Espérance (vertu)

Espérance (vertu)
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Selon la religion catholique, l'espérance est une vertu théologale grâce à laquelle les croyants attendent de Dieu, avec confiance, sa grâce en ce monde et une vie éternelle et heureuse après la mort.

Sommaire

L'espérance dans la religion

L'espérance dans l'Église catholique

Dans la doctrine de l'Église catholique romaine, l'espérance est une vertu théologale (dont l'objet est Dieu et qui nous est donnée par Dieu). C'est la confiance d’obtenir dans l’avenir (par les mérites de Jésus-Christ et par notre obéissance aux lois divines) ce que Dieu a promis, c'est-à-dire : 1° sa grâce (faveur ou aide gratuite) sur la Terre et 2° le salut éternel au Ciel. Cf. le grand catéchisme de saint Pie X, article 892. Cf. "l'acte d'espérance" de tous les missels romains classiques (Acte d'espérance : "Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que vous me donnerez par les mérites de Jésus-Christ votre grâce en ce monde et si j'observe vos commandements, le bonheur éternel dans l'autre, parce que vous l'avez promis et que vous êtes fidèle à vos promesses".) L’espérance n’est donc pas un sentiment, mais un acte habituel de la volonté. Elle porte sur un avenir ni probable ni plausible mais certain. Cet avenir n’est pas l'avenir souhaité ou désiré par le sujet de l'espérance, mais il est celui promis par Dieu.

L'espérance est une des vertus théologales, célébrée notamment par Péguy ("la petite Espérance"). Quel que soit l’espoir à l’égard de telle ou telle réalité humaine, il est possible de ne pas perdre l’espérance en Dieu. L’espoir s’estime à l’aide de la raison, l’espérance se vit sous le regard de la foi. L’objet de l’espérance est le salut, le bonheur béatifique, la participation à la gloire de Dieu.

L'espérance, vertu théologale

Statue représentant L'espérance.

Dans une perspective chrétienne, l’espérance est la vertu théologale par laquelle on désire comme son bonheur le Royaume des cieux et la vie éternelle, en mettant sa confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur ses propres forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit.

Selon le Catéchisme de l'Église catholique[1], la vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme. Elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes et les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux. Elle protège du découragement et soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité.

L’espérance chrétienne reprend et accomplit l’espérance du peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l’espérance d’Abraham comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié par l’épreuve du sacrifice : "Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples" (Rm 4, 18). Elle se déploie dès le début de la prédication de Jésus dans l’annonce des Béatitudes.

L’espérance est "l’ancre de l’âme", sûre et ferme, "qui pénètre ... là où est entré pour nous, en précurseur, Jésus" (He 6,19-20). Elle est aussi une arme qui protège dans le combat du salut : "Revêtons la cuirasse de la foi et de la charité, avec le casque de l’espérance du salut" (1 Th 5,8). Elle procure la joie dans l’épreuve même : "avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation" (Rm 12,12). Elle s’exprime et se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du Pater, résumé de tout ce que l’espérance nous fait désirer.

Le pape Benoît XVI a écrit sa deuxième encyclique Spe Salvi sur l'espérance.

L'espérance dans l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours

Selon la doctrine mormone, l'espérance est une attente confiante et un vif désir des bénédictions promises aux justes, les Ecritures disant souvent que l'espérance est l'attente de la vie éternelle par la foi en Jésus-Christ. 'Nous possédons l'espérance par la patience et les Ecritures ' (Romains 15:4)

L'espérance dans la perspective laïque

Dans une perspective non religieuse, le Projet de paix perpétuelle de Kant tente de fonder l'espérance humaine sur la réalisation d'un monde meilleur à travers l'industrie humaine, le progrès social et l'avènement d'un ordre juste entre les nations.

Plus spécifiquement, selon le marxisme, l'espérance peut être synonyme d'aliénation, puisque la seule espérance réalisable serait la révolution des ouvriers contre l'ordre mercantile établi.

L'espérance dans l'œuvre de Jacques Ellul

Jacques Ellul, penseur de la technique, décrit la mort de l'espérance dans la société actuelle[2]. Tous les idéaux ont été trahis, nous sommes devenus les serviteurs des machines créées pour nous servir, et si nous nous plaisons à croire encore aux jeux politiques et au spectacle social, nous sentons bien que tout ceci n'est qu'illusion, et que l'avenir est sombre, malgré les quelques sursauts d'espoir qui peuvent naître ici et là. « Plus personne n’a confiance en rien ni en personne, et c’est un sentiment d’impuissance qui s’impose »[3]. Or, on ne peut vouloir vivre que si l'on a une espérance.

Pour Ellul, Dieu est parti. C'est le temps de la déréliction. Cela ne signifie pas que Dieu ait abandonné l'homme, ou qu'il ne soit pas à ses côtés dans ses épreuves, mais simplement que Dieu laisse l'homme libre de ses choix, responsable de ses actes, parce que l'homme ne veut pas de Dieu. Ce n'est pas Dieu qui nous rejette, mais nous qui rejetons Dieu. L'homme (en tant que personne) peut faire l'expérience de Dieu, mais Dieu a abandonné l'histoire humaine entre les mains de l'homme : il ne parle plus. Preuve que Dieu est absent : le Saint-Esprit ne se trouve pas dans Son Église (c'est pourquoi elle se conforme au monde). « Si le Saint-Esprit agissait, ça se verrait »[4].

Le désespoir auquel nous amène ce constat est salutaire. En effet, c'est lorsqu'il n'y a plus d'espoir qu'il y a place pour l'espérance. « L'espérance est la réponse de l'homme au silence de Dieu »[5]. Ellul considère que l'espoir, c'est l'illusion que tout va s'arranger. C'est encore l'expression de l'indépendance de l'homme vis-à-vis de Dieu. Tant qu'il y a un espoir, nous n'avons pas besoin de Dieu. L'espérance n'a donc aucune place lorsque tout n'est pas désespéré. Et pour Ellul, cela va même plus loin que la simple foi en Dieu : « L'espoir est la malédiction de l'homme. Car l'homme ne fait rien tant qu'il croit qu'il peut y avoir une issue qui lui sera donnée. Tant que, dans une situation terrible, il s'imagine qu'il y a une porte de sortie, il ne fait rien pour changer la situation »[6]. Tandis que l'espérance, c'est – contre toute raison – croire en la promesse donnée par Dieu.

En effet, croire que Dieu est là, présent dans ma vie, alors même que ma vie démontre le contraire ; croire que Dieu va intervenir comme il l'a promis dans Sa Révélation, alors même que rien ne se passe et que l'avenir est bouché ; croire que Dieu ne nous abandonnera jamais, conformément à Sa Parole, alors même que tout indique qu'il nous a laissé tomber ; là se situe l'espérance. Et cette espérance-là est révolutionnaire, car c'est elle et elle seule qui peut être notre moteur pour une révolution personnelle, un autre style de vie, et une vraie liberté. L'espérance n'est pas une attente passive, mais un dur combat : « Le Royaume des Cieux est aux violents qui s’en emparent »[7].

Dans son commentaire sur le livre de l'Apocalypse de Jean[8], Ellul montre qu'il " y a affirmation de l'espérance quand Dieu se tait ou 'détourne sa face', quand 'la Parole de Dieu se fait rare', quand elle nous semble morte. Tant que la Parole de Dieu est vivante, dite, crue, entendue, reçue, l'espérance n'a aucune raison d'être : nous sommes ici dans le domaine de la foi (...) L'espérance c'est précisément dans ce désert, dans ce silence de Dieu qu'elle continue à affirmer que la promesse c'est déjà l'accomplissement"[9]. Pour Ellul, l'espérance n'existe pas lorsque nous sommes comblés par Dieu. Elle ne peut exister que si nous vivons un manque, un vide qui nous porte en avant vers Dieu. Un vide qui refuse l'absence de Dieu, un élan spirituel : "Elle n'est donc pas la résignation, l'acceptation passive que Dieu se tait, se cache, abandonne; elle est l'exigence devant Dieu qu'il se révèle pour qui il a dit qu'il était"[10]. Cette espérance est donc un refus radical d'amalgame entre le royaume de Dieu et un système politico-social. Ces deux domaines sont incompatibles, inassimilables. Servir l'un, c'est trahir l'autre[11][12]. L'espérance, c'est la sortie de l'illusion, de l'enfermement, pour une action libre de toute idéologie, une action libre et libératrice.

En tout cela, Ellul prolonge la réflexion de Kierkegaard, pour qui la chrétienté était la déchéance du christianisme[13] et l'espérance l'attente de l'impossible[14].

Notes et références

  1. Cf. Catéchisme de l'Église catholique, Paris:Cerf/Centurion/Fleurius, 1998, n°1817-1821
  2. Jacques Ellul, L'espérance oubliée. La Table Ronde, 2004, pp.13-75
  3. Frédéric Rognon, http://www.jacques-ellul.org/les-grands-themes/lesperance
  4. Jacques Ellul, op. cit., p.189
  5. Jacques Ellul, op. cit., p.172
  6. Jacques Ellul, op. cit., p.132
  7. Evangile selon Matthieu, chapitre 11, verset 12
  8. Jacques Ellul, L'Apocalypse, architecture en mouvement. Labor et Fides, 2008
  9. Jacques Ellul, op.cit., p.72
  10. Jacques Ellul, op.cit., p.72-73
  11. Jacques Ellul, L'illusion politique. La Table Ronde / La petite vermillon, 2004
  12. Jacques Ellul, L'idéologie marxiste chrétienne. La Table Ronde / La petite vermillon, 2006
  13. S. Kierkegaard, "Vingt et un articles de Faedrelandet", Œuvres complètes XIX, Editions de l'Orante, 1982
  14. S. Kierkegaard, "Crainte et tremblement", Œuvres complètes V, Editions de l'Orante, 1972

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