Bourgeois-bohème

Bourgeois-bohème
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Le terme bobo, contraction de bourgeois-bohème, traduction de l'anglais bourgeois bohemian, est issu d'un livre de David Brooks intitulé Bobos in Paradise (ISBN 0-684-85378-7) publié en 2000 ; il s'agit d'une sorte de sociostyle, c'est-à-dire de tentative de caractériser un groupe social selon les valeurs que ses membres partagent, plutôt que selon des caractéristiques socio-économique ou démographique. L'auteur entendait caractériser et regrouper sous ce terme l'évolution et la transformation du groupe des yuppies des années 1980.

Sommaire

Invention du terme

David Brooks utilise pour la première fois le terme bobo pour remplacer le terme « yuppies » qui avait pris selon lui une connotation péjorative. La théorie de Brooks est que cette nouvelle classe supérieure est un croisement entre l'idéalisme des années 1960 et les comportements libéraux et individualistes de la période Reagan.

Les critiques de l'ouvrage de Brooks lui reprochent notamment de n'avoir pas expliqué en quoi cette élite serait nouvelle, et que les tendances qu'il stigmatise comme caractéristiques des bobos ne seraient que l'expression des changements généraux de goûts d'une classe moyenne supérieure préexistante[réf. nécessaire].

Dans les pays anglo-saxons, le terme d'« Hipster » est plus couramment utilisé pour désigner les codes culturels volontairement éclectiques et superficiels (mêlant des éléments de culture de masse à des éléments de contre-culture ainsi plus ou moins dépolitisés) de cette catégorie sociale plutôt issue des couches supérieures des classes moyennes. Il existe également de nombreuses variantes relativement proches : champagne socialist, neiman marxist, limousine liberal.

Usage du terme en France

On peut trouver un emploi précurseur dans le roman Bel-Ami, de Guy de Maupassant, publié en 1885 : « Ce fut elle alors qui lui serra la main très fort, très longtemps ; et il se sentit remué par cet aveu silencieux, repris d'un brusque béguin pour « cette petite bourgeoise bohème et bon enfant » qui l'aimait vraiment, peut-être. »

L'expression « Bourgeois Bohème » est également employée par Claire Brétecher dans le dernier strip du tome 3 de la bande dessinée Les Frustrés (publié en 1978). Les strips de Brétecher sont parus initialement dans le Nouvel Observateur et tournent en dérision les ex-soixante-huitards, les professions supérieures et les intellectuels de gauche des années 1970 qui étaient les principaux lecteurs de cet hebdomadaire, l'expression « Bourgeois Bohème » est alors employée par la dessinatrice pour designer cette figure centrale de la série Les Frustrés, dans un sens relativement proche de celui qu'on lui donne actuellement.

D'après le journaliste et écrivain Pierre Merle, l'expression « bourgeois-bohème » réapparaît en France le 15 juin 2000 dans un article du Courrier international[1]. Ce terme est assez flou. Il prend cependant une valeur plutôt péjorative comme dans la chanson de Renaud Les Bobos, désignant un type de conformisme : des personnes aisées, parisiennes et parisianistes, bien pensantes, de sympathies allant plutôt à la gauche écologiste et ayant de l'affection pour la figure du révolté (Che Guevara, mai 68)[2]. Il est employé par Raymond Barre lors de la campagne municipale de 2001, cité par le Progrès de Lyon en mars 2001[3].

À Paris, ces bobos résideraient dans les arrondissements aisés du centre (IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, IXe) mais leur venue dans les arrondissements autrefois populaires de l'est (Xe, XIe, XIIe, XVIIIe, XIXe, XXe arrondissements par exemple) y a contribué à une forte hausse du prix de l'immobilier ces dernières années[4],[5].

L'écrivain François d'Épenoux décrit les bobos comme « les nouveaux maîtres de Paris, stars des gazettes et chouchous des pubards, leaders d'opinion et des dîners en ville, nouvelle volaille qui, comme dans la chanson de Souchon, fait l'opinion. [ … ] Ce sont quelques poignées de vrais bourgeois mais faux bohèmes, connus ou inconnus, fricotant dans la pub, la presse, la musique ou le cinéma, bref, dans des métiers bien, qui prônent leurs idées et prêchent leurs discours avec d'autant plus de légèreté mondaine qu'ils n'en subiront jamais les conséquences, planqués qu'ils sont dans leurs donjons bardés de digicodes. [ … ] Ce sont les nouveaux gardiens de la Pensée unique qui déversent sur le moindre assaillant l'huile tiède d'une soupe idéologique ressassée, entre deux flèches trempées dans le fiel mortel de leurs propres erreurs »[6].

Diverses parodies ou déclinaisons du terme ont ponctuellement été créées comme les « bonobos » (« bourgeois non bohèmes »)[7]. Le terme « beurgeois » (pour « beurs embourgeoisés »)[7] est en revanche plus ancien que « bobo » : c'est notamment le titre d'une bande dessinée de Farid Boudjellal, sortie en 1997.

Les bobos dans l'art

Le chanteur Renaud a écrit et interprété en 2006 une chanson intitulée Les Bobos, qui dépeint les caractéristiques des bourgeois-bohèmes types, chanson qu'il achève par les vers suivants « ma plume est un peu assassine / pour ces gens que je n'aime pas trop / par certains côtés j'imagine / que je fais aussi partie du lot », reconnaissant ainsi qu'il peut aisément être assimilé à ce groupe parfois qualifié de « fourre-tout ». Cette chanson rappelle dans un autre genre Mon beauf du même auteur.

Les bobos sont les héros des albums de bandes dessinées Bienvenue à Boboland (éd. Audie-Fluide Glacial, 2008) et Global boboland (id., 2009), de Dupuy-Berberian.

Une évolution de la bourgeoisie ?

Pour Joseph Heath et Andrew Potter, une nouvelle forme de bourgeoisie issue du secteur tertiaire voit le jour autour des années 1960 en Amérique du Nord. Loin de la figure de l'austère bourgeois, celle-ci est « créative » et « bohème », et si elle cherche toujours une justification morale, celle-ci est désormais colorée d'écologisme ou de citoyennisme, selon le modèle de la contre-culture venu de la côte ouest américaine, et fortement conformiste[8].

Pour Jacques Ellul, en parallèle avec la mutation du lien social qui dans sa forme traditionnelle ne correspondrait plus au nouveau modèle bourgeois, la société libérale a tendance à se tribaliser. La bourgeoisie essayerait ainsi de faire croire à sa disparition derrière sa nouvelle allure[9]. Pour le communiste Michel Clouscard, si la bourgeoisie se cherche une alternative, son idéologie reste en accord avec les mutations du capitalisme et correspond au modèle du néo-libéralisme, mais la propriété n’y apparaît plus comme une valeur fondamentale[10].

Bibliographie

  • Claire Brétecher, Les frustrés, t. 3, Paris, C. Brétecher, 1978 (ISBN 2-901076-05-5)
  • David Brooks, Les Bobos, F. Massot, Paris, 2000 (trad., par Marianne Thirioux et Agathe Nabet, de Bobos in Paradise: the new upper class and how they got there, Simon & Schuster, 2000) (ISBN 2-84588-018-9)
  • Dupuy-Berberian, Bienvenue à Boboland : le comportement humain et urbain par Dupuy & Berberian, Audie-Fluide Glacial, Paris, 2008 (ISBN 978-2-85815-862-1)
  • Dupuy-Berberian, Global boboland, Audie-Fluide Glacial, Paris, 2009 (ISBN 978-2-85815-976-5)
  • François d'Épenoux, Les Bobos me font mal : bourgeois bohèmes : minorité mal intégrée à qui l'on doit une droite un peu gauche et une gauche maladroite, A. Carrière, Paris, 2003 (ISBN 2-84337-239-9)
  • Cécile Louet, Les bourgeois bohèmes : portrait d'un groupe social touchant les acteurs du monde de la communication, mémoire de maîtrise, Sciences de l'information et de la communication, Université Rennes 2, 2002 (inédit)

Notes et références

  1. Pierre Merle, Les mots à la con, Mots & Cie, 2005, p. 19.
  2. Pierre Merle, op cit., p. 19-20.
  3. Le Progrès de Lyon du 3 mars 2001, Raymond Barre : Tout est entre les mains des Lyonnais.
  4. La lutte des classes revient à Paris ! Des bourgeois bohèmes à la ségrégation
  5. Cahier supplément sur l'immobilier à Paris, numéro 2851 de l'Express du 23 février au 1er mars 2006, p
  6. François d'Epernoux, Les bobos me font mal, A. Carrière, 2003, p. 11-12.
  7. a et b 100 licenciements de Schneider, D. page 291, 2008. http://editions.negatif.online.fr/
  8. Joseph Heath et Andrew Potter (trad. Michel Saint-Germain et Élise de Bellefeuille), Révolte consommée [« The Rebel Sell »], Naïve, 29 septembre 2005 (1re éd. 2004) (ISBN 978-235021019-3) 
  9. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, Paris: Calmann-Lévy, 1967. Paris: La Table Ronde, 1998.
  10. Michel Clouscard, Néo-fascisme et idéologie du désir, 1973

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe


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