Du conte de fées

Du conte de fées

Du conte de fées (On Fairy-Stories) est un essai de J. R. R. Tolkien portant sur la nature, les origines et les fonctions du conte de fées. Issu d'une conférence donnée à l'université de Saint Andrews en 1939, il a été publié en 1947 et fréquemment réédité depuis. Tolkien y théorise son point de vue sur le genre mythopoéique et introduit le concept d'eucatastrophe, illustrant les principes qui sous-tendent la majeure partie de son œuvre de fiction, y compris ses romans les plus connus Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des anneaux.

Sommaire

Résumé

En introduction, Tolkien énonce les trois questions auxquelles son essai tente de répondre : « qu'est-ce qu'un conte de fées ? Quelle en est l'origine ? À quoi sert-il[1] ? » Il est structuré en cinq parties : « Le conte de fées », « Les origines », « Les enfants », « Fantasy » et « Recouvrement, évasion, consolation », les trois dernières s'attachant à répondre à la dernière question, la plus importante selon Tolkien.

Partant de la définition que donne l'Oxford English Dictionary pour « conte de fées » (fairy-story), Tolkien la juge insatisfaisante pour son propos : définir le conte de fées comme un « conte qui se rapporte aux fées » serait trop étroit, mais étiqueter ainsi toute histoire irréelle ou incroyable serait trop large. Il propose de définir le conte de fées comme « un conte où il est question de Féerie, c'est-à-dire de la Faërie, le royaume ou l'état dans lequel les fées ont leur être[2] », ainsi que toutes les créatures fantastiques. Cette définition, quoique vague (Tolkien ne définit jamais clairement le concept de Faërie), exclut plusieurs récits parfois considérés comme des contes de fées dans l'imagination populaire, comme le Voyage à Lilliput de Jonathan Swift (en réalité un récit de voyage), les aventures d'Alice de Lewis Carroll (leur cadre onirique est un mécanisme étranger au conte de fées) ou la plupart des fables animalières comme le Jeannot Lapin de Beatrix Potter ou Les Trois Petits Cochons (la compréhension de l'animal par l'homme peut être un motif de Faërie, mais pas les récits où n'apparaît aucun homme et où l'animal « n'est qu'un masque posé sur un visage humain[3] »).

Tolkien aborde rapidement la question des origines du conte de fées, se jugeant incompétent pour traiter en détail de ce sujet complexe. Il juge peu pertinent de s'intéresser aux sources des contes, ou bien de chercher à les classer suivant leurs motifs récurrents. Le langage et l'esprit humains jouent un rôle important dans la naissance des contes de fées : « l'esprit qui a pensé léger, lourd, gris, jaune, immobile, rapide a aussi conçu la magie qui rendrait les choses lourdes légères et capables de voler ; qui transformerait le plomb gris en or jaune et le rocher immobile en courant rapide[4] ». Les contes sont issus d'un mélange entre mythologie, religion, histoire et légende qui n'est que rarement aisé à démêler, mais clairement sous-tendu par une visée littéraire : « les éléments présents ont souvent dû être maintenus (ou introduits) parce que, d'instinct ou consciemment, les conteurs en éprouvaient la « portée » littéraire[5] ».

Tolkien s'en prend ensuite au lieu commun, relayé par des folkloristes comme Andrew Lang ou George Dasent, voulant que les contes de fées sont destinés et réservés aux enfants. Selon lui, il s'agit d'« un accident de notre histoire domestique[6] » : ce n'est que parce qu'ils ont été jugés comme démodés par les adultes à une certaine époque que les contes de fées en sont venus à être réservés aux enfants. Pourtant, tous les enfants ne les aiment pas, alors que certains adultes si. Pour eux, Tolkien énumère quatre valeurs apportées par le conte de fées : la Fantasy, le Recouvrement, l'Évasion et la Consolation.

Historique

En 1926, l'université de Saint Andrews, en Écosse, crée les « conférences Andrew Lang » en l'honneur d'un de ses élèves les plus célèbres, le critique littéraire et folkloriste Andrew Lang. Chaque année, un universitaire reconnu est invité à donner lecture d'un texte consacré à Lang ou à son œuvre. En octobre 1938, suite aux désistements successifs de Gilbert Murray et de Lord Macmillan, l'université propose à J. R. R. Tolkien, alors professeur de vieil anglais à l'université d'Oxford, d'être celui qui donnera la conférence Andrew Lang en 1939. Tolkien accepte, propose la date du 8 mars pour sa conférence et indique que son sujet sera le conte de fées[7].

Quelques années plus tard, en 1943, Tolkien reprend l'essai et le développe substantiellement, introduisant notamment le concept d'eucatastrophe. La raison pour laquelle il y revient est incertaine : il est possible qu'un recueil des articles donnés lors des conférences Andrew Lang ait été en préparation aux presses universitaires d'Oxford, avant que la Seconde Guerre mondiale ne vienne mettre le projet en suspens[8]. Il est également possible que l'idée lui ait été inspirée par le sujet de thèse de Roger Lancelyn Green, « Andrew Lang en tant qu'auteur de contes et de romans », dont il devient le superviseur en décembre 1942[9]. Quoi qu'il en soit, l'essai est dactylographié en août 1943 par une amie de Charles Williams, écrivain londonien que la guerre a amené à Oxford, où il s'est lié d'amitié avec C. S. Lewis, Tolkien et le cercle des Inklings.

Fin 1944 ou début 1945, Lewis propose à plusieurs de ses amis de publier un recueil d'articles en l'honneur de Williams, que la fin du conflit obligera probablement à rentrer à Londres. La mort brutale de Williams en mai 1945 n'interrompt pas ce projet de Festschrift, qui devient un volume hommage. Essays Presented to Charles Williams, édité par Lewis, paraît le 4 décembre 1947 aux presses universitaires d'Oxford. Il inclut « Du conte de fées », qui n'a subi que quelques révisions mineures par rapport à sa version de 1943[10].

Après la publication du Seigneur des anneaux en 1954-1955, la maison d'édition de Tolkien, Allen & Unwin, lui propose de rééditer « Du conte de fées », étant donné que le recueil de 1947 est épuisé. Un contrat est signé en ce sens en août 1959, mais le projet reste en suspens pendant plusieurs années[11]. Ce n'est qu'en 1963 que Rayner Unwin le relance, proposant à Tolkien de rééditer « Du conte de fées » avec sa nouvelle Feuille, de Niggle, également épuisée, ce qui constituerait un volume de taille correcte. C'est l'occasion pour Tolkien de procéder à de nouvelles corrections de son essai (notamment, l'introduction de sous-titres) avant la publication du recueil, intitulé Tree and Leaf, en mai 1964[12].

« Du conte de fées » a été réédité dans d'autres recueils de textes courts de Tolkien, parmi lesquels The Tolkien Reader (1966), The Monsters and the Critics and Other Essays (1983) et Tales from the Perilous Realm (deuxième édition, 2008). Traduit en français par Francis Ledoux, il a été publié par Christian Bourgois Éditeur dans les recueils Faërie (1974), puis Faërie et autres textes (2003). Une nouvelle traduction, réalisée par Christine Laferrière, est parue dans la traduction du recueil Les Monstres et les Critiques et autres essais en 2006.

Annexes

Références

  1. Les Monstres et les Critiques, p. 139.
  2. Les Monstres et les Critiques, p. 144.
  3. Les Monstres et les Critiques, p. 149.
  4. Les Monstres et les Critiques, p. 154.
  5. Les Monstres et les Critiques, p. 162.
  6. Les Monstres et les Critiques, p. 163.
  7. Flieger & Anderson, p. 123-128.
  8. Flieger & Anderson, p. 131.
  9. Hammond & Scull, p. 687.
  10. Flieger & Anderson, p. 136.
  11. Hammond & Scull, p. 688.
  12. Flieger & Anderson, p. 146-148.

Bibliographie


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Du conte de fées de Wikipédia en français (auteurs)

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