. Dans l’une d’elle, Opposing Mirrors and Video Monitors on Time Delay, l’importance du lieu, de l’espace occupé par l’installation, doit être prise en compte. En effet l’œuvre ne se présente pas à nous de la même manière qu’un tableau ou qu’une sculpture. Ceux-ci pourraient être exposés dans n’importe quel lieu, ils garderaient toujours plus ou moins d’autonomie dans l’espace, séparé de celui-ci. La peinture par exemple, présente un espace artificiel et elle-même s’expose dans un espace réel qui n’est pas en continu avec l’espace qu’elle représente. Ici, au contraire, l’espace fait partie intégrante de l’installation. Le spectateur entre dans l’œuvre et a désormais un rôle participatif puisque il y est filmé, il est donc acteur de la vidéo et devient ensuite spectateur de lui-même, de son propre environnement espace/temps, à savoir de son passé immédiat, lorsque la vidéo est rediffusée sur un autre écran. Beaucoup d’autres œuvres mettent en place une présentation d’œuvre originale qui interpelle le public et le rend désormais acteur du concept établi par l’artiste.

Citations

  • « Sachant que l'œuvre est destinée au musée, l'artiste lui donne directement la forme convenable à la mise en scène muséographique (par exemple le grand format de la peinture américaine), puis identifie l'œuvre au musée. Car le musée apparaît comme le but de l'activité artistique, le but de l'histoire de l'art, quand bien même c'est là une aliénation de l'art comparable à celle de dire que le but de notre vie, c'est le cimetière. »
    « La fin des avant-gardes s'est accomplie à notre insu pendant les années 70. Le thème réel et commun à toutes les avant-gardes du XXe siècle, après la découverte de l'idée d'Histoire au XIXe siècle, apparaît aujourd'hui par-delà toutes les images réalistes, abstraites, aléatoires, conceptuelles ou corporelles : c'est le désir pulsionnel et génital d'être des créateurs d'HISTOIRE de l'art. Les avant-gardistes ont voulu nous montrer la gestation créatrice de l'Histoire immédiate de l'art, rendue visible par l'accélération soudaine d'un rythme jusqu'alors séculaire. Crispation sexuelle du mythe prométhéen. » (Hervé Fischer, L'histoire de l'art est terminée, 1981, p. 43 et 66)

Bibliographie

  • André Rouillé, Marché sans artistes. École sans art. Édito 235, sur paris-art.com, Paris, 8 mai 2008 (en ligne).

Notes et références

  1. Voir aussi l'étymologie du terme art entre savoir théorique et savoir-faire, traditionnellement opposé aux sciences et au droit
  2. Dominique Chateau, Arts plastiques : archéologie d'une notion, Nîmes, 1999.
  3. Cf. le cnrtl cite en référence Edgar Quinet, Allemagne et Italie. Philosophie et poésie, Paris, Leipzig, 1836 (ou 1839), p. 149 : arts plastiques « activités de recherche de la beauté par l'expression, la création, l'évocation de formes ». Voir J.-R. Gaborit, in Encyclopaedia universalis, ISBN 2-85229-887-2. Alain Rey, Marianne Tomi, Tristan Hordé, et. al., Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires le Robert, 2006, ISBN 2-84902-236-5.
  4. Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Paris, Larousse, nouv. éd. 2004 (In extenso) (ISBN 2-03-505451-6).
  5. Christophe Henry, Art des Temps Modernes et Historiographie, Univ. de Lyon II, 2007-2008 (en particulier le paragraphe sur Le sujet et la plasticité).
  6. N. Heinich, Le rejet de l'art contemporain, pourquoi ?, dans Sciences humaines. Hors série, n° 37, juin 2002, p. 56-59. X. Girard, Chronique : Marc Jimenez, La querelle de l'art contemporain, et Jean Philippe Domecq, Artistes sans art ?, dans La pensée de midi. Dossier : Fin (s) de la politique culturelle ?, 16, Marseille, 2005 ; Arles, Actes sud, 2005, ISBN 2-7427-5933-6.
  7. Voir Philippe Pujas, Jean Ungaro et Karelle Ménine, Une éducation artistique pour tous ?, Ramonville Saint-Agne, 1999 ((ISBN 2-86586-701-3)), ou en ligne (mais moins clair) Les pratiques artistiques à l'école, Paris, 2006 (Les cahiers d'Education & Devenir, 8). Cette nouvelle conception des enseignements artistiques prend aussi sa source chez William Morris et dans le Bauhaus, auquel Walter Gropius donnait en 1919 comme objectif de "rassembler toutes les activités artistiques créatrices en un tout, d'unir toutes les branches de l'art industriel en une architecture nouvelle", "le grand édifice (l'Einheitskunstwerk)". Cf. Nikolaus Pevsner, Les académies d'art, Paris, 1999, p. 203-218, en part. p. 210 (ISBN 2-85226-520-6) (1re éd. 1940).
  8. Respectivement à Vincennes (janvier 1969) puis à Paris I (novembre 1969). Cf. Marie-Jeanne Brondeau-Four et Martine Colboc-Terville, Du dessin aux arts plastiques : IV. Années charnières, Nantes, via le site académique de Paris, 1996.
  9. La Délégation aux arts plastiques (DAP).
  10. Son objectif consistait toujours, jusque 1968, à "préparer les artistes aux différents concours pour le prix de Rome".
  11. Voir le témoignage de Roland Recht à ce sujet (en part. après la 27e min. de l'entretien). À propos des questions de l'enseignement et de la transmission, voir aussi Sur l’art et les moyens de son expérience. Pourquoi, comment rendre contemporain l’art ?, réunis par Christophe Domino, Paris, 2005 (Les Nouveaux commanditaires. Réflexions croisées) (en ligne).
  12. Évaluation de l'éducation artistique et culturelle, vst : La lettre d'information, n° 15, INRP, Lyon, fev. 2006. Bernard Gaillot, Arts plastiques : l'évaluation des acquis, IUFM d'Aix-Marseille, 2003.
  13. Sur le débat actuel autour des mesures envisagées par l'État (cf. BO n° 6 et 32 du 28 août 2008), voir plusieurs documents (décembre 2008) et Gisèle Grammare, Lettre ouverte aux Ministres, Université de Paris 1, le 15 mars 2008 sur le site sauvonslesartsplastiques.fr ; la consultation sur les projets de programmes d’Arts Plastiques du SNES et le texte de Philippe Marcelé. Voir aussi les textes de Didier Rykner et d'Olivier Bonfait, pour les arguments des historiens de l'art et des conservateurs du patrimoine ; L’histoire de l’art, de l'Université à l'École (INHA, 17 avril 2008) et ici ; le rapport 2006 du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle ; et le débat Histoire de l'art : comment l'enseigner ?, dans L'art à l'école, Paris, 2001, p. 42-48 (BeauxArts magazine. numéro spécial) (ISSN 0757-2271) ou, déjà en 1914, Louis Hautecoeur, L'histoire de l'art dans l'enseignement secondaire, et Georges Vidalenc, L'histoire de l'art dans l'enseignement primaire supérieur, dans Revue de synthèse historique, 28, Paris, 1914, p. 111-126 et 281-287 (en ligne [1] et [2]).
  14. Voir Critique et enseignement artistique : des discours aux pratiques, sous la dir. de Pascal Bonafoux et Daniel Danétis, Paris, Montréal, 1997 (ISBN 2-7384-5204-3) (en particulier p. 341 et suivantes, l'article de Pierre Juhasz) ; Dominique Chateau, Défense et illustration de la notion d'arts plastiques (et de celle d'arts appliqués), Nantes, 2002 (en ligne) .
  15. Serge Reneau, L’institution scolaire, l’éducation artistique et l’action culturelle de Jules Ferry à Jack Lang, Rouen, IUFM, 2004. Frédéric Skarbek Malczewski, L’initiative individuelle à l’aune des politiques culturelles, DESS, Rouen, 2003 (site artfactories).

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