Classes préparatoires littéraires

Classes préparatoires littéraires
Le lycée Louis-le-Grand, où sont nées les premières classes préparatoires littéraires.

Les classes préparatoires littéraires constituent en France une des quatre filières des classes préparatoires aux grandes écoles -- les trois autres étant la filière économique et commerciale, la filière scientifique et la filière technologique. Elles préparent en deux ans aux concours littéraires d'admission des Écoles normales supérieures, au concours B de l'École nationale des chartes (la section A se prépare dans des classes préparatoires spécifiques, voir Classe préparatoire à l'École des chartes), aux concours des écoles supérieures de commerce et de gestion et aux concours de certains Instituts d'études politiques.

En argot scolaire, khâgne est le surnom qui fut donné en raillerie à ces classes préparatoires, par les élèves préparant les écoles militaires (voir plus bas). Le terme désigne plus précisément la deuxième année qui, officiellement Première Supérieure, était autrefois la seule qui existait. La première année (officiellement Lettres Supérieures), qui s'est intercalée entre la Terminale et la Première Supérieure, fut baptisée hypokhâgne (du grec hypo, « en-dessous »).

Sommaire

Historique

Le lycée Henri-IV, à l'origine de la répartition du cursus en deux ans.

Jusque vers 1890, les bacheliers préparaient le concours de l'École normale supérieure en retournant en classe de rhétorique (actuelle classe de Première) avec les élèves non-bacheliers, où les professeurs leur donnaient des exercices plus difficiles qu'aux autres. Le lycée Louis-le-Grand créa une classe spéciale pour regrouper ces élèves de première « vétérans » : la classe de Première supérieure (ou rhétorique supérieure, ou rhétosup). Le lycée Henri-IV ajouta ensuite la classe de Lettres supérieures (Lettres sup) avant la Première supérieure. La classe de Lettres supérieures puis celle de Première supérieure constituaient désormais une préparation à l'ENS sous forme d'une prolongation en deux ans des études en lycée, après la classe de rhétorique (Première) et la classe de philosophie (actuelle Terminale). Ce système finit par devenir la règle au cours des années 1930.

Origine du nom Khâgne

Être cagneux, c'est avoir les genoux tournés en dedans (pieds écartés, genoux rapprochés). Dans la seconde moitié du XIXe siècle, ce mot de cagneux a été utilisé pour se moquer des universitaires, répétiteurs, professeurs ou autres normaliens, férus d'études classiques, toujours plongés dans leurs livres. Par exemple, le 21 février 1866, Edmond de Goncourt note :

« Je remarque que les fougueux célébrateurs du nu, des vieilles civilisations athlétiques et gymnastiques, sont en général de cagneux universitaires, au pauvre et étroit torse, enfermé dans un gilet de flanelle. »

En 1869, dans Le testament d'un blagueur, Vallès écrit :

« Il y en a en tuniques à collets verts, ce sont les normaliens; ils ont sur le crâne et au flanc un claque et une épée ! Une épée ! non, c'est sans doute dans ce fourreau de cuir qu'on place une plume d'oie à la barbe triste et au bec sale, la plume des cuistres ! Pourquoi une épée ? En voici un dans cet uniforme qui est cagneux, boiteux et tire la patte. Donnez-lui donc des béquilles plutôt ! »

Comme le précise Pierre Vidal-Naquet dans le premier tome de ses mémoires, c'est quand les premières classes de rhétorique supérieure (ancêtre de la première supérieure) sont créées que les cornichons, qui font de l'équitation et de l'escrime pour préparer l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, se mettent à utiliser cette moquerie à l'encontre des élèves de rhétosup, qui se consacrent à des activités intellectuelles et seront plus tard universitaires et professeurs. De là, les cagneux, puis la cagne. Les littéraires se mettent alors eux-mêmes à employer cette dénomination, mais vers les années 1910, élaborent l'orthographe pseudo-grecque khâgneux et khâgne, afin de la faire apparaître plus savante et d'occulter sa réelle signification.

Si la plupart des classes préparatoires françaises possèdent leurs traditions, la mythologie de la Khâgne est sans doute une des plus riches[1], même si l'ancienneté réelle de ces pratiques est sujette à débat. Citons entre autres : la tendance à ajouter des racines pseudo-grecques ou pseudo-latines aux termes (khâgneux, khrâssage, khôlle, Mestre... On retrouve déjà cette pratique chez Alfred Jarry) ou la déesse fictive de la Khâgne, Vara (ou Whara, de varus, a, um, "cagneux" en latin), la chouette d'Athéna, symbole de sagesse, dont la figure orne les livres des éditions des Belles Lettres. Le bizûthage, parfois appelé "intrônisation" ou "thyrrhonâge", varie d'un établissement à l'autre, et est en voie de disparition du fait de l'interdiction nationale.

Typologie

Il existe deux types d'hypokhâgne : l'Hypokhâgne A/L qui amène de façon indifférenciée à une Khâgne A/L-Ulm ou à une Khâgne LSH-Lyon ainsi que l'Hypokhâgne B/L qui n'amène qu'à la Khâgne B/L. Il existe donc trois grands types de khâgnes : les khâgnes B/L, les khâgnes Ulm ou A/L et les khâgnes Lyon ou LSH, chacune préparant respectivement un des trois types de concours suivants :

  • la banque commune d'épreuves de Sciences Sociales des 3 ENS (ENS section B/L, ENS de Cachan section Sciences sociales, ENS de Lyon série Sciences Économiques et Sociales),
  • le concours A/L de l'ENS (Ulm),
  • et le concours Lettres et sciences humaines séries Lettres et Arts, Langues Vivantes, et Sciences Humaines de l'ENS de Lyon.

Depuis la session 2009, une banque d'épreuves littéraires (BEL) a été mise en place pour rapprocher les épreuves écrites des deux ENS Ulm et ENS de Lyon, l'École nationale des Chartes et, à plus ou moins court terme, faire adhérer d'autres écoles au système (écoles de commerce et de management, IEP, etc.) La traduction concrète de cette réforme est qu'il désormais possible aux étudiants de présenter les concours des deux ENS Ulm et Lyon (et les trois ENS pour les spécialistes d'anglais) quel que soit le type de khâgne dans lequel ils suivent leurs études. L'adhésion d'autres écoles à la BEL est en cours de négociation, mais l'ISMaPP a rejoint la banque commune dès la première session en 2009 et l'École nationale des Chartes en 2010.

Outre ces grands groupes d'épreuves auxquels les trois khâgnes respectives sont appelées à préparer leurs étudiants, il existe d'autres concours spécifiques auxquels certaines catégories d'élèves peuvent prétendre : le concours Anglais de l'ENS de Cachan pour les khâgneux LSH spécialisés en Anglais, les écoles de commerce, etc.

Khâgnes de Lettres et Sciences sociales (B/L)

Article détaillé : Khâgne B/L.

Une première distinction se fait entre les khâgnes de Lettres dites A/L ou LSH et les khâgnes de Lettres et Sciences Sociales dites «B/L», qui dispensent un enseignement supplémentaire en mathématiques et en sciences sociales, mais où la géographie, le latin, la langue vivante B sont facultatifs (en philosophie, en français et en histoire, l'enseignement des B/L n'est pas similaire à celui des autres khâgnes : aucun programme en philosophie et en Français n'est proposé, l'histoire est contemporaine (monde 1914 à nos jours et France 1870 à nos jours)). Ces khâgnes préparent au concours B/L (« lettres et sciences sociales ») de l'École normale supérieure, rue d'Ulm à Paris (25 postes au concours), le concours Sciences Sociales de l'ENS de Cachan (17 postes), et le concours de l'ENS de Lyon série SES (5 postes).

Khâgnes de Lettres (A/L-Ulm et Lyon-LSH)

Parmi les autres khâgnes, celles de Lettres, on distingue les khâgnes modernes (ou khâgnes Lyon-LSH) et les khâgnes classiques (ou khâgnes A/L ou khâgnes Ulm).

  • Khâgne A/L (lorsqu'on l'oppose à la khâgne B/L) ou khâgne classique (lorsqu'on l'oppose à la khâgne moderne aussi dite khâgne LSH). Elle prépare au concours « A/L » de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Sa singularité réside dans son caractère généraliste et dans l'absence de programmes pour certaines disciplines (en voie de disparition : programme commun en Français ; Histoire ; LVA ; Philosophie avec l'ENS de Lyon). Toutes les matières du concours se passent à la fois à l'oral et à l'écrit. Les six épreuves écrites sont affectées du même coefficient : une composition française sur programme, des dissertations de philosophie et d'histoire contemporaine sur programme, une version de langue ancienne, une version et commentaire d'un texte en langue vivante, et une épreuve d'option. A l'oral, les épreuves d'explication française, de philosophie, de langue étrangère et de langue ancienne sont dépourvues de programme et le programme d'histoire est plus large. Les épreuves d'option, elles, sont soumises à des programmes spécifiques. (pour le détail des options proposées, voir plus bas). Environ 2 000 élèves par an suivent cette formation.
  • Khâgne LSH ou Khâgne Lyon (autrefois khâgne Fontenay ou khâgne Cloud, du nom des deux anciennes ENS de Saint-Cloud [garçons] et de Fontenay-aux-Roses [jeunes filles]), aussi appelée khâgne moderne (lorsqu'on l'oppose à la khâgne classique. Elle prépare au concours de l'ENS de Lyon. Cette école est plus récente et moins célèbre que celle de la rue d'Ulm. Mais dans certains domaines de recherche (sciences exactes et expérimentales) elle est mieux classée que l'ENS Paris[2]. L'enseignement obligatoire inclut la géographie et non les langues anciennes. La totalité des épreuves se fait sur un programme qui change tous les ans ; les coefficients de l'option rendent le concours plus spécialisé que celui de l'ENS (rue d'Ulm). Cette formation concerne chaque année environ 3 000 élèves.

Contrairement à une croyance assez répandue, la distinction entre classique et moderne par laquelle on oppose khâgnes A/L et khâgnes LSH ne renvoie pas à l'opposition entre lettres classiques et lettres modernes, puisque l'option lettres classiques existe aussi au concours LSH, tout comme celle de lettres modernes au concours A/L[3]. Elle renvoie en fait à la distinction entre “enseignement classique” et “enseignement moderne”, introduite par la réforme de Ribot, ministre de l'Instruction publique, en 1902 : autrefois, toutes les classes des lycées étaient "classiques", c'est-à-dire que les langues anciennes étaient obligatoires (y compris pour les profils les plus scientifiques), et cette réforme mena à la création de sections dites "modernes", c'est-à-dire sans langue ancienne – sections alors méprisées. Cette distinction s'est longtemps maintenue ; "classique" en est venu à signifier "avec langue ancienne" et "moderne" "sans langue ancienne", ce qui explique les appellations "khâgnes classiques" et "khâgnes modernes".

L'année d'hypokhâgne

La différenciation entre khâgne B/L et khâgne purement littéraire (A/L ou LSH) se fait dès la première année : il est impossible d'entrer en deuxième année de B/L sans avoir fait une hypokhâgne B/L. Il en allait de même autrefois pour la différenciation entre khâgne classique (A/L) et moderne (LSH), mais depuis une réforme introduite en 2007, celle-ci ne se fait désormais plus qu'après la première année. Les hypokhâgnes pouvant mener à des khâgnes A/L ou à des khâgnes LSH sont donc indifférenciées, la réforme ayant rendu obligatoire la géographie (autrefois seulement obligatoire en hypokhâgne moderne) et au moins deux heures hebdomadaires d'une langue ancienne (autrefois seulement obligatoire en hypokhâgne classique).

Doublement de l'année de khâgne

Un khâgneux ayant échoué au concours peut retourner en classe de khâgne (il est alors appelé cube ou khûbe) aux côtés des carrés ou khârrés (élèves issus de l'hypokhâgne, et faisant donc une khâgne pour la première fois). Il est aussi possible d'être bicarré ou bikhârré (se dit d'un élève qui triple son année de khâgne, ce qui est plus rare).

Statistiques

Chiffres de 2007 :

  • Hypokhâgne : 6 796 étudiants ( + 1,6% par rapport à 2006)
    • 132 hypokhâgnes de Lettres (A/L et LSH confondues, bien que la réforme d'indifférenciation des hypokhâgnes modernes et classiques n'ait été appliquée que l'année suivante) avec comme effectif moyen 43,5 étudiants
    • 21 hypokhâgnes de Lettres et Sciences Sociales (B/L) avec comme effectif moyen 41,3 étudiants
  • Khâgne : 4 444 étudiants (dont 25% de cubes) soit un ratio de 3 333/6 722 entrants en Lettres supérieures.
    • 38 khâgnes classiques (ou khâgnes A/L) avec comme effectif moyen 39 étudiants, pour 4 options en général
    • 74 khâgnes modernes (ou khâgnes LSH) avec comme effectif moyen 29,8 étudiants
    • 23 khâgnes B/L avec comme effectif moyen 28,8 étudiants

Généralités sur l'enseignement

En Hypokhâgne, tous les élèves suivent un enseignement de 5h en français et en histoire, 4h en philosophie et langue vivante A, 3h en langue et cultures de l'Antiquité (2h de langue ancienne, latin ou grec, et une heure de culture antique) et 2h en géographie et langue vivante B. S'y ajoutent des enseignements optionnels, en arts, langue(s) ancienne(s), géographie et langue vivante B.

En Khâgne, les matières obligatoires et les horaires dépendent du type de classe suivie. Dans tous les types de khâgnes, les élèves doivent choisir une spécialité.

  • Khâgnes A/L et B/L. L'épreuve de spécialité compte autant que les autres matières à l'écrit, elle est légèrement surcoefficientée à l'oral. Les spécialités proposées sont :
    • en B/L :
      • enseignement de spécialité en sciences sociales,
      • langue vivante,
      • langue ancienne,
      • géographie
    • en A/L :
      • enseignement de spécialité sur programme en lettres, en philosophie, en histoire-géographie ou en géographie,
      • lettres classiques (c'est-à-dire les deux langues anciennes, le latin et le grec, et l'histoire ancienne),
      • langues vivantes, ce qui implique, à la fois une épreuve sur programme de première langue et l'étude d'une seconde langue vivante,
      • musicologie, histoire de l'art, études cinématographiques ou études théâtrales.
  • Khâgne Lyon (LSH). Les matières à option sont à peu près les mêmes qu'en khâgne A/L, mais les épreuves sont différentes

Réforme du concours d'entrée

Effective à partir de la session 2009, la réforme des concours d'entrée modifie les épreuves du concours A/L et des concours de l'ENS de Lyon afin de fonder une Banque d'épreuves littéraires (BEL). Certaines épreuves écrites obligatoires de ces concours (philosophie, histoire, langue vivante dès 2009, français à partir de 2010) deviennent communes. La singularité des deux écoles est maintenue dans les autres épreuves écrites obligatoires, dans les épreuves d'option et les épreuves orales, notamment en ce qui concerne le caractère généraliste des concours d'entrée à l'École normale supérieure (Paris).

L'un des objectifs de cette réforme est l'élargissement des débouchés des CPGE littéraires par l'adhésion de nouvelles écoles à la BEL, objectif qui a pour l'instant reçu peu de traduction concrète. Seul l'ISMaPP (Institut Supérieur du Management Public et Politique) a formellement rejoint la BEL dès sa première session. Les négociations avec les écoles de commerce et notamment avec la BCE (Banque Centrale d'Epreuves) sont en bonne voie, et la volonté des deux parties concernées de parvenir à un accord est telle qu'on peut raisonnablement espérer voir les écoles de commerce intégrer la BEL dans les quelques années à venir.

Il faut toutefois rappeler que l'objectif général d'élargissement des débouchés n'a jamais été pensé comme réalisable dans le très court terme, et qu'une période d'ajustement de quelques années est nécessaire et inévitable.

Débouchés

  • Les écoles normales supérieures sont l'objectif originel de ces classes préparatoires, mais le taux de sélection y est très élevé. Les différents types de khâgnes préparent à différentes ENS :
  • L'École nationale des chartes qui délivre le diplôme d'archiviste-paléographe et débouche sur des carrières d'archiviste ou de bibliothécaire, après une khâgne A/L ou très rarement une khâgne B/L.
  • Les écoles de journalisme (IFJ,(a fermé ses portes en 2010) etc.) ou de communication (CELSA, etc.)
  • L'université : La majorité des élèves des classes préparatoires littéraires poursuivent cependant leurs études à l'Université . Pendant leurs années de prépa, ils sont inscrits en parallèle dans une université (non obligatoire) qui peut leur accorder des équivalences (crédits ECTS). Il est généralement possible après l'année d'hypokhâgne d'obtenir une équivalence de première année de licence dans une ou plusieurs disciplines. Dans la grande majorité des cas, après une première Khâgne, les étudiants obtiennent une équivalence de deuxième année de licence, toutefois, surtout en Khâgne moderne, celle-ci est plus facilement accordée dans la matière dans laquelle le candidat suit l'enseignement d'option. Une sous-admissibilité à une École normale supérieure permet d'obtenir d'office cette équivalence. Après une deuxième Khâgne, on peut souvent obtenir une équivalence partielle ou totale de troisième année de licence.

Notes et références

  1. Une bonne compilation des mythologies khâgnales est disponible sur le site de la khâgne du Parc : http://khagnalugdunensis.free.fr/. Le Lycée du Parc est en effet un des derniers lycées de France à conserver un appareil de rites et traditions khâgnals réellement conséquent, et un thirronage (sorte de bizutage khâgnal) organisé sur plus d'une semaine, avec l'aide des professeurs.
  2. Classement Institut Montaigne (fev 2008)
  3. Cette distinction renvoie elle-même aux concours de recrutement des professeurs de français du secondaire : depuis 1961, l'ancienne “agrégation de lettres” a été divisée en “agrégation de lettres classiques” (la continuation de l'ancienne agrégation de lettres, avec de la littérature française, du latin et du grec) et “agrégation de lettres modernes” (linguistique du français moderne et de l'ancien français, littérature française, générale et comparée et un peu de latin et une langue vivante).

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Classes préparatoires littéraires de Wikipédia en français (auteurs)

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