Juge d'instruction en France

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Droit français / Droit pénal

En France, un juge d'instruction est un magistrat chargé de diligenter des enquêtes judiciaires. Il ne peut se saisir d'office et ne peut effectuer d'enquête que dans la stricte limite de sa saisine, cette limite étant fixée par le Procureur de la République, même si les poursuites interviennent à la demande de la victime (cf. infra).

Il peut utiliser des officiers de police judiciaire pour effectuer des actes d'enquête en leur délivrant des commissions rogatoires. Il effectue son enquête à charge et à décharge en concertation avec le Procureur de la République et des services de police, médico-légal ou d'expertise judiciaire, et apprécie les demandes d'actes des avocats de la défense ou de la partie civile. Si son enquête aboutit à des charges suffisantes sur certains chefs de poursuites, il rend une ordonnance de renvoi devant les juridictions pénales. Sinon, il rend une ordonnance de non-lieu. La plupart des ordonnances sur des affaires complexes sont mixtes (renvoi partiel ou non-lieu partiel) et interviennent fréquemment au fur et à mesure de l'avancement de l'instruction.

A noter : lorsqu'un délit ou une contravention relève de la compétence du tribunal maritime commercial, l'instruction est de la compétence de l'administrateur des affaires maritimes ou du commissaire rapporteur (art. 36 ter Code disciplinaire et pénal de la marine marchande).

Sommaire

Le rôle du juge d'instruction dans la procédure pénale française

Principe

Le juge d'instruction a pour mission de faire « tout acte utile à la manifestation de la vérité ». Concrètement, sa mission est donc de mener une enquête, qui pourra déboucher sur un jugement. En ce cas, le jugement sera pris sur la base de l'enquête menée par le juge. Afin de mener à bien sa mission, le juge d'instruction dispose de pouvoirs d'enquête très élargis. Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 le juge d'instruction doit demander au juge des libertés et de la détention (JLD) le placement d'un suspect en détention provisoire. C'est le président du Tribunal de Grande Instance qui va désigner le juge d'instruction. Cette désignation a soulevé un contentieux important pour savoir si l'on pouvait exercer une voie de recours. L'article 83-2 considère qu'il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire de ce fait insusceptible d'une voie de recours, sauf dans le rare cas d'un pourvoi pour excès de pouvoir.

Saisine

Article détaillé : Saisine.

Un juge ne décide pas de faire une enquête. Il est saisi par le parquet ou par une victime qui se constitue partie civile. Il ne peut enquêter que sur les faits matériels dont il est saisi (in rem). Il y a, à cela, une double justification : d'une part, en France, c'est le procureur de la République qui a la maîtrise des enquêtes et des poursuites, le juge d'instruction n'intervenant que par exception. Le juge disposant de grands pouvoirs coercitifs il pourrait être dangereux pour la liberté qu'il puisse les mettre en œuvre à sa guise à tout instant. A contrario, dans certains cas comme l'absence de victime directe, ce système peut aussi empêcher des enquêtes totalement indépendantes d'être initiées, puisqu'alors seul le parquet peut être le déclencheur. Or, ce dernier est soumis directement à l'autorité du pouvoir en place, qui peut avoir des intérêts à ce qu'une enquête approfondie et sur laquelle il n'aurait pas de contrôle, ne soit déclenchée.

En résumé, le juge d'instruction n'enquête que sur les faits pour lesquels le parquet lui demande d'enquêter, ou si des victimes existent et se constituent partie civile.

En ce qui concerne la compétence du juge d'instruction, l'article 52 du code de procédure pénale est assez large en désignant quatre lieux de compétence :

  • le lieu de la commission de l'infraction
  • le lieu où réside le suspect
  • le lieu d'arrestation du suspect
  • le lieu de détention du suspect

S'il ne s'estime pas compétent, l'article 90 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction pourra se déclarer incompétent.

Dessaisissement

Cette notion ne doit pas être confondue avec celle de remplacement : le juge d'instruction peut parfaitement être remplacé s'il est en état d'empêchement. Le remplacement peut alors être temporaire ou définitif. La Cour de cassation est l'unique instance habilitée à prononcer le dessaisissement du dossier d'un juge d'instruction. Seuls le procureur général près la cour d'appel ou le procureur général près la Cour de cassation sont habilités à la saisir. Le président du TGI peut prononcer le dessaisissement du juge, pour des motifs de bonne administration de la justice, de plus, un dossier peut lui être enlevé si celui-ci fait preuve d'une partialité avérée envers le suspect. Ces derniers peuvent agir de leur propre chef ou à la demande des parties. Normalement, le dessaisissement se fait par une ordonnance de clôture de l'instruction. Le dessaisissement peut être volontaire ou involontaire :

  • Le dessaisissement peut être volontaire dans le cadre de l'article 657 du Code de procédure pénale : Si deux juges d'instruction sont simultanément saisis de la même infraction, c'est une litispendance. Dans ce cas-là, le ministère public peut, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, demander à l'un des deux juges de se dessaisir. Le ministère n'a ici qu'une simple faculté. C'est un pouvoir discrétionnaire. L'article 663 du code de procédure pénale prévoir le cas de figure on l'on a deux juges d'instruction qui sont saisis d'infractions connexes ou d'infractions différentes en raison desquelles une même personne est mise en examen.
  • Le dessaisissement peut être imposé par l'article 657 du code de procédure pénale : en cas de refus des deux juges, on met en place une procédure de règlement des juges, il va falloir prendre une procédure pour décider quel est le juge qui va être dessaisi de l'affaire. L'article 84 du code de procédure pénale vise une hypothèse de dessaisissement exceptionnel demandé soit par le procureur de la République par une requête motivée soit à la demande des parties. La décision est insusceptible de recours. L'article 662 du code de procédure pénale dispose que la chambre criminelle de la Cour de cassation peut dessaisir le juge d'instruction en cas de suspicion légitime.

Indépendance

En contrepartie, le juge est libre d'enquêter comme il l'entend. Personne ne peut lui donner d'ordres et il est libre de mener les investigations qu'il juge utiles. Cette indépendance n'est pas sans contrôle : il y a plusieurs règles applicables. D'abord, « le juge instruit à charge et à décharge » (art. 81, al. 1 du code de procédure pénale). Le juge doit également instruire dans un délai raisonnable (art. 175-2), ce qui suppose souvent de faire des choix et d'écarter certaines investigations. Les parties (mise en examen, partie civile), peuvent demander au juge qu'il procède à des investigations. Il peut refuser mais doit justifier par écrit sa décision, laquelle est susceptible d'appel.

Pouvoirs d'enquête

L'article 81 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction peut prendre tous les actes d'information qu'il juge utile à la manifestation de la vérité. Le juge d'instruction est l'enquêteur qui dispose du plus de pouvoirs : il peut procéder à l'audition de toute personne, faire comparaître les témoins par la force publique (généralement : police nationale et gendarmerie), délivrer des mandats, entendre les parties civiles et les mis en examen, désigner des experts, procéder à des perquisitions et des saisies, ordonner des écoutes téléphoniques, des sonorisations... Concrètement, cependant, le juge fait rarement tout cela et il délègue ses pouvoirs aux officiers de police judiciaire, par le mécanisme de la commission rogatoire. Il est en revanche le seul à désigner des experts (parce qu'il ne peut pas déléguer ce pouvoir), et à entendre le mis en examen (parce que les personnes mises en examen ne peuvent être entendues que par un magistrat). L'essentiel du travail du juge d'instruction consiste à diriger l'enquête (par téléphone ou en rencontrant les enquêteurs, en lançant des commissions rogatoires, des expertises...) et à interroger les mis en examen, ce qui en pratique prend le plus de temps.

Pouvoirs judiciaires

Le juge d'instruction est aussi un juge. Il peut donc prononcer des mesures qui ont un caractère judiciaire, que ne peut donc prononcer un enquêteur. Le juge peut mettre en examen une personne, c'est-à-dire lui notifier qu'il existe contre elle un certain nombre d'éléments qui laissent à penser qu'elle a commis une infraction. Le terme inculpé a été remplacé en 1994 par l'expression « mis en examen ». Le mis en examen peut être toute personne qui paraît avoir participé à l'infraction, soit comme auteur, soit comme complice. Il peut d'office étendre les mises en examen. En pratique, on demande un réquisitoire supplétif adressé au ministère public. Le mis en examen a un certain nombre de droits, mais surtout il peut peser contre lui des obligations. Le juge d'instruction peut le placer sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire lui intimer de respecter certaines obligations, comme se soigner ou encore ne pas rencontrer telle personne. Il peut également saisir un autre juge, le juge des libertés et de la détention, pour placer une personne en détention provisoire. Depuis le 1er janvier 2001, le juge d'instruction ne peut plus décider seul de placer une personne en prison. Un autre juge, le juge des libertés et de la détention, intervient également, qui prend, in fine, la décision. Le juge d'instruction peut, par contre, toujours libérer quelqu'un qui est en détention provisoire. Dans un arrêt de la Chambre criminelle du 6 février 1996, la Cour de Cassation précise que le juge d'instruction peut sans excéder ses pouvoirs procéder à des actes qui, présentant un caractère non coercitif, lui permettent de conserver la situation. Il a donc la possibilité de prendre des mesures conservatoires mais pas celle d'exercer des pouvoirs invasifs. Il ne peut que conserver l'état des choses.

Enfin, à l'issue de l'enquête, le juge décide s'il y a des charges suffisantes pour renvoyer les mis en examen devant un tribunal ou une cour d'assises. Le juge ne se prononce donc pas sur la culpabilité, mais simplement sur le caractère suffisant des charges. S'il n'y a pas assez de charges, le juge d'instruction rend un non-lieu. Il arrive aussi - même le plus souvent - que l'on ne trouve pas le coupable. Si de nouveaux éléments à charge apparaissent, alors qu'une ordonnance de non-lieu pour charges insuffisantes a été prise, le procureur de la République peut demander au juge d'instruire à nouveau l'affaire. Si le non-lieu a été décidé suite à une cause légale (les faits ne constituent pas une infraction par exemple) l'ordonnance est irrévocable.

Le juge pourra également prendre une ordonnance de refus d'informer si les faits sont radicalement insusceptibles de poursuites ou si l'action publique est prescrite. L'ordonnance de refus d'informer est susceptible d'appel.

Il aura la possibilité d'instruire sur des faits qui sont connexes ou sur des circonstances aggravantes.

Caractère contradictoire de l'instruction

Par principe, l'instruction n'est pas contradictoire. Elle est en partie secrète. Elle a été conçue sur un modèle strictement inquisitorial. Progressivement, elle a été modifiée pour devenir plus contradictoire, c'est-à-dire pour ouvrir la porte aux débats pendant la phase d'enquête. En premier lieu, les inculpés ont eu le droit à un avocat en 1896, qui est présent pendant les interrogatoires de son client et a accès au dossier. Récemment, les avocats ont eu le droit de faire des demandes d'investigations. Certaines décisions du juge d'instruction sont susceptibles d'appel : refus de procéder à des investigations, décisions de renvoi ou de non-lieu... L'appel est porté devant une formation spéciale de la cour d'appel, la Chambre de l'instruction.

La mission du juge n'est donc pas de dire la vérité, mais il instruit à charge et à décharge (article 81 du code de procédure pénale). Il doit rassembler des preuves afin de déterminer s'il existe des charges suffisantes contre un mis en examen. S'il estime qu'il existe suffisamment de preuves, il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ou une ordonnance de mise en accusation (pour saisir la cour d'assises). À défaut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu, qui met fin à la procédure.

Il joue le rôle de filtre, au même titre que le parquet, pour éviter de saisir le tribunal d'affaires « injugeables ». Le juge dispose de moyens d'enquêtes importants, juridiquement tout au moins, qui justifient qu'il soit saisi pour les affaires complexes ou graves.

Par rapport aux enquêteurs de police ou de gendarmerie, il présente plusieurs avantages : il est généralement plus qualifié, et connaît mieux la procédure, il sait aussi comment raisonnent les autres magistrats du siège et peut donc réunir un dossier où ils pourront puiser les réponses à leurs questions. Par ailleurs, le juge d'instruction est un juge indépendant, ce qui empêche que des enquêtes ne soient ralenties par des pressions extérieures. En effet, le juge d'instruction est indépendant de l'État depuis la séparation des pouvoirs. Dans un souci d'indépendance et d'impartialité, les fonctions entre le procureur de la République et le juge d'instruction ont été bien définies et séparées.

Recours

Modalités de la saisine

Le juge d'instruction peut faire l'objet de deux types d'appel. Il existe tout d'abord une voie de l'appel dirigée contre les ordonnances qu'il émet, et une voie de requête en nullité. Dans les deux cas, la saisine est ouverte aux parties de la procédure : le ministère public, la personne poursuivie ou la victime si elle s'est constituée partie civile.

L'appel s'effectue auprès de la chambre d'instruction. Lorsqu'elle est saisie par la voie de l'appel (procédure classique), la saisine a un effet dévolutif, qui a pour effet de limiter l'examen de la chambre au point de droit contesté. La loi donne cependant à la chambre d'instruction un droit d'évocation qui lui permet, si elle le juge nécessaire, d'évoquer l'ensemble du dossier et non pas seulement le point de droit soumis par les parties.

La chambre d'instruction

La chambre d'instruction était autrefois la chambre d'accusation. Son nom a changé depuis la loi du 15 juin 2000.

Présente dans chaque cour d'appel, la chambre de l'instruction a pour fonction de contrôler la décision que le juge d'instruction a prise en première instance. C'est une juridiction d'appel permettant aux parties d'avoir une appréciation à deux niveaux. Relevant de la cour d'appel, c'est une juridiction collégiale composée de 3 magistrats :

  • le président de la chambre de l'instruction
  • 2 conseillers

La chambre est une juridiction d'appel qui statue sur les décisions du juge d'instruction, sur les nullités invoquées contre les décisions du juge d'instruction et possède un pouvoir de révision de l'intégralité des décisions en matière criminelle. Elle est garante de la durée des procédures d'instruction. Elle s'assure du bon fonctionnement de l'instruction et vérifie que les procédures ne subissent aucun retard injustifié. En matière criminelle, la chambre peut user de son droit général de révision du dossier, droit n'intervenant que lorsque l'instruction est terminée.

La compétence de la chambre couvre le ressort de la cour d'appel dans laquelle elle est implantée.

Proposition de suppression du juge d’instruction

Le 7 janvier 2009, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, propose la suppression du juge d'instruction, préférant un juge de l'instruction qui « contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus »[1]. Cette proposition de suppression a entraîné de vives critiques de la part des magistrats et de l'opposition quant à ses effets sur l'indépendance de la justice[2].

Le 29 août 2009, le Journal du dimanche rapporte que le comité présidé par l'ancien magistrat Philippe Léger, chargé de réfléchir à une refonte de la procédure pénale française, propose la suppression du juge d'instruction, dont les pouvoirs seront confiés au Parquet, celui-ci restant malgré tout soumis à l'autorité hiérarchique du Ministère de la Justice[3],[4]. L'opposition, les principaux syndicats de magistrats, ainsi que certains juges, tels que Renaud Van Ruymbeke[5], critiquent fortement ces conclusions[3].

Pour en savoir plus

Articles connexes

Notes et références

Liens externes


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