Agent orange

Agent orange
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Avions militaires américains épandant au Viêtnam pendant l'opération Ranch Hand

L'agent orange, de son nom chimique 2,4,5-trichlorophénol, est le surnom donné à l'herbicide (ou plus exactement dans ce cas défoliant) le plus employé par l'armée des États-Unis lors de la guerre du Viêtnam, en particulier entre 1961 et 1971. Notamment en raison de la présence de dioxine, ce défoliant chimique est responsable de plusieurs maladies chez les personnes exposées à cet herbicide. La stabilité de la dioxine entraîne que les habitants des régions touchées ont continué à être exposés après la fin des combats, occasionnant ainsi des cas de cancers ou de malformations à la naissance.

Sommaire

Description

L'agent orange est à la base un mélange de deux molécules herbicides : l'acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D) et l'acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique (2,4,5-T). Ces herbicides ont été découverts dans les années 1940 par des équipes de recherches anglaises et américaines. Ces molécules agissent en mimant une hormone de croissance végétale de type auxine : l'acide indole 3-acétique. Pulvérisées sur des plantes, elles induisent une croissance incontrôlée, menant à la mort du végétal. Ce sont des herbicides sélectifs : lorsqu'ils sont pulvérisés sur des cultures de graminées (blé, maïs...), seules les adventices sont éliminées. Commercialisés en 1946, ces herbicides ont été largement utilisés à partir des années 1950.

On a découvert plus tard que la dioxine de Seveso, 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-para-dioxine (TCDD), était présente parmi les impuretés dérivant de la fabrication du 2,4,5-T, et donc présente dans cet herbicide. Ce poison peut être à l'origine de plusieurs sortes de cancers, comme le lymphome non-hodgkinien, la maladie de Hodgkin et la leucémie lymphoïde chronique. Dès lors, le 2,4,5-T a été interdit dans de nombreux pays.

Le 2,4-D ne contient pas de dioxine et reste un des herbicides les plus utilisés dans le monde.

Histoire

Épandage par hélicoptère de l'agent orange dans le delta du Mékong le 26 juillet 1969

L'agent orange, créé par la multinationale Monsanto, est en fait rose et brunâtre, et doit son nom aux bandes de couleur orange inscrites sur les fûts dans lesquels il était stocké. De même furent baptisés les agents blanc, bleu, rose, vert et pourpre.

Ce produit était d'usage courant et utilisé dans l'agriculture aussi bien aux États-Unis qu'en URSS, dans les années 1960, on ne pensait pas alors qu'il était toxique pour l'être humain.

Ces herbicides furent utilisés pour défolier les forêts et ainsi empêcher les Vietnamiens de se cacher, pour détruire leurs récoltes, mais aussi de dégager les abords des installations militaires américaines et y prévenir les attaques.

Ces opérations de guerre chimique débutèrent en 1961, le premier épandage ayant lieu le 10 août dans la province de Kontum au centre du pays[1]. Le programme, intitulé Opération Ranch Hand, débuta ensuite progressivement avec le feu vert du président John F. Kennedy jusqu'à atteindre son apogée en 1965. Elles diminuèrent ensuite progressivement et finalement cessèrent en 1971, suite à de nombreuses protestations dans le monde et aux États-Unis même, de la part de scientifiques, d'un certain nombre de parlementaires et surtout d'anciens combattants américains.

L'Académie nationale des sciences des États-Unis estime aujourd'hui que près de 80 millions de litres de ce défoliant ont été déversés. Selon Franz J. Broswimmer dans son ouvrage Ecocide, cet épandage a touché 20 % des forêts du Sud Vietnam et empoisonné 400 000 hectares de terrain agricole.

Le 8 décembre 2006, le quotidien The Guardian rèvèle que Sir Richard Doll, épidémiologiste et toxicologue anglais réputé, célèbre pour avoir établi le lien entre l'usage de tabac et le cancer du poumon a été sous contrat de mai 1979 à mai 1986[2] (période durant laquelle il aurait reçu selon The Guardian 1 500 dollars par jour de Monsanto et cela durant un an[2] ). C'est durant cette époque qu'il a affirmé à une commission australienne qu'il n'y avait pas de relation entre le cancer et l'agent orange. Richard Doll aurait aussi reçu de l'argent de l'industrie chimique durant plus de vingt ans selon le quotidien. Il avait, avec son collègue Sir Richard Peto, produit en 1981 un article concluant que seuls 1 à 3 % des cancers avaient une cause environnementale[3].

En réponse au refus de la justice américaine de juger l'utilisation de l'agent orange, un tribunal d'opinion présidé par Jitendra Sharma s'est tenu du 15 au 16 mai 2009 à Paris. Sans portée juridique, ce tribunal vise à définir les responsabilités dans l'utilisation de ce défoliant et à la dénoncer devant l'opinion mondiale[4].

Poursuites judiciaires

États-Unis

L'État fédéral américain a été la première entité mise en cause par les victimes de l'agent orange, mais ce dernier bénéficie de l'immunité pour tout acte commis en temps de guerre. Les vétérans américains victimes de l'agent orange se sont alors retournés vers les fabricants de l'herbicide.

En 1984, Monsanto et six autres entreprises accusées ont signé un accord à l'amiable avec les associations de vétérans en échange de l'arrêt de toute poursuite[5]. Les fabricants ont versé la somme de 180 millions de dollars à un fond de compensation. Presque 40 000 des 68 000 vétérans ont reçu entre 256 et 12 800 dollars selon la gravité des cas.

Le 31 janvier 2004, l'Association vietnamienne des victimes de l'agent orange/dioxine, a présenté un recours collectif aux États-Unis contre onze fabricants d'herbicide (dont Dow Chemical et Monsanto) pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. La première séance de ce procès a eu lieu le 1er mars 2005 à New York. Le 10 mars, la cour a rejeté la plainte, car le juge a conclu que l'agent orange n'était pas un poison au regard du droit international, il n'y avait donc pas d'interdiction d'utiliser un herbicide. L'association vietnamienne des victimes a déposé un recours devant la Cour d'Appel de New-York le 8 avril 2005 et son dossier d'arguments le 30 octobre 2005. André Bouny, père d'enfants vietnamiens, est le président du Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l'agent orange (CIS). Ses articles sont nombreux, il en est quelques uns qui résument ce qu'est l'agent orange au Vietnam et ses conséquences[6],[7].

Corée du Sud

En 1999, environ 20 000 vétérans sud-coréens portent deux plaintes séparées contre les fabricants d'herbicide, réclamant cinq milliards de dollars. Ayant perdu en première instance en 2002, ils font appel et gagnent le 26 janvier 2006. La justice condamne Dow Chemical et Monsanto à verser 62 millions de dollars à 6 800 personnes (chacune devrait recevoir entre 6 200 à 47 500 dollars).

En 2011, les Etats-Unis et la Corée du Sud mettent en place un groupe conjoint chargé d'enquêter sur les importantes quantités d'Agent orange qui auraient été enterré dans les années 70 dans la base américaine de Camp Caroll, au sud-est de la péninsule coréenne.

Épidémiologie

Groupe d'enfants handicapés, principalement à cause de l'agent orange

Selon les dernières estimations[8], de 2,1 à 4,8 millions de vietnamiens ont été directement exposés aux herbicides entre 1961 et 1971, auxquels il faut rajouter un nombre inconnu de cambodgiens, de laotiens, de civils et militaires américains, et de leurs divers alliés australiens, canadiens, néo-zélandais, sud-coréens.

La dioxine étant une molécule très stable, elle tend à rester dans l'environnement. Les concentrations se révèlent donc extrêmement importantes dans les graisses animales, contaminant ainsi la chaîne alimentaire. La dioxine est aussi présente en grandes quantités dans les sols et les sédiments.

Ainsi même des enfants vietnamiens nés plusieurs années après la fin de l'épandage présenteraient des taux élevés dans l'organisme. Les conséquences de cette accumulation seraient nombreuses : cécité, diabète, cancers de la prostate et du poumon, malformations congénitales, en effet, un article paru dans le journal international d'épidemiologie, propose un lien entre l'agent orange et l'apparition de malformations chez les nouveau-nés[9], cependant la validité des données utilisées pour conduire l'analyse statistiques est remise en cause[10].

Environnement

L'utilisation d'une telle quantité d'herbicide a eu un impact important sur l'environnement. Dans Le Courrier de l'Unesco, datant du mois de mai 2000, l'organisation liée à l'ONU estime que le cinquième des forêts sud-vietnamiennes a été détruit par les herbicides américains.

Fabricants

Notes et références

  1. 50ème anniversaire du premier épandage d’ « Agent Orange » au Viêt Nam sur le site Mondialisation.ca - Cette date est retenue au Viêt Nam et dans le monde pour la Journée des victimes de l'agent orange.
  2. a et b (en) Renowned cancer scientist was paid by chemical firm for 20 years
  3. (en) The causes of cancer: quantitative estimates of avoidable risks of cancer in the United States today
  4. (fr) L'agent orange en accusation, Courrier International, 14 mai 2009. Mis en ligne le 14 mai 2009, consulté le 24 mai 2009
  5. (en) Société Diamond Shamrock
  6. (fr) Les effets de l’agent orange par l’US Army au Viêt Nam et ses conséquences
  7. (fr) Agent orange Vietnam : dépôt des dossiers à la Cour d’appel de New York par André Bouny, publié par Hacktivist News Service le 8 avril 2006
  8. J.M. Stellman, S.D. Stellman, R. Christian, T. Weber et C. Tomasallo, « The extent and patterns of usage of Agent Orange and other herbicides in Viêt Nam », Nature, Volume 422, avril 2003.
  9. (en) Anh D Ngo, Richard Taylor, Christine L Roberts et Tuan V Nguyen, « Association between Agent Orange and birth defects: systematic review and meta-analysis », dans International Journal of Epidemiology, vol. 35, no 5, 2006, p. 1220-1230 [texte intégral (page consultée le 14 août 2009)] 
  10. (en) Arnold Schecter et John D Constable, « Commentary: Agent Orange and birth defects in Vietnam », dans International Journal of Epidemiology, vol. 35, no 5, 2006, p. 1230-1232 [texte intégral (page consultée le 14 août 2009)] 

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (fr) Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam d'André Bouny, Éditions Demi-Lune, Paris, 2010, (416 pages), (ISBN 978-2-917112-11-3). — Dossier de présentation.
  • (fr) L'agent orange au Viêt-Nam. Crime d'hier, tragédie d'aujourd'hui, sous la direction de Yvonne Capdeville, Francis Gendreau et Jean Meynard, Éditions Tirésias, Paris, 2005, (162 pages), ISBN 2-915 293-23-6.
  • (en) Linedecker, Clifford, Michael Ryan, et Maureen Ryan, Kerry: Agent Orange and an American Family., New York, St. Martins Press, 1982.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Agent orange de Wikipédia en français (auteurs)

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