Histoire de la Serbie pendant la Première Guerre mondiale

Histoire de la Serbie pendant la Première Guerre mondiale

Depuis 1878, la Bosnie-Herzégovine était occupée par l’empire d'Autriche-Hongrie, qui l’annexa en 1908, annexion mal vécue par les populations slaves notamment les Serbes qui refusaient cette occupation et souhaitaient la réunification avec le Royaume de Serbie ou d’autres pays slaves. L’idéal de nombreux jeunes gens serbes de Bosnie était le mouvement Jeune Italie, qui s’était donné pour but la libération des territoires occupés par les Autrichiens. En 1914, le double assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, et de son épouse Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg, à Sarajevo, le 28 juin 1914 par Gavrilo Princip, fut l’événement prétexte qui déclencha la Première Guerre mondiale. En 1915, le royaume fut envahi par les puissances centrales lors de la campagne de Serbie. Mais le pays fut finalement libéré en 1918 par l’armée serbe soutenue par les forces alliées, dont l’armée d’Orient française, menée par le maréchal Louis Franchet d'Espèrey.

Sommaire

L’attentat de Sarajevo

Article détaillé : Attentat de Sarajevo.

Les organisateurs de l’attentat contre le prince François-Ferdinand étaient de jeunes nationalistes yougoslaves, des serbes de Bosnie et des musulmans[1], qui effectuaient leurs études à Belgrade[2]. Membres de l’organisation Jeune Bosnie (Млада Босна / Mlada Bosna), ils contactèrent la Main Noire (Црна рука / Crna ruka), une société secrète soutenue discrètement par le gouvernement serbe[3] ; leur intention était d’obtenir des armes pour leur projet d’attentat. Le lieutenant-colonel Dragutin Dimitrijević "Apis", chef des services secrets serbes et de la Main Noire aurait reçu l’ordre de faire annuler l’attentat[3]. Après les guerres balkaniques de 1912 et 1913, le gouvernement de Nikola Pašić voulait la paix, hésitant à s’unir avec le Monténégro du roi Nicolas Ier, en raison de l’opposition que l’Autriche-Hongrie aurait alors manifestée. Des notes diplomatiques échangées entre la Russie et la Serbie témoignent de cette hésitation[4]

Les trois étudiants serbes, Gavrilo Princip, Trifko Grabež et Nedeljko Čabrinović, passèrent à l’action le matin de la fête de Vidovdan. Une première tentative, effectuée par Čabrinović, échoua ; la seconde, effectuée par Gavrilo Princip, eut pour résultat la mort de l’archiduc François-Ferdinand. Les diplomates autrichiens considérèrent l’attentat comme une provocation directe de la Serbie ; selon l’historien Dušan T. Bataković, l’assassinat constituait pour Vienne « le prétexte longtemps attendu d’une guerre avec la Serbie »[3]. Dans l’Autriche-Hongrie de cette époque se développait une forte propagande contre les Serbes, notamment vis-à-vis des Slaves vivant dans l’Empire[réf. nécessaire]. Le 23 juillet 1914, bien que l’implication du gouvernement serbe ne fût pas prouvée[réf. nécessaire], l’Autriche lança à la Serbie un ultimatum en 10 points. Belgrade accepta l’ultimatum[5], à l’exception du sixième point, exigeant l’envoi d’enquêteurs autrichiens dans le pays[5],[3] ; sur ce point particulier, considérant que « ce serait une violation de la Constitution et de la loi sur la procédure criminelle », la Serbie proposait de s’en remettre à une juridiction pénale internationale ou à l’arbitrage des Grandes puissances[5]. Quelques jours plus tard, l’Autriche-Hongrie affirma qu’une attaque serbe avait eu lieu contre ses troupes près de la ville de Kovin[réf. nécessaire]. Le 28 juillet 1914, le ministre autrichien des Affaires étrangères, Leopold Berchtold, déclara la guerre à la Serbie[6]. Le 1er août, l’Empire allemand déclara la guerre à la Russie, qui avait déjà mobilisé ses troupes, puis, le 3 août, à la France, alliée de la Russie. La Première Guerre mondiale avait commencé. Le Royaume du Monténégro, invité à rester neutre, s’engagea aux côtés de la Serbie, le gouvernement de Cetinje déclarant : « Le destin de la Serbie est aussi notre destin »[3].

La bataille du mont Cer

Pour la Serbie, les troupes autrichiennes étaient commandées par le Slovène Oskar Potiorek, qui se trouvait dans la voiture de l’archiduc François-Ferdinand au moment de son assassinat. La première attaque autrichienne eut lieu le 12 août 1914, entre la Save et la Drina, dans la région de Šabac. Les forces autrichiennes comptaient trois divisions, soit 220 000 soldats au total, bien entraînés, bien équipés[réf. nécessaire]. En face, l’armée serbe, manquant de munitions pour l’artillerie, était commandée par le voïvode Radomir Putnik, un général expérimenté.

Le premier affrontement important entre les deux armées eut lieu du 16 au 20 août 1914, au mont Cer, non loin de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. Les Serbes étaient commandés par le général Stepa Stepanović. Cette victoire serbe contraignit les Austro-Hongrois à se replier de l’autre côté de la Drina ; ce fut la première victoire alliée de la Première Guerre mondiale[3]. Les pertes furent importantes dans les deux camps : les Autrichiens perdirent environ 25 000 hommes et 5 000 soldats furent faits prisonniers ; les Serbes, quant à eux, avaient perdu environ 16 000 soldats[3]. Malgré l’importance des pertes, cette victoire renforça le moral des troupes serbes.

Les Russes insistèrent ensuite pour que la Serbie attaque à son tour les Autrichiens. L’armée serbe passa alors en Syrmie, une région aujourd’hui située dans la province serbe Voïvodine et, à l’époque, appartenant à l’Empire d’Autriche-Hongrie. Une armée serbe arriva le 25 septembre 1914 jusqu’à Pale, en Bosnie-Herzégovine ; Sarajevo fut évacué. En revanche, après la défaite de Glasinac, l’armée serbe, à son tour, dut retraverser la Drina[3].

La bataille de la Kolubara

La deuxième offensive autrichienne commença le 6 novembre 1914, avec des moyens plus importants que lors de la première attaque. Les Serbes, de leur côté, manquaient de munitions et, notamment, de pièces d’artillerie. Les Serbes durent se replier, abandonnant Belgrade et la vallée de la Kolubara. Le général Potiorek s’empara alors de la capitale serbe et des plans de découpage du pays furent préparés[3]. Dans cette période difficile, le général Živojin Mišić prit le commandement de la Première Armée serbe ; le roi Pierre Ier, malgré son âge, allait sur le front soutenir le moral des soldats.

Des munitions, promises par la France, finirent par arriver, transitant par la Grèce. Le 3 décembre 1914, Mišić donna le signal de la contre-offensive. L’armée austro-hongroise dut reculer et Belgrade fut reprise le 15 décembre. Cette contre-offensive porte le nom de « bataille de la Kolubara », d’après la rivière de la Kolubara, près de laquelle se déroula le combat le plus important de cette campagne militaire. Les Serbes firent prisonniers 333 officiers et plus de 42 000 soldats ; ils s’emparèrent également d’un important matériel militaire autrichien. Tout le territoire du Royaume de Serbie fut libéré. En récompense de son succès dans cette bataille, Živojin Mišić fut élevé au rang de voïvode[3].

À partir du mois de décembre 1914, la Serbie connut une période d’accalmie. Le pays, qui avait réussi à repousser deux offensives autrichiennes, en retira un grand prestige auprès de ses alliés. En 1915, en France, une « journée serbe » fut célébrée dans les écoles[3].

La campagne de Serbie (1915)

Article détaillé : Campagne de Serbie (1915).

En 1915, la conquête de la Serbie était d’un intérêt stratégique majeur pour les Empires centraux. En octobre 1914, l’Empire ottoman avait attaqué la Russie et était devenu l’allié de l’Autriche-Hongrie et de l’Empire allemand. Allemands et Autrichiens souhaitaient établir une liaison terrestre avec Istanbul ; pour réaliser ce projet, ils devaient battre les Serbes. L’écrasement de la Serbie devenait d’autant plus urgent que les Turcs, notamment après la bataille de Sarikamis (22 décembre 1914-17 janvier 1915) et la première offensive de Suez (28 janvier-3 février 1915), étaient en difficulté. L’alliance avec la Bulgarie était une des pièces maîtresse du projet : le 6 septembre 1915, la Bulgarie signa un traité d’alliance avec les Empires centraux qui promirent au tsar Ferdinand Ier la Macédoine ainsi qu’une bonne partie de la Serbie.

L’armée serbe pendant sa retraite vers l’Albanie

La stratégie d’invasion de la Serbie prit forme et la direction des opérations fut confiée à August von Mackensen, qui s’était déjà illustré sur le front russe. Le 5 octobre 1915 l’offensive fut lancée au nord, et les Austro-Allemands prirent Belgrade le 9. Ils progressent alors vers le sud tout en rencontrant une vive résistance de la part des Serbes. Le 14 octobre, les Bulgares passèrent à leur tour à l’offensive. L’aide promise par les alliés anglais et français de la Serbie, en provenance de Salonique, n’arrivait pas[3]. Comme l’armée serbe était attaquée de tous côtés et menacée d’encerclement et de destruction (ce qui était le plan de Mackensen), le général Radomir Putnik donna l’ordre de se replier vers l’Albanie. Son plan était de gagner Durazzo, sur l’Adriatique et, de là, de rejoindre Corfou ; l’armée serbe, réorganisée, devait ensuite se rendre à Salonique, où se trouvaient déjà les Anglais et les Français.

Commence alors un épisode de la campagne de Serbie que la mémoire collective serbe nomme « le Golgotha albanais »[3]. De fait, la traversée de l’Albanie s’effectua dans des conditions particulièrement difficiles. Les montagnes étaient déjà enneigées et les soldats harassés et affamés devaient passer des cols à 2 500 mètres sous des températures extrêmes. Avec les soldats, marchaient également de nombreux réfugiés ; le roi Pierre Ier suivait le convoi. Outre les conditions climatiques difficiles, les Serbes étaient régulièrement attaqués par les clans albanais[3]. En décembre, les troupes serbes finirent par atteindre les rives de l’Adriatique, alors occupées par l’Italie ; puis elles furent évacuées par bateau à Corfou, particulièrement aidées par les soldats français.

L’occupation austro-allemande et la libération

Notes et références

  1. Catherine Lutard, "Géopolitique de la Serbie Monténégro", éditions Complexe (ISBN 2-87027-647-8) page 36
  2. Academic American Encyclopedia, 1980, ISBN 0-933880-00-6, page 286
  3. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m et n Dušan T. Bataković, Histoire du peuple serbe, L’Âge d’Homme, 2005, ISBN 2-8251-1958-X, pp. 245 à 266
  4. rastko.org.rs
  5. a, b et c (fr) Réponse serbe à l’ultimatum austro-hongrois sur [1], The World War I Document Archive. Consulté le 26 mars 2008
  6. (en) The Austro-Hungarian Declaration of War on Serbia sur [2], The World War I Document Archive. Consulté le 26 mars 2008

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire de la Serbie pendant la Première Guerre mondiale de Wikipédia en français (auteurs)

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