Campagne Franco-américaine Aux États-Unis Au Début De 1781

Campagne Franco-américaine Aux États-Unis Au Début De 1781

Campagne franco-américaine aux États-Unis au début de 1781

Campagne franco-américaine aux États-Unis (début 1781)

Sommaire

Le comte de Rochambeau apprend que l'escadre britannique est sortie de New-York

Le 16 mai 1781, M. le comte de Rochambeau apprit que l'escadre britannique commandée par Arbuthnot était sortie de New York. Le 17, elle parut devant la passe à six lieues au large et y mouilla. Elle y resta jusqu'au 26 et laissa passer, le 23, six bâtiments de transport venant de Boston.

Dans la nuit du 28 au 29 mai 1781, un capitaine d'artillerie M. La Barolière, faillit être assassiné par un sergent de sa compagnie, sans qu'on pût savoir la raison de cet attentat.[1]

Il apprend de son fils que de Grasse viendra dégager Barras

M. de Rochambeau reçut confidentiellement de son fils l'avis que le comte de Grasse avait ordre de venir dans les mers d'Amérique en juillet ou août pour dégager l'escadre de M. de Barras. [2].

Entrevue à ce sujet entre Washington et Rochambeau

M. de Rochambeau n'eut en conséquence rien de plus pressé que de demander au général Washington une entrevue qui eut lieu le 20 mai à Westerfield, près de Hartford. Le chevalier de Chastellux accompagnait M. de Rochambeau. Washington avait avec lui le général Knox et le brigadier Du Portail. M. de Barras ne put y venir à cause du blocus de Newport par l'escadre britannique.

Plan de campagne

Le général américain pensait qu'il fallait attaquer immédiatement New York; qu'on porterait ainsi un coup plus décisif à la domination britannique.[3]

M. de Rochambeau était d'avis, au contraire, qu'il valait mieux opérer dans la baie de Chesapeak, où la flotte française aborderait plus promptement et plus facilement. Aucune des deux opinions ne fut exclue, et l'on décida d'abord de réunir les deux armées sur la rive gauche de l'Hudson, de menacer New-York, et de se tenir prêt, en attendant l'arrivée du comte de Grasse, à qui on expédierait une frégate, soit à pousser sérieusement les attaques contre cette place, soit à marcher vers la baie de Chesapeak.

Lettres interceptées

Après cette conférence, une dépêche du général Washington au général Sullivan, député du Congrès, et une autre lettre de M. de Chastellux au consul de France à Philadelphie, M. de La Luzerne, furent interceptées par des coureurs britanniques et remises au général Clinton, tandis qu'une dépêche de lord Germaine à lord Clinton était portée à Washington par un corsaire américain.

Cela sont les intérêts des alliés

Elles servirent mieux la cause des alliés que la plus habile diplomatie.

Washington disait en effet dans sa lettre que l'on allait pousser activement le siège de New-York et que l'on allait écrire à M. de Grasse de venir forcer la barre de Sandy Hook, tandis que le ministre britannique annonçait la résolution de pousser la guerre dans le Sud.[4]

L'officier britannique chargé du service des espions envoya une copie de cette lettre au général français, qui, pour toute punition, fit venir M. de Chastellux, lui montra cette copie et la jeta au feu. Il se garda bien de le détromper et de lui confier ses véritables desseins.

Retour de Rochambeau à New-Port

De retour à Newport, M. de Rochambeau trouva que l'escadre se disposait, suivant les instructions données à M. de Barras, à se retirer à Boston pendant que l'armée irait rejoindre le général Washington.[5]

Dispositions qu'il prend avec Barras

Il fallait en outre confier à l'escadre toute l'artillerie de siège, que l'armée, déjà chargée de son artillerie de campagne, n'aurait pas pu emmener. La jonction des deux escadres devenait ainsi plus difficile. M. de Rochambeau proposa à M. de Barras de tenir un conseil de guerre pour décider sur cette difficulté.

Réunion d'un conseil de guerre

C'est le 26 que ce conseil se réunit, M. de Lauzun était d'avis que la flotte se retirât à Boston; M. de Chastellux voulait qu'on la laissât à Rhode Island.[6] M. de la Villebrune déclara que si M. de Grasse devait venir, il fallait rester à Rhode Island pour faire avec lui une prompte jonction.[7]

L'opinion de Barras de rester devant Rhode Island prévaut

M. de Barras fit cette déclaration remarquable: «Personne ne s'intéresse plus que moi à l'arrivée de M. de Grasse dans ces mers. Il était mon cadet; il vient d'être fait lieutenant général. Dès que je le saurai à portée d'ici, je mettrai à la voile pour servir sous ses ordres; je ferai encore cette campagne; mais je n'en ferai pas une seconde.» Il opina du reste pour rester à Rhode Island, et son sentiment prévalut. M. de Lauzun fut chargé de porter la nouvelle de cette décision au général Washington, et il prétend dans ses mémoires que le général fut très-irrité que l'on prît une mesure si contraire à ce qui avait été convenu à Westerfield.[8]

Lettre de Rochambeau à de Grasse pour lui préciser les positions respectives de La Fayette et de Washington

M. de Rochambeau s'empressa alors d'écrire à M. de Grasse pour lui exposer la situation de La Fayette en Virginie et de Washington devant York. Il présenta comme son projet personnel une entreprise contre lord Cornwallis dans la baie de Chesapeak; il la croyait plus praticable et plus inattendue de l'ennemi. Pour atteindre ce but, il lui demanda de requérir avec instance le gouverneur de Saint-Domingue, M. de Bouillé, de lui accorder pour trois mois le corps de troupes qui était aux ordres de M. de Saint-Simon et destiné à agir de concert avec les Espagnols.

Il lui demande des secours en hommes et en argent

Il le priait aussi de lui expédier aussi vite que possible, sur la même frégate, avec sa réponse, une somme de 1 200 000 livres qu'il emprunterait aux colonies. Cette lettre partit avec la Concorde dans les premiers jours de juin.

Le 9 de ce mois, M. le vicomte de Noailles, qui était allé par curiosité à Boston, en était revenu ce même jour pour annoncer au général l'arrivée en cette ville du Sagittaire escortant un convoi de 633 recrues et de quatre compagnies d'artillerie, et portant 1 200 000 livres.[9]

Détails (de Cromot du Bourg) sur le parcours de l'armée

L'aide de camp de M. de Rochambeau, venu sur la Concorde, qui avait laissé ses effets sur le Louis-Auguste, de ce convoi, obtint la permission d'aller à Boston prendre ce qui lui était indispensable pour la campagne. Son manuscrit donne d'intéressants détails sur le pays que l'armée dut parcourir. [10]

Vioménil arrive à Providence

Cependant, le 10, les régiments de Bourbonnais et de Royal-Deux-Ponts partirent de Newport pour se rendre à Providence, où ils arrivèrent à dix heures du soir.[11] Le lendemain matin, 11, le régiment de Deux-Ponts alla camper sur la hauteur qui domine Providence, et les brigades de Soissonnais et de Saintonge, qui arrivèrent ce même jour, s'installèrent à sa gauche.

L'escadre restée à Newport n'avait plus pour la protéger que quatre cents hommes des recrues arrivées par le Sagittaire, trente hommes de l'artillerie et mille hommes des milices américaines, le tout sous le commandement de M. de Choisy.[12]

Mouvement des troupes alliées

«Le 16, le baron de Vioménil passa une revue d'entrée en campagne et l'armée se mit en marche dans l'ordre suivant:

«Le 18 juin, le régiment de Bourbonnais (M. de Rochambeau et M. de Chastellux); le 19, celui de Royal-Deux-Ponts (baron de Vioménil); le 20, le régiment de Soissonnais (le comte de Vioménil); le 21, le régiment de Saintonge (M. de Custine) ont successivement quitté le camp de Providence et, en conservant toujours entre eux la distance d'une journée de marche, ils ont campé, le premier jour à Waterman's Tavern, le second à Plainfield, le troisième à Windham, le quatrième à Bolton et le cinquième à Hartford.[13]

«Le 20, il déserta neuf hommes du régiment de Soissonnais et un de Royal-Deux-Ponts.[14]

Arrivé le 22 juin à Hartford, le régiment de Bourbonnais leva son camp le 25, celui de Deux-Ponts le 26, le régiment de Soissonnais le 27, et celui de Saintonge le 28.[15]

Pendant que ces mouvements s'opéraient, Lauzun, parti de Lebanon, couvrait la marche de l'armée, qui était à quinze milles environ sur sa droite.[16]

Projet de Rochambeau de rester à New-Town

M. de Rochambeau voulait masser ses forces à Newtown pour se diriger vers l'Hudson en colonnes plus, serrées; mais le 30 au soir, il reçut un courrier du général Washington qui le priait de ne pas séjourner à Newtown comme il en avait l'intention, et de hâter la marche de sa première division et de la légion de Lauzun.

Arrivée et prise de position à Bedford

La première division, formée de Bourbonnais et de Deux-Ponts, partit en effet de grand matin de Newtown, le 1er juillet, pour se rendre à Ridgebury; elle ne formait qu'une brigade. La seconde brigade, formée des régiments de Soissonnais et de Saintonge, partit le lendemain pour la même destination.[17]

Le 2 au matin, les grenadiers et les chasseurs de Bourbonnais partirent de Ridgebury pour Bedford, où ils arrivèrent après une marche assez pénible à travers un terrain accidenté.[18]

Washington ouvre la campagne le 26 juin

Le général américain avait ouvert la campagne le 26 juin. Combinant ses mouvements avec ceux de l'armée française, il quitta, à cette date, son quartier d'hiver de New Windsor et se porta sur Peekskill, où il devait opérer sa jonction avec M. de Rochambeau. Il apprit alors que le général Clinton avait divisé son armée en plusieurs corps et qu'il la dispersait autour de New-York. Il y avait en particulier un corps britannique qui s'était porté sur Westchester.[19]

Washington résout de les attaquer

Le général Washington résolut de le faire attaquer; il forma en conséquence une avant-garde de douze cents hommes aux ordres du général Lincoln, et il envoya à M. de Rochambeau le courrier que celui-ci avait reçu le 30 juin et qui avait fait hâter le départ des troupes de Newtown pour Bedfort et de Bedfort pour Northcastle, où elles devaient être prêtes à marcher au premier ordre. La dernière étape n'était que de cinq milles; mais la seconde brigade vint sans s'arrêter de Newtown à Northcastle et fit ainsi, dans la journée du 3 juillet, une marche de vingt milles. Les régiments de Soissonnais et de Saintonge n'avaient donc pas eu un seul jour de repos depuis leur départ de Providence.[20]

Relation de Lauzun sur cette attaque

Le duc de Lauzun raconte comme il suit la tentative qu'il fit, de concert avec le général Lincoln, pour surprendre le corps britannique qui était le plus voisin[21].

«Le 30 juin, après avoir reçu la lettre du général Washington, qui n'entrait dans aucun détail, M. de Rochambeau m'envoya chercher au milieu de la nuit, à quinze milles de Newtown, où il se trouvait[22]. Je me trouvai exactement au lieu prescrit, quoique l'excessive chaleur et de très-mauvais chemins rendissent cette marche très-difficile. Le général Washington s'y trouva fort en avant des deux armées et me dit qu'il me destinait à surprendre un corps de troupes britanniques campées en avant de New-York pour soutenir le fort de Knyphausen, que l'on regardait comme la clé des fortifications de New-York[23]. Je devais marcher toute la nuit pour les attaquer avant le point du jour. Il joignit à mon régiment un régiment de dragons américains (Sheldon), quelques compagnies de chevaux-légers et quelques bataillons d'infanterie légère américaine. Il avait envoyé par un autre chemin, à environ six milles sur la droite, le général Lincoln avec un corps de trois mille hommes pour surprendre le fort Knyphausen, que je devais empêcher d'être secouru. Il ne devait se montrer que lorsque mon attaque serait commencée, quand je lui ferais dire de commencer la sienne. Il s'amusa à tirailler avec un petit poste qui ne l'avait pas vu et donna l'éveil au corps que je devais surprendre. Ce corps rentra dans le fort, fit une sortie sur le général Lincoln, qui fut battu et qui allait être perdu et coupé de l'armée si je ne m'étais pas promptement porté à son secours.

«Quoique mes troupes fussent harassées de fatigue, je marchai sur les Britanniques; je chargeai leur cavalerie et mon infanterie tirailla avec la leur. Le général Lincoln en profita pour faire sa retraite en assez mauvais ordre. Il avait deux ou trois cents hommes tués ou pris et beaucoup de blessés[24]. Quand je le vis en sûreté, je commençai la mienne, qui se fit très-heureusement, car je ne perdis presque personne.

Jonction avec Rochambeau

«Je rejoignis le général Washington, qui marchait avec un détachement très-considérable de son armée au secours du général Lincoln, dont il était très-inquiet; mais ses troupes étaient tellement fatiguées qu'elles ne pouvaient aller plus loin. Il montra la plus grande joie de me revoir et voulut profiter de l'occasion pour faire une reconnaissance de très-près sur New-York. Je l'accompagnai avec une centaine de hussards; nous essuyâmes beaucoup de coups de fusil et de coups de canon, mais nous vîmes tout ce que nous voulions voir. Cette reconnaissance dura trois jours et trois nuits et fut excessivement fatigante, car nous fûmes jour et nuit sur pied et nous n'eûmes rien à manger que les fruits que nous rencontrâmes le long du chemin[25].

Mouvements et attaques diverses du 5 juillet au 14 août

Le 5 juillet, le général Washington, de retour de sa reconnaissance sur New-York, vint voir les troupes françaises au camp de Northcastle ; il conféra avec M. de Rochambeau et dîna avec lui et son état-major. Il repartit le soir même.

Le 6 juillet, l'armée française quitta North-Castle pour aller à dix-sept milles de là se joindre à l'armée américaine, campée à Philipsburg. La route était assez belle, mais la chaleur était si excessive qu'elle se fit très-péniblement ; plus de quatre cents soldats tombèrent de fatigue, mais à force de haltes et de soins on arriva à bon port. Deux hommes du régiment de Deux-Ponts désertèrent.[26]

Le 8, le général Washington passa en revue les deux armées. L'armée américaine, qu'il visita la première, était composée de 4 500 hommes au plus, parmi lesquels on comptait de très-jeunes gens et beaucoup de nègres.[27] Le général américain voulut visiter la tente que Dumas, Charles de Lameth et les deux Berthier avaient installée près du quartier général de M. de Béville, dans une position très-agréable, entre des rochers et sous de magnifiques tulipiers. Ils avaient aussi organisé un joli jardin autour de leur habitation provisoire. Washington trouva sur la table des jeunes officiers le plan de Trenton, celui de Westpoint et quelques autres des principales actions de cette guerre où Washington s'était signalé.

Le 10 juillet au soir, le Romulus et trois frégates, aux ordres de M. de Villebrune, partis de Newport, avancèrent dans le Sund jusqu'à la baie de Huntington. [28]

Le 11, le général Washington visita la légion de Lauzun, campée à Chatterton-Hill, à deux milles sur la gauche. Les Américains furent très-satisfaits de sa tenue.

Le 12, M. de Rochambeau, suivi d'un aide de camp[29], voulut voir les ouvrages que les Américains construisaient à Dobb's-ferry pour défendre le passage de la rivière du Nord. Il trouva une redoute et deux batteries en très-bonne voie, sous la direction de M. Du Portail. Puis, en s'en retournant, il parcourut les postes des deux armées.

Le 14, M. de Rochambeau, à l'issue d'un dîner chez le général Lincoln auquel assistaient le général Washington, MM. de Vioménil, de Chastellux, de Lauzun et Cromot du Bourg, donna à ses troupes l'ordre de se mettre en marche. La 1re brigade (Bourbonnais et Deux-Ponts), la grosse artillerie et la légion de Lauzun se disposèrent à partir.[30]

Le 15, à neuf heures du soir, on entendit du côté de Tarrytown quelques coups de canon suivis d'une vive fusillade. Aussitôt M. le marquis de Laval fit battre la générale et tirer deux coups de canon d'alarme. En un instant l'armée fut sur pied; mais M. de Rochambeau fit rentrer les soldats au camp. Washington lui demanda, une heure après, deux cents hommes avec six canons et six obusiers; mais au moment où cette artillerie allait partir elle reçut encore contre-ordre. Le lendemain matin, à cinq heures, même alerte suivie d'une nouvelle demande de deux canons de douze et de deux obusiers.[31] M. de Rochambeau avait chargé pendant ce temps MM. de Neuris et de Verton, officiers d'artillerie, d'établir une petite batterie de deux pièces de canons et deux obusiers à Dobb's ferry, sur le point le plus étroit de la rivière. Les frégates durent passer devant ce poste, le 19, pour retourner à King's Bridge. Elles furent énergiquement reçues.[32]

Dans la nuit du 17 au 18, un officier de la légion de Lauzun, M. Hartman, en faisant une patrouille avec six hussards, fut tué dans une rencontre avec quelques dragons de Delancey.[33]

Le 18, M. de Rochambeau employa Dumas son aide de camp à faire des reconnaissances du terrain et des débouchés en avant du camp vers New-York; il lui ordonna de les pousser aussi loin que possible, jusqu'à la vue des premières redoutes de l'ennemi. Il lui donna, dans ce but, un détachement de lanciers de la légion de Lauzun à la tête duquel était le lieutenant Kilmaine[34]. Grâce au courage et à l'intelligence de ce jeune officier, Dumas put s'acquitter parfaitement de sa mission. Après avoir fait replier quelques petits postes de chasseurs hessois, ils arrivèrent jusqu'à une portée de carabine des ouvrages ennemis, et ils rejoignirent en ce point un détachement d'infanterie légère américaine qui avait de même exploré le terrain sur la droite.[35]

C'est le 21, à huit heures du soir, que l'on partit pour cette opération[36]. La retraite servit de générale et l'on se mit en marche dans l'ordre qu'on avait pris le 14. La première brigade, les grenadiers et les chasseurs des quatre régiments, deux pièces de douze et deux de quatre marchaient au centre sous la conduite de M. de Chastellux.[37] Pendant ce temps M. de Rochambeau et le général Washington s'avançaient pour reconnaître les forts. Ils traversèrent ensuite le creek d'Harlem et continuèrent leurs explorations toujours sous le feu des postes ennemis et des forts. Puis, ils repassèrent la rivière, revinrent sur leur route du matin et poussèrent en avant, le long de l'île, jusqu'à la hauteur de New-York. [38]

Pendant ce temps, les aides de camp faisaient chacun de leur côté leurs reconnaissances particulières[39]. La légion de Lauzun forçait à se replier les postes ennemis et leur enlevait un assez grand nombre de prisonniers.

Le 23, on remonta à cheval à cinq heures du matin pour continuer ce travail. On reconnut d'abord la partie de Long Island qui est séparée du continent par le Sound; on retourna à Morrisania revoir une partie de l'île d'York qui n'avait point été suffisamment examinée la veille; puis les généraux revinrent vers leurs troupes.[40]

L'armée rentra dans son camp à Philipsburg le 23, à onze heures du soir.

«Cette reconnaissance[41] fui faite avec tout le soin imaginable, nous avons essuyé six, ou sept cents coups de canon qui ont coûté deux hommes aux Américains. Nous avons fait aux Britanniques vingt ou trente prisonniers et tué quatre ou cinq hommes. [42]

Du 23 juillet au 14 août l'armée resta paisible dans son camp de Philipsburg. La légion de Lauzun avait seule un service très-actif et très-pénible.

La célérité de la marche des troupes françaises et leur discipline eurent un grand succès auprès des Américains. La jonction des armées alliées eut tout l'effet qu'on pouvait en attendre. Elle retint à New-York le général Clinton, qui avait l'ordre de s'embarquer avec un corps de troupes pour séparer Washington de La Fayette et réduire le premier à la rive gauche de l'Hudson. Elle contribua à faire rétrograder lord Cornwallis de la pointe qu'il avait faite dans l'intérieur de la Virginie, pour aller à la baie de Chesapeak fixer et fortifier, suivant les mêmes instructions, un poste permanent. C'est peu de jours après la jonction des troupes devant Philipsburg que les généraux français et américains apprirent que Cornwallis se repliait par la rivière James sur Richmond, où La Fayette vint l'assiéger[43].

Notes

  1. Le meurtrier tenta en vain de se noyer; il fut jugé, eut le poignet coupé et fut pendu. Bien que frappé de plusieurs coups de sabre, M. la Barolière se rétablit.
  2. Tout en lui conseillant de mettre en sûreté à Boston cette petite flotte, pendant qu'il ferait telle ou telle expédition qu'on lui désignait, on le laissait libre de combiner avec le général Washington toute entreprise qu'ils jugeraient utile et qui pourrait être protégée par la flotte du comte de Grasse pendant la courte station que cet amiral avait ordre de faire dans ces parages. Il parait certain pour Thomas Balch que ce plan avait été combiné et arrêté à la cour de Versailles, et que c'est à M. de Rochambeau, bien plutôt qu'à M. de Grasse, que l'on doit attribuer le mérite d'avoir concentré, par une habile tactique, tous les efforts des forces alliées sur York. Ce serait donc à lui que reviendrait la plus grande part de gloire dans le succès de cette campagne, qui décida du sort des États-Unis.
  3. Il savait que le général Clinton s'était fort affaibli par les détachements qu'il avait successivement envoyés dans le Sud, et il ne croyait pas que la barre de Sandy Hook fût aussi difficile à franchir qu'on le disait depuis la tentative faite par le comte d'Estaing deux ans auparavant.
  4. Washington comprit alors la justesse des idées de M. de Rochambeau. Quant à M. de Chastellux, il s'exprimait en termes fort peu convenables sur le compte de M. de Rochambeau. Il prétendait l'avoir gagné aux idées du général Washington.
  5. Le port de Boston n'était, il est vrai, qu'à trente lieues de Newport, par terre; mais, par mer, il en était à plus de cent, à cause du trajet qu'il fallait faire pour tourner les bancs de Nantucket; d'ailleurs les vents soufflaient plus habituellement du Nord.
  6. M. de Lauzun, en parlant de la discussion qui s'ensuivit, trouve dans la contradiction de Chastellux une raison suffisante pour dire qu'il n'avait pas de jugement.
  7. «Mais s'il n'y vient pas, ajouta-t-il, nous nous écartons des ordres du Conseil de France et nous prenons sur nous de nous exposer à des événements fâcheux.»
  8. Le rapport de Lauzun semble suspect à Thomas Balch, et il pourrait bien ne traduire sur ce point que son propre ressentiment d'avoir vu écarter son avis.
  9. Cette flottille était partie trois jours avant la Concorde. Elle arrivait cependant un mois plus tard. Après avoir suivi jusqu'aux Açores les flottes de MM. de Grasse et de Suffren, cette frégate s'était détachée et avait eu à subir des mauvais temps et la poursuite des ennemis. Il manquait trois navires au convoi: la Diane, le Daswout et le Stanislas. Les deux premiers rentrèrent peu de jours après; mais le dernier avait été pris par les Britanniques.
  10. «De Newport, je fus coucher à Warren, petit village assez joli qui n'est qu'à dix-huit milles de Newport dans le continent. On y a construit quelques petits bâtiments marchands avant la guerre, et il y en a encore de commencés qui vont en pourriture. Je fus reçu à mon auberge par le maître, M. Millers, qui est officier au service du Congrès, et par son frère, qui commandait l'année dernière toutes les milices à Rhode-Island. Ils sont tous deux extrêmement gros. «Le 10 juin, je partis à quatre heures du matin de Warren, bien empressé d'arriver à Boston. Je ne puis dire assez combien je fus étonné du changement que je trouvai dans les endroits où j'étais passé il y avait environ six semaines. La nature s'était renouvelée; les chemins étaient raccommodés; je me croyais absolument dans un autre pays. «Le 12, après avoir été chercher mes effets sur le Louis-Auguste dans le port de Boston, j'allai me promener à Cambridge, petite ville à trois milles de là. C'est un des plus jolis endroits qu'il soit possible de voir; il est situé au bord de la rivière de Boston, sur un terrain très-fertile, et les maisons sont très-jolies. A une extrémité de la ville, sur une pelouse verte très-considérable, il y a un collège qui prend le titre d'Université; c'est un des plus beaux de l'Amérique; il compte environ cent cinquante écoliers qui apprennent le latin et le grec. Il y a une bibliothèque considérable, un cabinet de physique rempli des plus beaux et des meilleurs instruments, et un cabinet d'histoire naturelle qui commence à se former. Le 13 au matin, avant de partir de Boston, je fus à cinq milles voir la petite ville de Miltown, où il y a une papeterie assez considérable et deux moulins à chocolat. La rivière qui les fait mouvoir forme au-dessus une espèce de cascade assez jolie. La vue, du haut de la montagne du même nom, ne laisse pas que d'être belle. «Le 14, je partis de Boston; mais avant de quitter cette ville, que je ne devais peut-être plus revoir, je voulus faire connaissance avec le beau sexe. Il y a deux fois par semaine une école de danse où les jeunes personnes s'assemblent pour danser depuis midi jusqu'à deux heures. J'y fus passer quelques instants. Je trouvai la salle assez jolie, quoique les Britanniques, en abandonnant la ville, eussent cassé ou emporté une vingtaine de glaces. Je trouvai les femmes très-jolies, mais très-gauches en même temps; il est impossible de danser avec plus de mauvaise grâce, ni d'être plus mal habillées bien qu'avec un certain luxe (Il est bon de comparer ce jugement à celui que prononça le prince de Broglie deux ans plus tard, à propos d'une fête donnée à Boston.). «Je partis le soir pour Providence et fus coucher à Deadham, où je trouvai les sept cents hommes de remplacement qui étaient venus par le convoi et qui allaient joindre l'armée (D'après le Mercure de France, le nombre exact des recrues était de 633).»
  11. La journée était trop avancée pour qu'il fût possible de marquer le camp, de s'y établir et de prendre la paille et le bois nécessaires. Le baron de Vioménil, qui conduisait cette portion de l'armée, obtint pour ce soir-là, des magistrats de la ville, la disposition de quelques maisons vides où l'on coucha les soldats.
  12. «Providence est une assez jolie petite ville, très-commerçante avant la guerre. Il n'y a de remarquable qu'un magnifique hôpital (Journal de Cromot du Bourg). L'armée y resta campée huit jours. Ce temps lui fut nécessaire pour rassembler les chevaux de l'artillerie, de l'hôpital ambulant, les wagons pour les équipages, les bœufs qui devaient les traîner, et pour recevoir les recrues dont on avait envoyé une partie à M. de Choisy.
  13. Ces étapes sont distantes de quinze milles. Les chemins étaient très-mauvais et l'artillerie avait peine à suivre; les bagages restèrent en arrière. «À Windham, l'armée campa dans un vallon entouré de bois où le feu prit bientôt, on ne sait par quelle cause; on employa de suite trois cents hommes à l'éteindre; mais ils ne purent y parvenir. Le feu ne dévorait du reste que les broussailles et n'attaquait pas les gros arbres. Cet accident, qui serait effrayant et causerait un véritable désastre dans d'autres pays, est vu avec indifférence par les Américains, dont le pays est rempli de forêts. Ils en sont même quelquefois bien aises, car cela leur évite la peine de couper les arbres pour défricher le sol.
  14. «L'hôte de M. de Rochambeau à Bolton était un ministre qui avait au moins six pieds trois pouces. Il se nommait Colton, et il offrit à la femme d'un grenadier de Deux-Ponts, à son passage, d'adopter son enfant, de lui assurer sa fortune et de lui donner pour elle une trentaine de louis; mais elle refusa constamment toutes ses offres.» Journal de Cromot du Bourg.
  15. Ils allèrent camper le premier jour à Farmington (12 milles), le second jour à Baron's Tavern (13 milles), le troisième jour à Break-neck (13 milles), et le quatrième jour à Newtown (13 milles). La route était meilleure et plus découverte; les stations étaient très-agréables, sauf Break-neck, qui semble fort bien nommé (casse-cou), à cause de son accès difficile et de son manque de ressources. L'artillerie ne put y arriver que très-tard. M. de Béville et l'adjudant Dumas marchaient en avant et préparaient les logements.
  16. La manière dont on établissait les divers camps depuis le départ de Newport n'avait d'autre but que de faire le plus de chemin possible sans trop d'embarras et de fatigue; on était encore trop loin de l'ennemi pour avoir d'autres précautions à prendre que celles qu'exigeaient le service des approvisionnements et la discipline. Mais, une fois qu'on fut à Newtown (Assez jolie petite ville habitée par des tories. Cromot du Bourg), on eût été coupable de négligence si on avait continué à témoigner la même confiance dans l'impossibilité des tentatives de l'ennemi.
  17. La route, longue de quinze milles, était montueuse et difficile; deux hommes de Bourbonnais désertèrent.
  18. La route parcourue était de quinze milles. À Bedford, ce détachement se joignit à la légion de Lauzun, qui avait marché jusque-là sur le flanc gauche de l'armée, et qui maintenant prit position en avant de Bedfort dans une forte situation. Il y avait en outre, comme poste avancé, un corps de cent soixante cavaliers américains de la légion de Sheldon que le général Washington avait envoyés pour coopérer avec la légion de Lauzun à une expédition contre les Britanniques.
  19. La veille de l'arrivée des troupes françaises à Bedfort, un parti de dragons britanniques de ce corps avait brûlé quelques maisons en avant de ce village.
  20. Il est vrai que MM. de Custine et le vicomte de Noailles prêchèrent d'exemple en marchant à pied à la tête de leur régiment.
  21. Ce récit est celui qui a paru le plus véridique et le plus propre à concilier entre elles les diverses relations que l'on a données de cette attaque d'avant-garde pour Thomas Balch.
  22. M. de Lauzun était campé en ce moment à Bridgefield.
  23. Ce corps était commandé par Delancey.
  24. Guillaume de Deux-Ponts dit dans ses Mémoires : quatre-vingts tués ou blessés; mais il n'y était pas et répète seulement ce qu'on disait. Les chiffres de Lauzun paraissent pourtant exagérés.
  25. Le récit de cette petite affaire, donné par d'autres écrivains, n'est pas tout à fait conforme à celui-ci; mais nous pensons que personne mieux que Lauzun n'était à même de savoir ce qui s'était passé. Ainsi, MM. Fersen et de Vauban, aides de camp de M. de Rochambeau, qui avaient reçu de leur général la permission de suivre la légion de Lauzun dans son expédition, revinrent le 4 au camp de North-Castle et racontèrent ce qui s'était passé. Ils dirent que le corps de Delancey, qu'on espérait surprendre à Morrisania, se trouvait à Williamsbridge, prévenu de l'attaque dont il était menacé. Ils n'évaluaient les pertes du corps de Lincoln qu'à quatre tués et une quinzaine de blessés. (Journal de Cromot du Bourg.)
  26. La droite des armées alliées, que formaient les Américains, était postée sur une hauteur très-escarpée qui dominait l'Hudson, appelé en cet endroit Tappansee. Entre les deux armées coulait un ruisseau au fond d'un ravin; enfin les deux brigades de l'armée française formaient la gauche de la ligne, qui était protégée par la légion de Lauzun, campée à quatre milles, dans White-plains. Toutes les avenues étaient garnies de postes.
  27. Ils n'avaient pas d'uniformes et paraissaient assez mal équipés. Ils faisaient sous ce rapport un grand contraste avec l'armée française, dont le général Washington parut très-satisfait. Seul le régiment de Rhode-Island parut aux officiers français d'une belle tenue.
  28. Le vaisseau de garde, que l'on estimait de quarante-quatre canons, se retira à leur approche, et les autres petits bâtiments se réfugièrent dans la baie. Les pilotes, peu au fait de leur métier, n'osèrent pas entrer la nuit, ce qui obligea M. d'Angely, commandant deux cent cinquante hommes qui étaient à bord, de remettre au lendemain l'attaque qu'il voulait faire contre le fort Lloyd's à la pointe d'Oyster-bay. Pendant la nuit les Britanniques avaient pu prendre des dispositions qui firent échouer l'entreprise; le débarquement eut lieu; mais le fort était mieux gardé qu'on ne s'y attendait. Il y avait quatre cents hommes. M. d'Angely fut obligé de se retirer après une canonnade et un feu de mousqueterie assez vif qui blessa quatre hommes. Il se rembarqua et retourna à Newport.
  29. Cromot du Bourg.--C'est d'après son _Journal_ que je raconte la plupart des événements qui se passèrent pendant le séjour des armées alliées devant New-York. Les Souvenirs de Dumas, Mes Campagnes en Amérique, de Guillaume de Deux-Ponts et le Journal de Blanchard m'ont servi surtout à contrôler et à compléter ces récits.
  30. Il faisait un temps affreux. La retraite devait servir de générale; mais à sept heures il y eut contre-ordre sans qu'on pût s'expliquer les causes de cette alerte ni celles du contre-ordre.
  31. Cette fois, G. de Deux-Ponts partit en avant pour Tarrytown, et Cromot du Bourg, qui était de service auprès de M. de Rochambeau, fut chargé de conduire l'artillerie. Il s'acquitta avec empressement de cette mission, car il allait au feu pour la première fois. Les canons arrivèrent à Tarrytown à onze heures. La cause de toutes ces alertes était deux frégates britanniques et trois schooners qui avaient remonté l'Hudson et essayé de s'emparer des cinq bâtiments chargés de farines que l'on transportait des Jerseys à Tarrytown pour l'approvisionnement de l'armée. Un autre bâtiment avait été déjà pris pendant la nuit, il contenait du pain, pour quatre jours, destiné aux Français. Par suite de cette perte le soldat fut réduit à quatre onces de pain. On lui donna du riz et un supplément de viande, et il soutint cette contrariété passagère avec la gaieté et la constance dont ses officiers lui donnaient l'exemple. Il y avait sur le même bateau enlevé par les Britanniques des habillements pour les dragons de Sheldon. Les frégates avaient mis ensuite leur équipage dans des chaloupes pour opérer un débarquement et prendre le reste des approvisionnements à Tarrytown; mais un sergent de Soissonnais qui gardait ce poste avec douze hommes fit un feu si vif et si à propos que les Britanniques durent rester dans leurs chaloupés. Une demi-heure après vinrent les Américains, qui y perdirent un sergent et qui eurent un officier blessé. Les quatre pièces d'artillerie françaises arrivèrent heureusement sur ces entrefaites; on les mit de suite en batterie et elles tirèrent une centaine de coups qui firent éloigner les frégates. Elles restèrent en vue pendant les journées du 17 et du 18.
  32. Deux obus portèrent à bord de l'une d'elles et y mirent le feu. Un prisonnier français qui s'y trouvait en profita pour s'échapper; mais bientôt la frayeur poussa sept matelots à se jeter aussi à l'eau. Quelques-uns furent noyés, trois furent faits prisonniers et les autres regagnèrent la frégate sur laquelle le feu était éteint.
  33. Il s'ensuivit une alerte. Les hussards ripostèrent par des coups de pistolets, et l'infanterie s'avançait déjà pour les soutenir lorsque les dragons disparurent à la faveur des bois et de la nuit. Une circonstance singulière contribua dans cette échauffourée à jeter l'alarme dans le camp français. Au moment où M. Hartmann fut tué, son cheval s'en retourna seul, à toute bride, vers le camp de la légion de Lauzun. Le hussard en vedette ne sachant pas ce que c'était, lui cria trois fois, qui vive ; enfin, voyant qu'il ne recevait pas de réponse, il lui tira un coup de fusil qui étendit raide mort le malheureux cheval.
  34. Devenu depuis général. Les plaisants aimaient à rapprocher son nom de celui de Lannes, et disaient: «Voilà Lannes et voici Kilmaine (qui le mène).»--Voir aux Notices biographiques.
  35. L'objet de ces reconnaissances était de préparer celle que les généraux en chef se disposaient à faire peu de jours après avec un gros détachement pour fixer plus spécialement l'attention du général Clinton et ne lui laisser aucun doute sur l'intention des généraux alliés.
  36. Les détails qui suivent sont en accord avec ceux que donne le journal de Washington cité par Sparks, VIII, p. 109.
  37. La droite, commandée par le général Heath, était formée par une partie de la division du général Lincoln. La légion de Lauzun protégeait l'armée à gauche. Il y avait en tout environ cinq mille hommes avec deux batteries de campagne. La tête des colonnes arriva le 22, à cinq heures du matin, sur le rideau qui domine King's bridge. Les chemins étaient très-mauvais et l'artillerie avait peine à suivre. Cependant les deux armées marchaient dans un ordre parfait en observant le plus grand silence. Un régiment américain marcha résolument, sous un feu nourri, pour s'emparer d'une redoute. Un de ses officiers eut la cuisse emportée.
  38. Quelques frégates installées dans la rivière du Nord leur envoyèrent des boulets qui ne firent aucun mal. Ils rabattirent ensuite sur Morrisania, où le feu de l'ennemi fut encore plus vif. Le comte de Damas eut un cheval tué sous lui. Les généraux rentrèrent enfin dans leurs lignes après être restés vingt-quatre heures à cheval.
  39. C'est à cette occasion que furent réalisées plusieurs cartes du nord de l'île de Manhattan, telle la "Reconnoissance des ouvrages du nord de l'Isle de Newyork dont on a déterminé géometriquement les principaux points le 22 et le 23 juillet" (en ligne sur le site de la bibliothèque du Congrès américain, dans la collection Rochambeau) ou la "Reconnoissance des ouvrages du nord de l'isle de Newyork faite en présence des Généraux Washington et Rochambeau soutenus par un corps de 5 000 hommes le 22 et 23 juillet 1781", par Edouard Colbert, comte de Maulevrier (bibliothèque Clements Library Associates).
  40. «Nous fîmes dans cette reconnaissance, dit Rochambeau, l'épreuve de la méthode américaine pour faire passer à la nage les rivières aux chevaux en les rassemblant en troupeau à l'instar des chevaux sauvages. Nous avions passé dans une île qui était séparée de l'ennemi, posté à Long-Island, par un bras de mer dont le général Washington voulut faire mesurer la largeur. Pendant que nos ingénieurs faisaient cette opération géométrique, nous nous endormîmes, excédés de fatigue, au pied d'une haie, sous le feu du canon des vaisseaux de l'ennemi, qui voulait troubler ce travail. Réveillé le premier, j'appelai le général Washington et lui fis remarquer que nous avions oublié l'heure de la marée. Nous revînmes vite à la chaussée du moulin sur laquelle nous avions traversé ce petit bras de mer qui nous séparait du continent; elle était couverte d'eau. On nous amena deux petits bateaux dans lesquels nous nous embarquâmes avec les selles et les équipages des chevaux; puis on renvoya deux dragons américains qui tiraient par la bride deux chevaux bons nageurs; ceux-ci furent suivis de tous les autres excités par les coups de fouet de quelques dragons restés sur l'autre bord et à qui nous renvoyâmes les bateaux. Cette manoeuvre dura moins d'une heure; mais heureusement notre embarras fut ignoré de l'ennemi.»
  41. Journal de Cromot du Bourg
  42. Il leur a été pris aussi une soixantaine de chevaux. Je ne peux trop répéter combien j'ai été surpris de l'armée américaine; il est inimaginable que des troupes presque nues, mal payées, composées de vieillards, de nègres et d'enfants, marchent aussi bien et en route, et au feu. J'ai partagé cet étonnement avec M. de Rochambeau lui-même, qui n'a cessé de nous en parler pendant la route en revenant. Je n'ai que faire de parler du sang-froid du général Washington; il est connu; mais ce grand homme est encore mille fois plus noble et plus beau à la tête de son armée que dans tout autre moment.»
  43. Le général britannique Philips mourut le 13 mai 1781. Il était très-malade dans son lit, à Petersburg, lorsqu'un boulet de canon parti des batteries de La Fayette traversa sa chambre sans l'atteindre toutefois. Coïncidence bizarre, ce même général commandait à Minden la batterie dont un canon avait tué le père de La Fayette. (Mémoires de La Fayette.) Maryland Papers 133-143, correspondance entre Philips et Weedon. Arnold fut accusé dans l'armée britannique d'avoir empoisonné le général Philips. (Mercure de France, sept. 1781, p. 160.) Voir aussi The Bland Papers, par Charles Campbell, Petersburg, 1848, II, 124.

Source

Thomas Balch, Les Français en Amérique pendant la guerre de l’Indépendance des États-Unis 1777-1783, 1872 [détail de l’édition]

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