Calembour

Calembour

Le calembour est un jeu de mots fondé sur l'homonymie ou l'homophonie (mots qui s'écrivent ou se prononcent de la même façon, mais différents par le sens), la paronymie (mots dont l'écriture ou la prononciation est très proche), ou encore la polysémie (mots ayant plusieurs sens).

Le calembour est un trait de l'esprit, à connotation humoristique, qui, par le sens double d'une phrase, permet une approche ironique sur un sujet donné. Il fut souvent utilisé dans cette optique par les journaux satiriques et les chansonniers du début du XXe siècle. Les calembours sont généralement plus appréciés à l'oral qu'à l'écrit. Une légère différence d'intonation peut en effet orienter la compréhension d'une phrase ambiguë. Le procédé est approprié à la langue française, peu accentuée et riche en homophones. Il ne faut pas confondre le calembour avec le kakemphaton, faute involontaire.

Sommaire

Origines et étymologie

L'étymologie est incertaine[1]. Le rapprochement avec calembredaine paraît évident, sans qu'on puisse pour autant établir un rapport certain de dérivation[2].

Il est traditionnellement admis[3] que c'est Denis Diderot qui aurait utilisé pour la première fois ce terme, en français, dans une lettre à Sophie Volland datée du 1er octobre 1768. Mais cela ne donne aucune idée de la formation du mot. Le terme est bien présent dans le Supplément à l'Encyclopédie de 1777[4] mais son étymologie y est présentée comme incertaine et aucune allusion à Diderot (pourtant encore bien vivant) n'y est faite.

La revue Historia a évoqué l'existence d'un comte de Kahlenberg ambassadeur d'Allemagne à Paris dont l'accent rendait les propos difficilement compréhensibles ; ses interlocuteurs, refusant par politesse de le faire répéter, interprétaient librement ses propos. L'initiale K admise au XVIIIe siècle[4] peut effectivement indiquer une étymologie étrangère. Cette initiale K pourrait également appuyer cette autre hypothèse[5] qui rapproche calembour du verbe néerlandais kallen (parler) et de l’ancien français bourde (erreur ou mensonge). Mais on comprend mal l'association de ces racines de langues différentes.

Le mot Calembour apparaît dans la 5e édition du Dictionnaire de l'Académie française (1798).

Journaux et humoristes

Jean-Pierre Brisset est un auteur français, qui ne rédige ses livres qu'à partir de calembours portés à saturation. Pour avoir démontré par des calembours que l'homme descend de la grenouille — coa=quoi? — cet employé des chemins de fer a été fait par Jules Romains et ses amis (Apollinaire, Max Jacob, Stefan Zweig) « Prince des Penseurs » le 13 avril 1913. Son œuvre complète a été republiée en 2001, accompagnée d'une étude. Il était l'un des auteurs préférés de Marcel Duchamp[6]. Brisset a été célébré par André Breton dans l'Anthologie de l'humour noir (1940) et par Michel Foucault en 1970. « Qu'est-ce que c'est? est glosé Que sexe est? », par allusion à la métamorphose de la grenouille en homme (elle prend un sexe apparent : keksekça ?).

Certaines publications, comme Libération, L'Équipe ou 20 minutes, ainsi que certaines bandes dessinées comme Iznogoud ou Astérix se sont fait une spécialité de truffer leurs pages de calembours, pour le plus grand bonheur de leurs lecteurs.

Le Canard enchaîné s'est particulièrement illustré dans le genre, grâce au journaliste Jean-Paul Grousset, spécialiste du cinéma et auteur[7] d'un nombre considérable de calembours (notamment dans ses manchettes) :

  • Las de tant voyager, toutes ces escales... Hambourg, Anvers... Je prefere m'adonner aux calembours en vers.
  • Personnalité et personne alitée.
  • Chassez le naturiste, il revient au bungalow.
  • C'est beau mais c'est twist !
  • Les choses étant ce caleçon
  • Mais vous pleurez, mi-lourd ?
  • Un peu d'Eire, ça fait toujours Dublin !
  • Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers !
  • Je suis en congé de ma Lady
  • Être reçu England pompe
  • Le rugbyman est talonneur…
  • Mes illusions sont des truites
  • Ne lâchons pas lamproie pour l'omble…
  • La loi de l'offre et de la limande
  • Les gaîtés de l'esturgeon
  • Ciel, mon méhari !
  • Chaloupe à tous les coups !
  • Je suis verseau, ascendant recto !
  • Attention à la moustache, la mousse tache

Raymond Devos, Pierre Desproges, Coluche,Laurent Ruquier,François Pérusse, Boby Lapointe et, plus récemment Noir Désir, Sttellla, Gérald Genty, Vincent Rocasont sont parmi les calembouristes les plus productifs.

Citations

« Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole. Le lazzi tombe n'importe où ; et l'esprit, après la ponte d'une bêtise, s'enfonce dans l'azur. Une tache blanchâtre qui s'aplatit sur le rocher n'empêche pas le condor de planer. Loin de moi l'insulte au calembour ! Je l'honore dans la proportion de ses mérites ; rien de plus. Tout ce qu'il y a de plus auguste, de plus sublime et de plus charmant dans l'humanité, et peut-être hors de l'humanité, a fait des jeux de mots. Jésus-Christ a fait un calembour sur saint Pierre, Moïse sur Isaac, Éschyle sur Polynice, Cléopâtre sur Octave. Et notez que ce calembour de Cléopâtre a précédé la bataille d'Actium, et que, sans lui, personne ne se souviendrait de la ville de Toryne, nom grec qui signifie cuiller à pot. »

— Victor Hugo, Les Misérables[8], 1862

Exemples

Calembour sur une affiche de Jules Alexandre Grün pour les concerts du Café Riche à Paris en 1896
Patience, Paris n’a pas été bâti dans un four !
Les voyages déforment la jeunesse
- C'est la consigne !
- C'est où qu'on signe ?
- C'est là qu'on signe !
  • Renaud (dans "Tu vas au bal")
Nos âmes sont tordues, pour pécher c'est le pied. (Nos hameçons tordus, pour pêcher c'est le pied.)
- On s'enlace
- Puis un jour
- on s'en lasse
- C'est l'amour.
Vous me connoissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule.[9]
(elle) - Il me faut, disons le mot, 50 000 francs
(lui) - Par mois ?
(elle) - Par vous ou par un autre !
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth (j'ai rime à -dais, pour rimer avec demandait trois vers plus bas. La localité en question n'existe manifestement pas);
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait
Immobile, ouvrant l'œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
  • Le Québécois Marc Favreau (Sol) base tout son texte sur le calembour poétique :
… Mais le bébé, il sait pas,
il sait pas à quel sein se dévouer
pour lui, c'est la mère à boire…
Elle était bonne pour moi, ma mère
C'était une mère veilleuse.
Les photographes font tout un plat de leurs lentilles, et ensuite ils courent travailler au noir.
- Dis-moi, je te réveille, mais c'est qui l'espion ?
- L'espion, c'est celui qui dort.
- Hein ?
- Laisse pioncer celui qui dort !
  • Louis XVIII sur son lit de mort entouré de ses médecins :
Allons ! Finissons-en, Charles attend ! (charlatans et évocation de son successeur, Charles X)
  • Bobby Lapointe : l'ensemble de son œuvre, par exemple cet extrait de Mon père et ses verres (1969) :
Mon père est marinier
Dans cette péniche
Ma mère dit : « La paix niche
Dans ce mari niais »
Ma mère est habile
Mais ma bile est amère
Car mon père et ses verres
Ont les pieds fragiles
Autres exemples

Notes et références

  1. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Calembour » du CNRTL.
  2. Définitions lexicographiques et étymologiques de « Calembredaine » du CNRTL.
  3. Voir entre autres Ferdinand Brunot, t. 6, 2, p. 1315.
  4. a et b Voir l'article
  5. Marcel De Grève, Calembour. In : Dictionnaire international des termes littéraires, Association internationale de littérature comparée, Provo (Utah, USA).
  6. Marc Décimo, Jean-Pierre Brisset, Prince des penseurs, Inventeur, grammairien et prophète, Les presses du réel, 2001.
  7. Voir son œuvre : Si t'es gai, ris donc ! (Julliard, 1963), Mettez les voiles. (avec la coll. de Michel Claude, Julliard, 1965), Les perles du « Canard » recueillies par Jean-Paul Grousset. (Canard de Poche, Éditions du Canard enchaîné, 1967).
  8. Fantine, livre 3, chapitre VII
  9. Polyeucte, BNF Gallica
  10. selon Éric Hazan, L'invention de Paris.
  11. Denfert-Rochereau est un militaire français resté célèbre pour avoir dirigé la résistance de la place forte de Belfort durant la guerre franco-prussienne de 1870.

Voir aussi

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Bibliographie

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