Robert de Hauteville

Robert de Hauteville

Robert Guiscard

Pièce de monnaie à l'effigie de Robert Guiscard

Robert de Hauteville dit Robert Guiscard - « l’Avisé » - (Italien : Roberto d'Altavilla, Roberto il Guiscardo ; Latin : Robertus de Altavilla, Robertus cognomento Guiscardus), né en Cotentin (Normandie) vers l'an 1015[1], est l'un des plus célèbres aventuriers normands issus du duché de Normandie qui s'illustrèrent en Méditerranée. À partir de 1057, il continua la conquête de l'Italie méridionale sur les Byzantins avant d'entamer celle de la Sicile musulmane à partir de 1061 en compagnie de son frère cadet Roger. Ensemble, ils jetèrent les fondations du futur royaume de Sicile.

Sommaire

Biographie

Origines

Robert Guiscard est le fils aîné de Tancrède de Hauteville (Robertus Tancredi de Altavilla filius), petit seigneur normand sans fortune de la région de Coutances, dans l'ouest du duché de Normandie et de sa seconde épouse Frédésende, qui passe parfois pour être une fille du duc Richard II de Normandie. Selon le chroniqueur d'origine normande Geoffroi Malaterra, Tancrède de Hautevillle fait partie de la noblesse du duché sans être cependant l'un des principaux seigneurs. Selon la princesse byzantine Anne Comnène, Robert Guiscard est d'obscure origine.

Du Moyen Âge au XIXe siècle, on a voulu donner à la famille Hauteville d'illustres origines. Selon l'historien italien Ptolémée de Lucques[2], Tancrède de Hauteville est un descendant du chef viking Rollon, 1er duc de Normandie, tandis que pour l'érudit sicilien Rocco Pirri[3][4], il est l'un des fils du duc Richard II de Normandie ou de son frère Guillaume de Brionne, comte d'Hiémois. Le théologien danois Erik Pontoppidan[5], fait de Tancrède de Hauteville un fils du duc Richard III de Normandie. Pour l'historien allemand Johann Christoph Gatterer, Tancrède est issu d'un proche parent de Rollon. Ces affirmations sans fondement, qui se contredisent entre elles, sont démenties par les textes les plus sûrs et n'ont pour origine que la fantaisie de leurs auteurs.

Arrivée en Italie et premières conquêtes

À partir de l'an 999 selon la légende, les premiers mercenaires normands, réputés bons guerriers, commencent à servir les ducs et princes lombards et Grecs d'Italie méridionale : quand le duc Serge IV de Naples installe l'un de leur principal chef (Rainulf Drengot) dans la forteresse d'Aversa en 1029 (premier établissement permanent des Normands en Italie), ils commencent à organiser la conquête d'un pays divisé et en proie à l'anarchie.

le chateau de Melfi

Vers l'an 1035 arrivent en Italie les premiers Hauteville, les frères Guillaume (bientôt surnommé « Bras-de-Fer ») et Drogon, les deux fils aînés de Tancrède de Hauteville ; en à peine quelques années, après avoir servi de mercenaires jusqu'en 1040, ils décident de combattre pour leur compte et entament la conquête de l'Apulie sur l'Empire byzantin. En 1042, Melfi est choisie comme capitale de leur fief d'Apulie (cf. comté d'Apulie) et Guillaume Bras-de-Fer y est élu chef des Normands d'Italie en septembre de la même année. Ce dernier s'auto-proclame bientôt, « roi en Apulie ». En 1044 arrive un autre de leurs nombreux frères, Onfroi qui, avec sa bande, sert ses aînés, puis, environ trois ans plus tard, c'est Robert, le sixième des fils de Tancrède, qui arrive à la tête de cinq chevaliers et trente-cinq fantassins (1046/47).

Accueilli froidement par son frère Drogon devenu comte d'Apulie depuis peu (après une violente dispute, Drogon mettra brièvement son jeune frère au cachot), Robert est alors dirigé avec sa petite bande armée en Calabre. Il y mène dès lors, à partir de son principal repère de San Marco Argentano, sur les hauteurs du Crati (près de Cosenza), une vie de brigand, connaissant aussi bien la faim, la soif, et la misère, que la fortune, pillant les riches monastères et les églises, volant le bétail, rançonnant la population et détroussant les voyageurs, harcelant les troupes byzantines et semant la terreur dans la région. C'est durant cette période qu'il reçoit son surnom normand de « Guiscard », l'« Avisé », l'« Astucieux ». En même temps que cette vie de bandit, il sert occasionnellement le prince lombard Pandulf IV de Capoue, ainsi que ses frères Drogon puis Onfroi, devenu comte d'Apulie en 1051. Il poursuit sa vie de voleur jusqu'à son mariage vers 1051/52 avec Aubrée de Bourgogne, fille du comte Renaud Ier de Bourgogne[réf. nécessaire], et parente d'un puissant baron d'Apulie servant le duché lombard de Bénévent ; par ce mariage avantageux qui améliore sa condition, il reçoit en dot, l'autorité d'une troupe de quelques deux cents chevaliers normands. En 1053, aux côtés de ses frères et du comte normand Richard d'Aversa, il participe vaillamment à la bataille de Civitate sur le Fortore (près de San Severo), opposant Normands d'Italie et leurs opposants soutenus par le pape Léon IX, tous inquiets des entreprises normandes, des Normands détestés et qualifiés de « nouveaux sarrasins », se montrant de plus en plus pressants, entreprenants, agressifs, et incontrôlables. L’armée papale est sévèrement battue. En 1057, Robert Guiscard succède à Onfroi comme comte d'Apulie, évinçant ses deux jeunes neveux, Abagelard et Herman. Il entreprend alors, en compagnie de son jeune frère Roger, surnommé « Bosso », récemment arrivé en Italie, la conquête totale de l'Apulie, conquête qu'il achève hormis le sud, resté aux mains des Byzantins, notamment avec Bari, qui résiste. Il commence également à s'attaquer à la Calabre pendant que Richard d'Aversa fait main-basse sur la principauté de Capoue qu'il place sous son autorité.

Constitution du futur royaume normand

La Papauté, en grande difficulté et de plus en plus isolée du fait de sa rupture d'un côté avec l’Empire germanique dans l'affaire des Investitures, et de l'autre côté en rupture avec l'Empire byzantin causé par le schisme religieux de 1054, décide alors de reconnaître l'autorité des Normands et d'en faire ses alliés officiels. Aussi à Melfi, haut-lieu normand, le 23 août 1059, le pape Nicolas II officialise leurs possessions en échange du versement d’une rente annuelle et de porter la bannière papale dans leurs guerres. Robert Guiscard devient alors duc d'Apulie, de Calabre et de Sicile. À partir de cette date clef, les Normands ont les mains libres et peuvent maintenant servir l'Église et la Papauté : ils peuvent surtout mieux les servir pour se servir d'elles, et légitimer leurs actions et leurs prises de pouvoir en Italie du Sud et en Sicile.

Pendant la quinzaine d'années qui suit, Robert Guiscard fait une série de conquêtes. Il envahit la Sicile avec Roger à partir de février 1061, et ensemble, malgré le peu d'hommes dont ils disposent (rarement plus d'un millier), font la conquête de Messine. La conquête de l'île est lente et difficile, tant par le manque de guerriers normands expérimentés dont Robert et Roger disposent pour pouvoir se battre efficacement sur plusieurs fronts, que par le nombre important de forteresses musulmanes qui quadrillent la Sicile. Notons dans cette conquête de la Sicile (une véritable « croisade » avant l'heure), l'éclatante victoire des Normands en 1063 à Cerami, malgré leur faiblesse numérique face aux « innombrables » troupes musulmanes. Quelques années plus tard, Guiscard, qui a chassé définitivement les Byzantins d'Italie avec la prise de Bari en avril 1071, commence le siège de Palerme par mer, tandis que son frère prend la ville à revers, par voie terrestre (1071) ; la ville, musulmane depuis plus de deux siècles, tombe enfin aux mains des Normands l'année d'après (1072). En Italie, le duché d'Amalfi est supprimé en 1073 et les Grecs sont expulsés en grand nombre du sud du pays. La principauté de Salerne appartient déjà à Robert mais en 1076, il assiège et prend la ville, chassant le dernier prince lombard Gisulf, dont il avait auparavant épousé la sœur Sykelgaite : en 1077, Robert Guiscard fait de cette ville riche, sa capitale principale. L’attaque normande sur Bénévent, fief papal depuis 1053, alarme et irrite le pape Grégoire VII qui excommunie un temps Guiscard. Mais, pressé durement par l’empereur germanique Henri III, le pape concède au Normand à Ceprano en 1080 tout le sud des Abruzzes sauf Salerne.

Guerre byzantine

La dernière grande expédition de Guiscard est d’attaquer l’Empire romain d'Orient avec ses vassaux. Son objectif est peut-être, même, de s'emparer de Byzance. En effet, les Normands détestent les Byzantins, qu'ils trouvent trop « efféminés », et l'ambitieux Normand songe à prendre la capitale de l'Empire espérant se saisir du trône du basileus, prenant dès lors la cause de Michel VII qui a été déposé en 1078. De plus, l'une de ses filles, Olympias, était fiancée au fils de Michel VII, Constantin Doukas, avant le renversement de sa famille. Il s'embarque donc avec 16.000 hommes (des troupes en majorité non-normandes) en mai 1081 et en février 1082, il occupe Corfou et Durazzo, après avoir infligé une lourde défaite à l’empereur Alexis Comnène (octobre 1081). Cependant il est rappelé à l’aide par le pape Grégoire VII, assiégé par l’empereur germanique Henri IV en juin 1083, et doit retourner en Italie, laissant le commandement à son fils aîné Bohémond.

Siège de Rome et mort de Robert Guiscard

Marchant vers le nord avec 36 000 hommes, quasiment tous des mercenaires musulmans[6], il entre dans Rome et force l'empereur germanique, pris de court, à se retirer. Cependant, un mouvement de panique gagne les citoyens romains, provoquant trois jours de mise à sac total de la ville en mai 1084, probablement le pire saccage que la « Ville éternelle » avait connu. Aux cris de « Guiscard ! », « Guiscard ! », les troupes normandes mettent la cité à feu et à sang. La populace est massacrée et les femmes sont violées, les plus jeunes et les plus belles prises et emmenées en esclavage, destinées à finir dans les bordels des territoires normands, ou dans des harems ; le pape, lui-même épouvanté, quitte la ville pour aller se réfugier en lieu sûr, dans la forteresse de Salerne. Durant ce temps, Bohémond, un temps maître de la Thessalie, perd les conquêtes en Grèce. Robert, revenant pour les reprendre, réoccupe Corfou et l'île de Céphalonie, avant d'y décéder de fièvre et de dysenterie (typhoïde) le 15 juillet 1085. Son coeur et ses entrailles sont prélevés, et son corps embaumé est ramené en Apulie. Lors du voyage, le cercueil tombe à l'eau et on peine à le récupérer. Il est inhumé à Venosa, sépulture familiale des Hauteville, endroit qu'il avait lui-même choisi et où il avait installé les dépouilles de ses frères aînés.

Son fils Roger, né de son mariage avec Sykelgaite, lui succède, favorisé par cette dernière, alors que Bohémond est écarté de l'héritage paternel, ne devant se contenter que de la cité de Tarente et de son duché.

Description

Nous connaissons une description partielle de Robert Guiscard : « […] il était de très haute stature, large et robuste, les cheveux blonds, un teint coloré et des yeux d'un bleu très clair, la voix puissante, un regard vif mais qui inquiète […] ». (Anne Comnène)

Le chroniqueur d'origine normande Guillaume de Pouille nous a laissé l'histoire de Robert Guiscard dans son ouvrage intitulé Geste de Robert Guiscard (Gesta Roberti Wiscardi), narrant notamment les aventures normandes en Méditerranée de 1016 à 1085, et l'ascension de Guiscard.

Précédé par Robert Guiscard Suivi par
-
duc d'Apulie, de Calabre et de Sicile
1057/59-1085
Roger Ier
(comte de Sicile)
Bohémond
(prince de Tarente)

Notes et références

  1. Officiellement ; son année de naissance étant inconnue, il est probable que Robert Guiscard soit né plus tard, vers 1025
  2. Historia Ecclesiastica, 1327
  3. Né à Noto en 1577 et mort à Palerme en 1651. Auteur notamment de Chronologia Regum Siciliae
  4. (it) Notes biographiques
  5. Gesta et vestigia Danorum extra Daniam, 1741
  6. Dans les grandes entreprises militaires, les Normands, trop peu nombreux, ne formèrent que les cadres militaires et les corps d'élites

Voir aussi

Sources

Liens externes

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