Jean-Baptiste Le Goué

Jean-Baptiste Le Goué

Jean-Baptiste de Goué

Armes de la famille de Goué : d'or au lion de gueules surmonté d'un fleur de lys d'azur

Jean-Baptiste de Goué (1646 - 9 décembre 1690, Villeneuve-la-Guyard[1]), magistrat français.

Sommaire

Biographie

Acte de sépulture (Cliché JC GEOFFROY)


Famille

Il était le fils de Jean-Baptiste et le petit-Fils de Claude de Goué et de Marie de Falaise, enlevée avant le mariage. Son grand-père épousa Françoise de la Hautonnière, fille de François de la Hautonnière. Seigneur du dit lieu et de Montaubin, qui lui apportait le seigneurie de Roullon, estimée à 30.000 livres. Il demeurait alors à Goué, mais l'année précédente il habitait au château de La Ferrière, en Normandie. Ayant pris parti pour la Fronde en qualité de mestre de camp du régiment de Mayenne en 1649, il fut assez vilainement portraituré par Colbert. Maître d'hôtel du Roi, puis gentilhomme de sa chambre, il mourut à Villeneuve-la-Guyard.

Parcours

Jean-Baptise de Goué est né vers 1646. Par un choix assez rare, il avait été envoyé à Orléans suivre les cours de la faculté de droit. Il est étudiant à l'Université d'Orléans, 1671. Il épousa par contrat du 29 septembre 1674, Françoise-Madeleine Martineau, fille d'un conseiller au parlement de Paris et commissaire aux Requêtes du Palais. Il fut conseiller au Grand-Conseil au moins depuis 1676 puisqu'il reçut 450 livres pour ses honoraires du mois de janvier au mois de septembre de cette année.

Correspondant de Gilles Ménage

Jean-Baptiste de Goué a été un correspondant de Gilles Ménage pour la rédaction d'articles de son Histoire de Sablé. Ménage avait d'ailleurs pris soin d'indiquer : « Cette notice m'a été communiquée par M. de Goué, conseiller au Grand-Conseil, homme d'un mérite égal à sa naissance. » [2].

Les deux enfants qu'il eut de Françoise Martineau moururent jeunes. Son héritier fut M. de Baugy [3], gendre de M. Honoré Caille du Fourny, collaborateur du Père Anselme et de ses continuateurs. Il épousa Renée Gastin.

Outre les mémoires prétendus compilés de Jean de la Futaye et de Foulques de Savigny qu'il inventa ou qu'on lui fit croire, il fit un travail pour le duc de Mayenne dans la recherche des droits, rentes et devoirs appartenant à lui ou à ses vassaux, et des anciens titres du dûché, dont il avait dressé l'aveu au roi en 1669, ce qu'il n'avait pu faire que par un long et pénible travail, n'ayant pu trouver un aveu antérieur [4].

Faussaire historique

Le Chartrier de Goué

Le chartrier est l'un des plus importants de l'ancien duché de Mayenne. Il contient sur la famille de Goué des documents authentiques, remontant au commencement du XIVe siècle et qui établissent sur les bases les plus solides, depuis cette époque, les titres de noblesse de cette maison.

Mais Jean-Baptiste de Goué ne se contenta pas de cette antiquité déjà si vénérable et d'une série si longue d'ancêtres. Les autres pièces fausses du chartrier de Goué, qui n'ont plus trait à la croisade de 1158, sont variées dans la forme, quelques-unes même peuvent n'être que des copies altérées de documents vrais, mais toutes ont cela de commun qu'elles devaient servir, dans l'intention de celui qui les fabriquait, à reporter l'origine connue de la famille de Goué du XIVe au Xe siècle. A côté de ces textes sincères, originaux, on trouve au chartrier une grande quantité de pièces en copies vidimées qui feraient remonter les sires de Goué au Xe siècle [5].

Article détaillé : Chartrier de Goué.

La supercherie historique est avérée à la fin du XIXe siècle. Henri Omont de la Bibliothèque nationale de France annote le manuscrit de M. de Goué comme contenant des faux, dès 1897.

Le faussaire

Jean-Baptiste de Goué est célèbre par l'étude critique menée par l'abbé Angot, qui amène la preuve que sous le rapport historique, il était un faussaire avéré de profession qui, non content de mettre sur pied des chevaliers et d'inventer des moines chroniqueurs, ne craignait pas de produire ses faux même dans les pièces de procédure.

Article détaillé : Les Croisés de Mayenne en 1158.

Procès avec Mazarin

En 1681, Jean-Baptiste de Goué fils dut reprendre contre le duc de Mazarin le procès que le Cardinal Mazarin avait intenté à son père et pour lequel celui-ci avait rédigé un mémoire. Mais les documents que le fils s'était fabriqués allaient bien plus loin que le mémoire paternel :

  1. Il invoque la fondation faite de l'abbaye de Savigny, l'an 1158, par Juhel II de Mayenne [6]
  2. Il cite « un contrat de vente vers l'an 1300 par Robert de Goué, chevalier, de tout ce qu'il possède dans le bourg de Fougerolles, proche sa terre de la terre de Goué. » et un autre contrat fait en 1310, « où il se void que Pierre Giffard et Iveline, sa femme, vendent à Perrot, fils de Thomas de Goué, escuyer, leur terre et seigneurie du Parc de Goué o un chastel et hebergement, et o tous ses fiefs, honneurs et dignités, terres arables et non arables, prés, bois, etc. »[7]

L'abbé Angot indique qu'il fallait une certaine audace pour présenter un pareil factum au Parlement, car enfin les juges n'avaient qu'à consulter la charte, non de fondation, comme dit le plaideur, mais de confirmation des biens de l'abbaye, pour voir que les ancêtres de M. de Goué n'y figurent point et qu'ils n'y sont point qualifiés cognati des seigneurs de Mayenne. [8]

Article détaillé : Première maison de Mayenne.
Article détaillé : Deuxième maison de Mayenne.

Un autre objet du litige était la sergentise de Goué. M. le duc de Mazarin y voyait un simple office féodal, sans fonds ni terre. Mais pour son adversaire c'était bien autre chose. On peut le lire dans son mémoire [9].

Ce factum est signé : M. Merault en la seconde des Enquestes, rapporteur. — M. de Launay, avocat. Le titre porte : « Factum pour Messire Jean-Baptiste de Goué, chevalier, baron de Villeneuve la Guiart, intimé. « Contre Messire Armand-Charles, duc de Mazarin, de la Melleraye et de Mayenne, Pair de France, appelant d'une sentence rendue aux requestes du Palais, le 15 juin 1681. »

Le volume 32.633, du Fonds français contient la copie certifiée conforme des archives de Goué. M. A. Bertrand de Broussillon atteste que toutes les pièces appartenant aux époques un peu reculées sont fausses. — Le Recueil Thoisy, aux imprimés de la Bibl. Nat., Fm 14.901, contient un factum de M. de Goué, in-4°, 1681, sur la question de la sergentise. C'est évidemment la première partie du procès dont il y avait appel en 1682 et que perdit M. de Goué en 1684.

Fausses alliances

Famille de Laval

Les alliances que Jean-Baptiste de Goué donne à ses ancêtres, pour établir ces degrés lointains, sont visiblement fausses comme celle qui lui créerait un lien de parenté avec l'un des barons de Laval, en l'an 1010. Le titre fabriqué pour prouver cette alliance a même été l'occasion d'une grave erreur pour les auteurs de l’Art de vérifier les dates, puisqu'il les a décidés à placer en tête de la liste chronologique des seigneurs de Laval, un Geoffroy-Guy de Laval qui n'a pas d'autre preuve de son existence [10].

On veut prouver l'existence de Geoffroy-Guy en s'appuyant sur l'ouvrage de Jacques Le Blanc de la Vignolle : mais Jacques Le Blanc était en relation avec l'historien René de Quatrebarbes et celui-ci lui avait communiqué quelques inventions de Jean-Baptiste de Goué, si ce dernier ne les lui avait pas communiquées directement.

Appropriation

Un autre procédé qu'employa le correspondant de Gilles Ménage, pour s'assurer une antique noblesse, consiste à s'approprier les noms qui présentaient avec le sien une similitude plus ou moins grande. On rencontre souvent dans les chartres anciennes de l'abbaye de Savigny, une famille de Poë qui habitait le pays de Fougerolles, c'est-à-dire la paroisse même où s'élevait le château de Goué ; le conseiller Jean-Baptiste de Goué n'hésite pas à se les approprier, comme il voulut faire même des seigneurs du Perche-Gouet.

Conclusion

Enfin, pour résumer cette démonstration, il est certain d'après les connaisseurs les plus autorisés qui ont étudié le chartrier de Goué, que le nom de cette famille n'existe dans aucun acte authentique antérieur au XIVe siècle ; ce qui n'empêche pas M. de Goué de se créer de toutes pièces une généalogie où ne manque aucun degré, où de nombreux enfants sont désignés par leurs noms, leurs alliances, leurs services [11].

Notes et références

  1. Retranscription de l'acte de sépulture [1] par Jean-Claude GEOFFROY :Le lundy neufième jour du mois de Décembre de l'année mil six cent quatre vingt dix à esté par moy prestre Curé de l'Eglise paroissiale saine Germaine de Villeneufve la Guyard inhumé dans le choeur dela dite Eglise au lieu et sepulture desa famille et de ses Ancestres Messire Jean Baptiste de Goüé agé de quarente quatre ans où environs vivant Conseiller du Roy en la Cour du grand Conseil et Seigneur des paroisses de Villeneuve-la-Guyard de Goüe, de Fougerolles et de plusieurs autres lieux. Ont assisté à la dite inhumation Messire Gilles de Goüé son frere Chevallier de l'ordre de St Jean de Jérusalem dans l'Ilse de Malthe, Capitaine d'une compagnie de Dragons Messires Francois Le Comte Seigneur d'Hermey de Lorrey et autres lieux. Messire.De Genevieve du Coudray de Messire Thomas de Paris Docteur en theologie de la faculté de Paris Abbé de(...) de Coulomiers et Chanoine de la Royale Ste Chappelle dela dite ville de Paris. Messire Jacques Besnard (...) seigneur de Champigny aussi Capitaine d'une compagnie de Dragons, et de plusieurs autres (...) ont signé sur le present acte Maistre Antoine Chereau prestre vicaire dudit Villeneufve et Maistre Francois Simard procureur fiscal dudit lieu.
  2. Histoire de Sablé, p. 181. Ménage avait cependant de bonnes raisons de se défier de son estimable correspondant. Son flair de philologue l'avertissait qu'on lui envoyait du château de Goué des documents frelatés. Qu'on ouvre son Histoire de Sablé à la page 166, on y lira : Je trouve dans un ancien Titre de la Maison de Goué un Asbertus de Alta Noxia. Ce de alta noxia paroist avoir été fait du François d'Antenoise : ce qui pourroit faire douter de l'antiquité de ce titre.
  3. Alain de Goué indique toujours de Caille du Fourny qui aurait inventorié et coté les pièces du chartrier de Goué. Pour l'abbé Angot, les cotes sont de son gendre, M. de Baugy.
  4. Grosse-Duperon, Ville et pays de Mayenne, p. 30.
  5. Un vidimus daté de la fin du XIIIe siècle est écrit en caractères qui imiteraient à peu près ceux du XVe siècle.
  6. Juhellus, Dei gratia dominus Meduanæ, omnibus baronibus et omnibus suis subditis totius terræ suæ, salutem, etc. Là, le fondateur (?) marque toutes les terres, tous les droits qu'il donne pour l'entretien de l'abbé et des religieux, et en plusieurs endroits, il fait mention de plusieurs choses qu'Isselin de Goué avoit données à l'église où cette abbaye est fondée. Bien plus, car Juhel, fondateur, marquant le temps où il faisoit sa fondation, il dit que c'est l'année que son fils s'est croisé, présens Lingon, prieur chappelain, Gutton, prestre, Alano de Goeo, cognato meo. Il y avoit donc dès 1158 des seigneurs de Goué, et Alain, étant cousin de Juhel de Mayenne, c'est une marque qui confirme ce qui a été prouvé dans ses réponses à griefs que la terre de Goué avoit été démembrée de la terre de Mayenne. »
  7. Copie de cet acte prétendu est à la Bibliothèque nationale, f. fr. 32.633.
  8. Le Thomas de Goué qui aurait acquis en 1310 de Pierre Giffart la terre du Parc de Goué avec château et hébergement, n'a même pas sa place dans la généalogie.
  9. « M. de Goué, pour justifier quelle est l'origine et la qualité de cet office de sergenterie, a produit un aveu rendu l'an 4 (!) par Estienne, fils de Josselin, chevalier, seigneur de Goué, à Hamelin, seigneur de Mayenne, dans lequel Estienne, seigneur de Goué, reconnoit devoir à Hamelin, comme seigneur de Mayenne, les services suivans : Pro Decurionatu meo accensorio bellico in Baillinagio de Goeo, de terra mea. — La cour observera, s'il luy plaist, ces mots : de terra mea quam habeo et teneo, et omnibus rebus quas pro dicto Decurionatu percipio, videlicet quod quandovis vel præfecti tui congregare homines et vassalos tuæ terrae de Ponte-Menonis, ego et decurio et bajulus parrochiarum dictæ terræ, debeo accensere et congregare eos, ut eam in guerram, et eos ducere in guerram impensis suis ; item debeo Marchias et Catenam Normannorum præfatæ terræ de Ponte-Menonis, cum hominibus suis et meis, contra quosque, exceptis tamen Franciæ et Angliæ regibus, et domino meo Gualtero — car dans le livre des fiefs, il est dit : Contra omnes debet vassalus dominum adjuvare, et contra fratrem et filium, nisi contra alium dominum antiquiorem, hic enim cæteris preferendum (sic) est — liv. 4, chap. 31 — custodire et deffendere. Item meum est munus, et ad me pertinet custodire franchisias custodia franchisiarum nundinarum, teloneorum, passagiorum quæ sunt in dicta terra de Ponte-Menonis. Item debeo criminosos delinquentes in guerra et in eadem terra capere per me vel per alium a me præpositum, et mittere eos in carcerem, eosdem criminosos punire, et justiciare per me vel per alium. Item debeo recipere census et grana quæ sunt in dicta terra per homines tuos tibi debita, et eos cogere ut solvant tibi vel præposito tuo, in castro Ponte-Menonis mittere ; quapropter ea debeo et ad me pertinent desertorum guerræ arma, et le reste. » L'abbé Pointeau cite ce passage avec les mots : Et domino patre meo Gualtero, en faisant remarquer que Gaultier était le père d'Hamelin de Mayenne et non d'Etienne de Goué, mais le texte ne porte point le mot pater. Par contre, on voit que l'auteur ne sait pas s'il fait rendre l'aveu de son ancêtre à Gaultier ou à Hamelin. Pour expliquer la signification de ces mots Decurionatus accensorius, M. de Goué cite : Vossius, Festus Pompeius, Nonius Marcellus, Joseph Scaliger sur Varron, Godeschalcus Stewechius sur Végèce, le Lexicon d'Antonius Nebrissensis, Lampridius, tous noms romains qui nous apprennent où le faussaire avait pris son érudition bien hors de saison pour une question du moyen âge. L'abbé Angot s'interroge : Où a-t-on vu un aveu rédigé de la sorte, en 1120 ?
  10. On ne se rencontre pas toutefois Herpin de Laval. Bertrand de Broussillon, dans son ouvrage sur la Maison de Laval, dans son premier volume, a fait ressortir l'invraisemblance et la fausseté de cette pièce, p. 10 et 20.
  11. Voir la généalogie publiée par le chanoine André René Le Paige dans son Dictionnaire du Maine, I, 345-348. Il existe beaucoup de copies manuscrites qui présentent de nombreuses variantes.

Sources

Articles connexes

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