Beurrier

Beurrier

Beurre

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La Motte de beurre par Antoine Vollon.
Beurre maison du restaurant Marc et Paul Haeberlin.

Le beurre est un aliment composé de gouttelettes d’eau dans la matière grasse d’origine laitière. Sous les climats tempérés, c’est un solide mou de couleur jaunâtre. Il fond progressivement à la chaleur.

Sommaire

Les différentes sortes de beurre

Obtenu à partir du lait, le beurre concentre sa matière grasse. La règlementation impose une émulsion de 16 % maximum d’eau dans au moins 82 % de matière grasse d’origine laitière [1][2].

Le « beurre salé » contient plus de 5 % de sel et le « beurre demi-sel » en a 0,5 % à 3 % [3] et le « beurre doux » en a le moins possible.

Le beurre « cru » obtenu exclusivement à partir de crème crue non pasteurisée ne se conserve pas longtemps. Il n'a pas le même goût que les beurres pasteurisés, car les températures atteintes lors de la pasteurisation, moins élevées que lors d'une cuisson, modifient ou détruisent certaines molécules organoleptiques.

Le lait contient plus de 500 acides gras différents [3]. Associés au glycérol, ils forment des triglycérides qui constituent les matières grasses. Les matières grasses du lait ont un comportement varié par rapport au froid, propriété qu’on utilise pour les trier. D'où l'obtention des produits sous la même dénomination qui sont plus facilement tartinables en sortant du réfrigérateur.

La couleur et la texture du beurre dépendent de l’alimentation des vaches. Si elles sont nourries au foin, le beurre est jaune pâle et plutôt dur. L’été, lorsque les vaches mangent de l’herbe, le beurre est plus coloré grâce aux pigments (β-carotène et chlorophylle) contenus dans l’herbe et plus mou. Certains fabricants ajoutent du β-carotène au beurre.

Fabrication

Femme faisant du beurre. Compost et Kalendrier des Bergères, Paris, 1499.
Atelier de production de beurre, avec une baratte métallique

Le beurre est obtenu en battant la crème tirée du lait (on peut également battre de la crème fraîche pour obtenir du beurre acidifié). Pour obtenir un kilogramme de beurre, il faut environ 20 litres de lait entier. L’opération est souvent effectuée après maturation (fermentation légère) de la crème. Le barattage de la crème non-réfrigérée (battre de la crème froide fait de la crème fouettée) rassemble les gouttelettes de matière grasse en suspension. Le beurre se sépare alors du babeurre. Il est ensuite malaxé pendant un rinçage à l’eau fraîche, pour améliorer la conservation en évacuant autant de babeurre que possible.

Le beurre peut ensuite être salé avant d’être réfrigéré et conditionné.

Utilisation

Froid, le beurre se marie bien avec le pain, d’où son utilisation en tartines. Le beurre fondant à une température proche de 30 °C alors que la température du corps humain est de 37 °C, on peut donc dire qu’il « fond dans la bouche ».

Une noix de beurre (comme toute matière grasse) laissée à fondre sur un mets chaud permet d’en rehausser le goût.

Le beurre sert également de matière grasse pour la cuisson des aliments à la poêle. La cuisson « au beurre » est traditionnellement répandue dans la partie nord de la France, par opposition à la partie sud de la France qui cuisine « à l’huile »

Mais le beurre cuit est moins digeste que le beurre cru. La température critique du beurre est de 130 °C. Au-delà de 130 °C, il se forme des composés toxiques et le beurre fume. Le beurre n’est donc pas, à moins de le clarifier, la matière grasse la plus adaptée pour la cuisson.

Composition

Il est riche en vitamine A. Il contient également de la vitamine D et de la vitamine E[4]. Avec plus de 730 kcal pour 100 g, il est très énergétique. Le beurre contient 63 % d'acides gras saturés, 26 % d’acides gras mono-insaturés et 3,7 % d’acides gras poly-insaturés [3]. De plus, le beurre contient du cholestérol[4].

L'excès de consommation entraine une hypertriglycéridémie (excès de triglycérides dans le sang) et de cholestérol LDL et VLD [3], d'où l'apparition de maladie cardio-vasculaire.

Composition du beurre doux (pourcentage massique) :

Acide gras Beurre allégé[5] Beurre[6]
Acide palmitique 14.4990 21.697
Acide oléique 13.8670 19.961
Acide stéarique 6.6820 9.999
Acide myristique 5.5470 7.436
Acide butyrique 1.7880 3.226
Acide laurique 1.5500 2.587
Acide caprique 1.3800 2.529
Acide linoléique 1.2440 2.728
Acide palmitoléique 1.2370 0.961
Acide capronique 1.0600 2.007
Acide alpha-linoléniqueAcide α-linolénique 0.8020 0.315
Acide caprylique 0.6190 1.190
Acide gras linoléique conjugué 0.267
Acide erucastiqueAcide érucastique 0.100

Conservation

Une plaquette de beurre. L’emballage particulier permet une plus longue conservation au réfrigérateur.

Le beurre a une durée de conservation limitée. Il est sensible à la réaction d’oxydation par l’oxygène de l’air qui dégrade ses composants. L’oxydation est encore plus rapide sous l’effet des rayons ultraviolets ou de la chaleur. Le beurre est alors rance, il est caractérisé par un goût et une odeur désagréables sauf pour certaines civilisations comme au Tibet où on l’ajoute au thé. Pour limiter le rancissement, le beurre doit donc être conservé au réfrigérateur dans un emballage fermé, à l’abri de l’air et de la lumière.

Le beurre salé et le beurre demi-sel se conservent plus longtemps que le beurre doux grâce à la présence du sel, conservateur naturel.

La réaction d’oxydation du butanal (un aldéhyde de forme R-CHO) par le dioxygène de l’air donne de l’acide butanoïque (un acide carboxylique saturé de forme R-COOH) : 2 C4H8O + O2 donne 2 C4H8O2.

Mentions

Réclame de 1895 dans La Nouvelle Chronique de Jersey pour une baratte inventée par Philippe Le Sueur Mourant.
  • Le beurre salé
  • le beurre demi-sel contient entre 0,5 à 3 % de sel ;
  • le beurre doux, ou non salé, ne contient aucun sel ; dans certaines régions, on le réserve pour la confection des desserts ;
  • le beurre de culture est non salé ; on ajoute une culture bactérienne à la crème à baratter pour lui donner une saveur « champêtre » ;
  • le beurre fouetté est du beurre qu’on a fouetté et qui contient de l’air : il est plus facile à tartiner ;
  • le beurre tendre ou beurre frigotartinable (cette dernière expression étant plutôt utilisée en Belgique) est du beurre qu’on a traité mécaniquement (triturage à zéro degré) ou auquel on a appliqué un autre procédé (léger écrémage) afin de le rendre plus facile à tartiner au sortir du réfrigérateur ;

En France : « Auront seuls droit à l'appellation “au beurre”, “beurre”, “petit beurre”, “grand beurre”, ou à toute autre appellation similaire contenant le mot beurre, de même que “à la crème”, les produits d'alimentation présentés ou fabriqués notamment dans les biscuiteries, confiseries, pâtisseries, boulangeries, restaurant, grands magasins, foires et marchés, préparés exclusivement soit au beurre, soit à la crème. L'emploi des appellations “à base de beurre ou de crème”, “préparé au beurre ou à la crème”, ou appellations similaires, est interdit lorsque les produits visés au paragraphe précédent ont été préparés en tout ou partie avec d'autres matières grasses que le beurre ou la crème[7]. »

Durée de conservation

  • le beurre salé se conserve à la température de la pièce pendant 2 ou 3 jours et au moins 8 semaines au réfrigérateur ;
  • le beurre non-salé se conserve au réfrigérateur jusqu’à 8 semaines.

Appellations d’origine contrôlée

  • Le beurre Charentes-Poitou[8], fabriqué à partir de crème produite dans les départements de la région ainsi qu’en Vendée. Ce beurre est parfois appelé Beurre des Charentes ou Beurre Poitou-Charentes.
  • Le beurre des Deux-Sèvres[8]
  • Le beurre d’Isigny[9]
  • Le beurre d'Ardenne, en Belgique, bénéficie d'une appellation d'origine protégée depuis 1984 par décret royal [10].

Historique de la législation française

La législation sur la protection des beurres a évolué en France à partir de la Révolution. En effet, si dans un premier temps les préoccupations de l’époque de la rédaction du Code pénal de 1810 ne sont pas à la protection des produits du terroir, avec le bouleversement économique consécutifs à l’essor industriel du milieu du XIXe siècle, le législateur devra prendre en considération de nouveaux impératifs inconnus jusqu’à cette époque. Cela se traduit par l’émergence de lois spéciales. Comme le vin ou les engrais, le beurre bénéficie alors d’une protection spécifique destinée notamment à enrayer la chute de son cours à l’exportation[11] . La découverte de la margarine étant un évènement décisif dans la mise en place de cette législation spécifique, nous pouvons avec Christophe Gris distinguer deux périodes[12]. La première va de 1810 à 1887, le législateur se contente alors d’une répression centrée sur la vente frauduleuse. La seconde va de 1897 à 1980, le législateur met en œuvre progressivement, sur le modèle du vin, des mécanismes préventifs pour éviter que des beurres destinés à la fraude ne soient fabriqués. C’est l’émergence d’encouragements à la production de produits de qualité aujourd’hui connus sous le titre d’appellation d’origine contrôlée.

La réglementation des ventes des beurres : une protection illusoire du produit

Situer la répression au moment de la vente présente deux inconvénients majeurs. D’une part la vente ayant eu lieu, l’infraction est déjà consommée. D’autre part la fraude portant sur de petites sommes a de faibles chances d’être signalée.

Le commerce du beurre ; la protection du produit par une législation générale

Le beurre ne bénéficie pas au début du XIXe siècle de la protection d’une législation spécifique. Le Code pénal de 1810 ne sanctionne que les tromperies. La loi de 1851 viendra y ajouter les falsifications.

La recherche de la circonscription de la fraude : entre tromperie et falsification

Après la Révolution française, la protection des beurres n’est pas organisée de façon spécifique. En effet, l’article 423 du Code pénal de 1810 dispose « quiconque aura trompé l’acheteur sur le titre des matières d’or ou d’argent, sur la qualité d’une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toute marchandise ; quiconque par l’usage de faux poids, de fausses mesures aura trompé sur la quantité de chose vendue… ». Ce texte général est utilisé pour les fraudes courantes. Par exemple, il n’est pas rare d’augmenter le poids du beurre par le mouillage. Le mouillage est obtenu en augmentant la quantité d’eau naturellement contenue dans la crème lors du barattage. Le beurre est chargé d’eau. Il est plus lourd lors de la vente, ce qui permet de faire de meilleurs profits avec la même quantité de lait. Mais la tromperie n’épouse pas toutes les formes de la fraude. Il faut, pour caractériser l’infraction que la marchandise soit exposée à la vente, et il faut montrer que l’agent ait eu la volonté de tromper l’acheteur. Que faire si la marchandise est stockée, et non exposée ? Que faire lorsque le marchand se défend en disant « qu’il ne savait pas » ? Le beurre est frelaté par des pommes de terres, du suif, de la farine, de la craie, ou de l’acétate de plomb. Dans son rapport fait au nom de la commission d’initiative parlementaire, Riché s’exprime en ces termes : « Si quelques marchands d’une conscience molle soudoient la complaisance des domestiques des maisons riches, il est plus regrettable encore que la spéculation immorale exploite l’ignorance ou la timidité des enfants qui vont faire des achats pour les petits ménages. […] On sait combien la probité, dont la campagne devrait être le dernier asile est parfois étrangère à l’origine du lait. »[13] . En 1851, une loi est votée, destinée à réprimer les corruptions et falsifications faites sur les denrées alimentaires. L’intérêt de ce nouveau texte est de déplacer la charge de la preuve. En effet, la simple constatation de la falsification renverse la présomption, d’innocence, et de bonne foi, du vendeur. Il devra se défendre en montrant qu’il a lui-même été trompé ; qu’il ignorait la falsification. La question s’est posée de savoir si l’ajout de borate de soude dans le beurre devait être entendu comme une falsification, dans la mesure où il s’agissait d’un conservateur dont l’usage était répandu dans la profession. La jurisprudence considéra qu’il n’y a pas de falsification si cette addition est faite en proportion suffisamment faible [14].

La recherche de sanctions pénales efficaces

Une fois les contours de l’infraction cernés, il fallait mettre en œuvre des mécanismes cohérents de sanction pénale. Or la répression du Code pénal de 1810 des tromperies était subordonnée à l’existence d’un contrat de vente. Quelle ménagère allait porter plainte pour une fraude portant sur son quart de beurre ? Dans son rapport, Riché expose la situation suivante : « Les individus remettent souvent à la société le soin de les protéger ; la perspective de supporter éventuellement des frais glace d’ailleurs les parties civiles. ». Le rapporteur nous le précise : en 1848, d’après la statistique criminelle, il y a eu 113 affaires de tromperies sur la nature, dans lesquelles ont comparu 143 prévenus. Seulement 4 parties civiles ont été jointes aux actions publiques[15].[réf. nécessaire] La loi de 1851 ne vise plus seulement la vente, mais encore la mise en vente d’une marchandise falsifiée ou corrompue. Et de plus en plus l’idée suivant laquelle les marchands sont responsables des produits qu’ils vendent commence à apparaître. Encore une fois sous la plume de Riché, l’on peut lire ceci : « Puisque la perte résultant de la détérioration doit tomber sur quelqu’un, elle doit s’arrêter au marchand qui, n’étant pas consommateur n’éprouvera qu’un dommage pécuniaire, et que l’attention à laquelle sa profession l’oblige pourrait souvent préserver de tout dommage. ». Initialement les sanctions pénales prévues étaient des amendes ou la prison. La loi de 1851 vient ajouter des sanctions que Christophe Gris juge plus satisfaisantes au regard du but que voulait atteindre le législateur. En effet, il s’agit désormais de pratiquer des mesures de publicité de la sanction, aux frais du condamné, sur les murs de son établissement. La loi de 1851 prévoit également la confiscation des machines ayant permis de constituer la fraude. Une sorte d’équilibre est alors atteint. Mais il ne devait pas durer longtemps.

L’apparition de la margarine : la nécessaire mise en place d’une protection spécifique du produit

Lorsque Hippolyte Mège-Mouriès invente la margarine, à la suite de ses travaux encouragés par Napoléon III, il ne mesure pas les conséquences économiques et juridiques de sa découverte.

De nouvelles pratiques frauduleuses dans la vente de beurre

La margarine est inventée par le français Hippolyte Mège-Mouriès né le 24 octobre 1817 à Draguignan d’un père instituteur [16]. Il fait partie d’un service du gouvernement français chargé d’effectuer des recherches pour l’amélioration des produits alimentaires. « Une tâche très précise lui est confiée. Il doit mettre au point un produit susceptible de remplacer le beurre, de coûter moins cher, et se conservant mieux. ». Selon Alphen, deux faits montrent que Napoléon III encouragea particulièrement ses travaux. D’une part, à la lecture du brevet[17], l’on remarque la formulation : « Cette étude qui a été entreprise sous une Haute inspiration. ». D’autre part, Mège fût autorisé à poursuivre ses expériences à la Ferme Impériale de la Faisanderie à Vincennes. On le sait, Napoléon III était particulièrement préoccupé par les difficultés des plus humbles. Mège observe ceci : lorsque les vaches sont soumises à un jeûne prolongé, elles continuent à produire du lait. Il en déduit que les éléments nécessaires à la fabrication du lait ne se trouvent pas directement dans l’alimentation des vaches mais dans leur graisse. Par divers procédés de broyage et de pression il va réussir à séparer la stéarine de l’oléomargarine[18] . Les fabricants de margarine proposent à la vente un produit dont l’aspect est très proche de celui du beurre. Ils les nomment « beurre factice », « beurrine », « beurre bon marché », « simili-beurre », de sorte qu’il ne s’agit ni d’une tromperie ni d’une falsification. Des beurres rances sont mélangés à la margarine, et les pratiques frauduleuses se multiplient d’autant plus que les experts ont le plus grand mal à détecter avec certitudes toutes les fraudes, surtout lorsque moins de dix pour cent de margarine est mélangé au beurre[19].

l’échec de la loi de 1887

Bien que conscient de la crise de confiance que le beurre est en train de vivre à cause de la margarine, le législateur est lent à mettre en œuvre une loi spéciale. Une loi serait tant le moyen de protéger les beurres de la fraude, que la margarine de qualité qui est attaquée par la mauvaise réputation. Le mot beurre doit désigner une substance précise : « C’est tromper l’acheteur que de lui vendre ce produit nouveau sous le nom de beurre. »[20] . Le Préfet de Paris, dans son rapport du 13 avril 1886[21] précise que « le point de fusion de la margarine est abaissé par l’addition de certaines huiles végétales dans des proportions variables. Les huiles animales n’étant jamais assez neutres au goût pour passer inaperçues, les fraudeurs utilisent la partie solide de l’huile d’olive, de coton, de sésame, ou encore la graisse de maïs. La propriété de ces huiles est de dissoudre les cristallisations de la margarine. ». Le but est d’éviter que la fraude ne soit détectée par les experts. Les conséquences seront catastrophiques pour la margarine, et le beurre. Une véritable crise de confiance s’installe, et la loi de 1887 ne parvient pas à rassurer. Jusque là, il revenait au ministère publique d’établir la preuve de l’intention frauduleuse lorsque le beurre était mélangé avec de la margarine. Désormais, il y a une présomption de fraude à l’égard de toute personne détenant une substance altérée. Le vendeur a l’obligation d’informer l’acheteur que la substance qu’il lui vend n’est pas du beurre. L’article 1 est ainsi rédigé : « Il est interdit d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer ou d’exporter sous le nom de beurre de la margarine… . » Or la loi ne définit pas ce qu’est le beurre. Le beurre salé est-il du beurre ? La margarine est-elle tout le reste ? La loi ne sanctionne pas les noms de fantaisie qui continuent à se multiplier. Le législateur doit à nouveau intervenir. Il met dix ans à le faire avec la loi de 1897.

La réglementation de la production des beurres : une protection efficace du produit

Sans doute la répression située au moment de la fabrication est-elle plus efficace. Il s’agit à la fois de réserver la dénomination beurre aux seuls produits issus de la crème, et à la fois de préserver le beurre en empêchant tout mélange.

Réserver la notion de beurre : la séparation de la margarine et du beurre

Réserver l’appellation beurre aux seuls produits issus de la crème nécessite la mise en place de moyen coercitifs destinés à vérifier si la loi est bien respectée.

La séparation stricte de la margarine et du beurre

Dans la loi de 1897, le beurre est définit et il est désormais interdit « de désigner sous le nom de beurre avec ou sans qualificatif, tout produit qui n’est pas exclusivement fait avec du lait ou de la crème… . »[22] . Il y a un déplacement de l’infraction de l’exposition à la désignation. C’est-à-dire qu’il suffit de contrôler la marchandise désignée sous le nom de beurre, et si elle contient autre chose que les composés du lait, l’infraction est constituée. A cette séparation de droit, la loi ajoute une séparation de fait. Les pains de margarine doivent-être identifiés par un conditionnement spécifique. Les points de vente ne doivent pas être les mêmes, et les locaux doivent-être identifiés par des enseignes spéciales. Les fabriques de margarine doivent se déclarer, et à ce titre elles ont l’obligation d’être contrôlée en permanence par au moins un inspecteur indépendant.

La surveillance de la séparation entre la margarine et le beurre

La loi de 1897 crée un corps d’inspecteurs spécialement départis à la surveillance de la fabrication et du commerce du beurre et de la margarine. Leur rôle est avant tout de dissuader les fraudeurs. Ce sont des agents nommés par le ministère. Ils sont choisis parmi les agents des contributions indirectes[23] . Leur rôle est double. Ils veillent tant à l’intégrité des relations commerciales qu’à la santé publique. Ils ont un grand pouvoir d’investigation, et à ce titre, ils sont tenus à la discrétion. Ils ne doivent pas révéler les secrets de fabrication dont ils auraient connaissance dans l’exercice de leurs fonctions [24]. La fraude des beurres ne peut bien souvent s’établir qu’à la suite d’une constatation scientifique. Il faut alors procéder au prélèvement d’échantillons destinés à être analysés. La circulaire du 13 février 1898 vient encadrer les modalités de prélèvement. A la suite de ce prélèvement, l’inspecteur dresse un procès verbal dont un exemplaire est remis à l’exploitant contrôlé.

Préserver la notion de beurre ; la protection des produits de qualité

Les efforts législatifs réalisés en direction de la protection du beurre vont conduire à l’amélioration notable de la qualité des produits mis en vente sur les marchés.

Le résultat des incitations législatives : une amélioration qualitative des produits fabriqués

La répression devenant de plus en plus présente, les fabricants sont obligés de réagir. Un assainissement notable des marchandises est constaté. Par ailleurs, tout un commerce nouveau émerge. En effet des entreprises proposent aux laiteries-beurreries des appareils variés destinés pour les uns à contrôler le lait lors de l’achat, pour d’autres à améliorer le rendement en évitant les gaspillages. De nombreux ouvrages plaident pour une meilleure hygiène. Des écoles destinées à former les exploitants sont créées. C’est le cas par exemple de l’école professionnelle de laiterie de Surgères en 1906. Des revues sont publiées, comme la revue générale du lait, mais aussi des ouvrages destinés à accompagner l’exploitant d’une laiterie beurrerie, comme celui de Renaux Manuel pratique de laiterie-beurrerie.

Le résultat des incitations législatives : une évolution du mode de protection des produits fabriqués

Si la loi de 1897 était particulièrement efficace pour lutter contre les falsifications que pouvait subir le beurre du fait de son mélange avec la margarine, en revanche, elle était totalement inopérante pour la lutte contre les autres suppositions. La loi de 1905 en est le complément nécessaire. La loi de 1905 relative à la répression des fraudes dans la vente de marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles est une avancée considérable. Pour la première fois, une marchandise est protégée en raison de sa provenance : de son origine. Sont considéré comme des tromperies les manœuvres ayant pour but de faire croire au consommateur qu’il achète un produit qui provient de telle région alors qu’il provient de telle autre, à condition de montrer que la cause de la vente était l’origine du produit. Elle instaure elle aussi des contrôles, et un mode de prélèvement propre des échantillons. Or celui-ci n’est pas le même que celui de la loi de 1987, ce qui pose des problèmes de procédure. En effet, suivant qu’il s’agit d’une fraude par addition de margarine, ou par addition d’huile végétale par exemple, la procédure à utiliser à peine de nullité du prélèvement n’est pas identique. Cela pose en pratique d’énormes difficultés, si bien que le législateur intervient avec la loi du 23 juillet 1907 pour harmoniser les procédures. Sur le modèle de la protection des vins le beurre ne va plus seulement bénéficier d’une protection contre la fraude, mais encore, les meilleurs bénéficieront d’une valorisation. Avec la loi de 1919, un nouveau mode de protection des marchandises est mis en place. Les tribunaux civils sont saisis par les particuliers, et ils délimiteront des appellations d’origine. Il s’agit d’une protection a posteriori ouverte à toute personne « qui prétendra qu’une appellation d’origine est appliquée à son préjudice direct ou indirect et contre son droit à un produit naturel ou fabriqué et contrairement à l’origine de ce produit, ou à des usages locaux, loyaux et constants. ». Pour se prévaloir d’un préjudice, il faut donc montrer un usage indu d’une appellation. En 1979, l’appellation « beurre Charentes-Poitou », « beurre des Charente », « beurre des Deux Sèvres » est protégée à la condition de respecter un cahier des charges très précis[25].

La protection par l’appellation d’origine contrôlée, c’est avant tout l’histoire de la France. Ce n’est pas la simple protection d’une graisse alimentaire vis-à-vis d’une autre, c’est encore la confrontation de deux conception du commerce. Le beurre s’oppose à la margarine en ce sens que le beurre est obtenu à partir du lait, c’est-à-dire à partir d’un produit de la vache destiné à transmettre la vie. A l’inverse, la margarine est fabriquée à partir de la graisse des bovins, c’est-à-dire à partir d’un animal mort. D’un côté l’on accompagne un processus naturel, de l’autre l’homme crée, transforme : c’est l’industrie. L’industrie suscite la méfiance. La margarine devait lutter contre le mythe de l’artisanat à la française, et ainsi, dans l’introduction d’un ouvrage destiné aux professionnels de la beurrerie, l’on pouvait lire : « Nous n’avons l’intention de traiter que de la fabrication dans la ferme modeste de nos campagnes ; ce livre s’adresse au plus grand nombre, aux petits cultivateurs, à la fermière qui fait elle même le beurre qu’elle va vendre, à cette bonne ménagère qui est toujours toute disposée à faire bien, et qui, une fois instruite et suffisamment renseignée, ne demande pas mieux que d’apporter les plus grands soins à ce travail dont la réussite et les bénéfices font son légitime orgueil. »[26].

Gastronomie

Le beurre est un ingrédient de base pour beaucoup de recettes (pâtes à tarte, pâtisseries, sauces).

La qualité gustative, la consistance et la couleur du beurre fermier varient selon la saison, le terroir et la qualité des prairies (diversité et qualité des fleurs et graminées), mais aussi selon la race bovine produisant le lait. Ainsi François Joseph Grille (d'Angers) en 1825 expliquait qu' en Flandre, à Cassel, il se faisait « un grand commerce de beurre. Pour l'avoir odorant et à bon marché, il faut l'acheter au tems des roses : c'est l'expression du pays. Quand les fleurs couvrent les prairies, les vaches ont du lait excellent, et le beurre en acquiert une qualité d'autant meilleure. Au mois de septembre et aux premiers jours d'octobre , il est encore très-bon et pas trop cher ; mais en novembre et en hiver, indépendamment de ce qu'il est moins propre à faire des provisions, il est aussi d'un prix bien plus élevé ». « La première qualité se vendait alors pour du beurre de Dixmude » ajoute F.J. Grille ; « Le beurre de Flandre a de la réputation ; il s'en vend moins à Paris que de celui Gournay, d'Isigny, de Bretagne. Cependant on compte qu'il s'en fait huit cent mille myriagrammes dans tout le département [du Nord], et qu'il en est vendu au dehors cinq cent mille »[27].

Le cuisinier prépare différents types de beurres, dont par exemple :

  • Beurre clarifié : beurre dont la caséine et le petit-lait ont été éliminés[28]
Fabrication du beurre à la main.
  • Beurres composés : sauces chaudes ou froides, salées ou sucrées, à base de beurre additionné de divers ingrédients et destinés à accompagner des grillades, des crustacés cuits au court-bouillon, des légumes cuits à la vapeur, sur des canapés ou des crêpes, tels que : beurre aux noix, beurre d’anchois, beurre d'escargot, beurre d’estragon, beurre de crevettes, beurre de crustacés, beurre de lavande, beurre de moutarde, beurre de paprika, beurre de poivrons, beurre de roquefort, beurre de saumon fumé, beurre maître d’hôtel, beurre meunière, beurre ravigote, beurre d’orange
  • Beurre blanc : réduction de vinaigre et d’échalotes montée au beurre destinée à l’accompagnement de certains poissons tels que le brochet
  • Beurre rouge : réduction d’échalotes et de vin rouge ou de Madère montée au beurre destinée à l’accompagnement de certaines viandes
  • Beurre noisette : beurre chauffé jusqu’à obtention d’une couleur blonde destinée à l’accompagnement de certains aliments tels que les poissons, les cervelles frites et les épinards.
  • Beurre noir : beurre chauffé jusqu’à obtention d’une couleur brune destinée à l’accompagnement de certains aliments tels que l’aile de raie ou la cervelle de veau ; en fin de cuisson il est accompagné d’un trait de vinaigre et de câpres. Malheureusement toxique à ce niveau, cette préparation est désormais interdite en restauration.

Arts

Curiosités

  • La Tour de Beurre de la cathédrale de Rouen : tour en pierre jaune en forme de motte de beurre construite de 1485 à 1506 et dont les frais de construction ont été couverts par les dispenses perçues sur les fidèles rouennais pour pouvoir manger du beurre en période de carême.
  • Le beurre fait l'objet chaque année d'un pardon dans la chapelle Notre-Dame-du-Krann à Spézet en Bretagne. La statue de la Vierge est revêtue pour l'occasion d'une cape de couleur crème et des mottes de beurre sculptées lui sont offertes.

Notes

  1. http://www.dietimiam.com/article-5837677.html
  2. Loi n°1897-04-16 du 16 avril 1897 et loi du 22 mars 1924, modifiées par la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988
  3. a , b , c  et d http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie/beurre-definition-composition-dietetique-medicale-9273.html
  4. a  et b (en) nutritiondata.com, « Nutrition Facts and Analysis for Butter, without salt ». Consulté le 6 janvier 2009
  5. http://www.lanutrition.fr/aliments-details.php?aliment=5308&langue=fr&lettre=
  6. http://www.lanutrition.fr/aliments-details.php?aliment=92&langue=fr&lettre=
  7. L. 2 juill. 1935, art. 23 (Journal officiel du 3 juillet).
  8. a  et b bénéficie d’une AOC reconnue par le décret du 29 août 1979 publié au Journal officiel du 31 août 1979.
  9. bénéficie d’une AOC reconnue par le décret du 30 juin 1986 publié au Journal officiel du 2 juillet 1986.
  10. http://www.wipo.int/clea/fr/details.jsp?id=395
  11. L. Vérin. La répression des fraudes dans le commerce du beurre et de la margarine. (La loi du 16 avril 1897). Thèse. Lille. 1905
  12. C. Gris. Le beurre; étude de la protection des beurres du XIXe au milieu du XXe siècle. Mémoire de DEA. Bordeaux IV. 2008.
  13. J. B. Duvergier. Collection complète de lois, décrets, ordonnances et règlements. 27 mars 1851. p. 199.
  14. Caen, 26 janvier 1899. S. 1899.2.113.
  15. Duvergier 1851 op cit pp. 199 et suiv..
  16. Pour une biographie complète de Mège, voir J. Van Alphen, in la margarine; histoire et évolution 1869-1969 sous la direction de J.H. Stuijvenberg. Paris. Dunod. 1969.
  17. Brevet B.F. 86480, déposé au ministère de l’agriculture le 15 juillet 1869.
  18. J. Fritsh. La fabrication de la margarine et des graisses alimentaires. Paris. H. Desforges. 1905.
  19. P. Dornic. Le contrôle industriel du lait. Paris. J. B. Baillières et fils. 1932.
  20. J.O. Doc. Parl. Séance du 11 mars 1886, annexe 514, p. 1728.
  21. J.O. Doc. Parl. Séance du 10 juillet 1886, annexe 1025, p. 457-annexe I
  22. J. B. Duvergier. Collection complète de lois, décrets, ordonnances et règlements. 1897.
  23. Article 17.
  24. Décret du 9 novembre 1897. J. B. Duvergier. Collection complète de lois, décrets, ordonnances et règlements. 1897.
  25. Décret 29 août 1979, J.O., 31 août 1979 p. 2129.
  26. A. Chirade, E. Moreau, R. Lezé. La fabrication pratique du beurre. . Caen. La société française d’Encouragement à l’industrie laitière 1886. Collection électronique de la bibliothèque municipale de Lisieux. http://www.bmlisieux.com .
  27. François Joseph Grille, Description du département du Nord, Sazerac & Duval, Paris, 1825-1830, 368 p., p. 129 
  28. Pour clarifier le beurre, il faut le faire fondre à feu très doux de manière à ce que les graisses, la caséine et le petit se séparent puis à retirer la caséine et le petit-lait du beurre fondu.

Voir aussi

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Voir « beurre » sur le Wiktionnaire.

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