Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881

Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881
Loi sur la liberté de la presse
Titre Loi ordinaire du 29 juillet 1881
Pays Drapeau de France France
Type Loi ordinaire
Branche Droits fondamentaux
Droit pénal
Législature Gouvernement Jules Ferry (1)
Adoption 29 juillet 1881
Version en vigueur 7 mars 2007
Texte sur Légifrance

La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 définit les libertés et responsabilités de la presse française, imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu'à l'affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique.

Elle est souvent considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté de la presse et de la liberté d'expression en France, inspirée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle est, dans le même temps, le texte qui en limite l'exercice et incrimine certains comportements spécifiques à la presse (appelés « délits de presse »).

Sommaire

Historique

Avec la loi du 16 juillet 1871, prise en réaction à la Commune de Paris, le dépôt d'un fort cautionnement comme préalable obligatoire à la parution de journaux fut rétabli. Avec l'arrivée des républicains au pouvoir en 1876, se sont engagées d'âpres négociations avec la droite, conservatrice d'un certain "ordre moral", et la presse d'opinion.

C'est pourtant avec un large soutien que la loi du 29 juillet 1881 est votée par le parlement.

Le régime de l'autorisation préalable ainsi que le cautionnement sont abolis, on passe d'un système préventif à un système répressif. Une répression qui ne se manifeste qu'à travers quelque délit de presse tel que l'offense à la personne du président de la République, l'injure ou encore la diffamation. Grâce à cette loi, la presse dispose du régime le plus libéral que la France ait jamais connu. En effet, cette loi engendre la suppression de l'autorisation préalable, du cautionnement et du timbre comme le déclare l'article 5: "tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation au préalable, et sans dépôt de cautionnement...", ce qui réduit les lourdes charges financières dont étaient victimes les journaux et favorise l'apparition de nouvelles publications.

Principales dispositions

L’information préalable sur les publications

La loi admet le principe d’un contrôle répressif a postériori des publications, par l’autorité judiciaire chargée de sanctionner et de réparer les dommages causés, ce qui impose certaines formalités préalables : déclarations préalables, inscriptions et enregistrements, mentions obligatoires et dépôts obligatoires, qui constitue un moyen d’information préalable sur les publications.

Le respect de ces formalités s’impose aux éditeurs d’écrit, périodiques ou non. L’article 5 de la loi de 1881 énonce : "tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable ni dépôt de cautionnement, après la déclaration prescrite à l’article 7". Ainsi, la déclaration préalable de l’article 7 prévoit : " Avant la publication de tout journal ou écrit périodique, il sera fait au parquet du procureur de la République, une déclaration contenant :

  • le titre du journal ou écrit périodique et son mode de publication,
  • le nom et la demeure du directeur de la publication et, dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 6,du codirecteur de la publication,
  • l'indication de l'imprimerie où il doit être imprimé.

Toute mutation dans les conditions ci-dessus énumérées sera déclarée dans les cinq jours qui suivront."

Les déclarations, sur papier timbré, sont signées du directeur de la publication, contre récépissé (article 8).

L’article 9 prévoit les sanctions pénales en cas de non-respect des articles précédant. Le périodique ne pourra continuer sa publication qu’après avoir accompli ces formalités.

La loi du 1er aout 1986 ajoute l’obligation de "l’ours" : un encart dans lequel figure les mentions obligatoire sur l’identité du directeur de la publication.

Article 5 : Dans toute publication de presse, les informations suivantes doivent être portées, dans chaque numéro, à la connaissance des lecteurs : 1° Si l'entreprise éditrice n'est pas dotée de la personnalité morale, les nom et prénom du propriétaire ou du principal copropriétaire ; 2° Si l'entreprise éditrice est une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, sa forme et le nom de son représentant légal et de ses trois principaux associés ; 3° Le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction.

Responsabilité du directeur de publication

Article détaillé : Directeur de publication.

Le directeur de publication est responsable devant les tribunaux de l'action de ses journalistes et collaborateurs dans le journal qu'il dirige.

Délits de presse

La loi accorde des libertés mais définit aussi ses limites pour les garantir. Il existe des délits de presse (provocation aux crimes ou aux délits : meurtre, pillage, incendie, etc.) qui instaurent des responsabilités individuelles et collectives à la fois (depuis le distributeur jusqu'à l’éditeur de publication).

  • Les délits contre la chose publique : offense au président de la République, publication de fausses nouvelles.
  • Les délits contre les personnes : atteinte à l’honneur ou considération d’un citoyen,…

Pour ces délits, la loi accorde le droit de rectification (qui deviendra le droit de réponse) qui protège tout citoyen mis en cause dans une publication et l’autorise à répondre.

La publication d’acte d’accusation et de procédure criminelle est interdite ainsi que le compte rendu des délibérations des juges. Les responsables, s’il y a un délit, sont les gérants et les éditeurs, sinon les auteurs et les imprimeurs, sinon les vendeurs et les distributeurs. Les auteurs peuvent être poursuivis comme complices. Les crimes et les délits sont sanctionnés par la Cour d’assises, les tribunaux correctionnels ou par la simple police, tout dépend du délit.

Provocation

Diffamation

Article détaillé : Diffamation en droit français.

La diffamation est définie à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 lequel dispose : "constitue une diffamation toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé".

Il faut retenir que le fait imputé peut être réel ou non. Il existe deux moyens de défense lorsque la diffamation est établie : c'est d'une part l'exceptio veritatis et d'autre part la bonne foi.

Selon l'avocat Basile Ader, spécialiste du droit de la presse, c'est parce qu’elle est de nature pénale que la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 est protectrice de la liberté de la presse. Elle offre en effet les garanties de la procédure pénale : prévisibilité et interprétation stricte de l’infraction de presse, oralité des débats, audition des témoins, primauté des droits de la défense[1], qui permet à celle-ci de faire valoir sa bonne foi.

Exceptio veritatis

En latin : «exception de la vérité».

C'est le fait de rapporter la réalité des faits qui ont été reconnus comme diffamatoires. L'exceptio veritatis ne peut pas toujours être rapportée. C'est notamment le cas en matière d'infraction amnistiée, les infractions prescrites ou les faits relatifs à la vie privée.

La jurisprudence est très exigeante sur la preuve de l' exceptio veritatis qui doit être certaine, étayée et articulée aux faits. Juste 1% des relaxes sont fondés sur l' exceptio veritatis.

La bonne foi

La mauvaise foi est présumée. La bonne foi se démontre par :

  • un but légitime
  • la sincérité des propos
  • la prudence et l'objectivité

Injure

Article détaillé : Injure.

Racisme

La slza diffamation raciste (en «raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée») constitue depuis 1881 un délit pénal passible « d'un emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de 1.000 F à 1.000.000 de francs » [2]. Depuis la réforme du Code pénal de 1994, elle est passible d'un an d'emprisonnement ou d'une amende[3].

La loi de 1881 a été modifiée par la loi du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme[4], qui punit entre autres l'injure raciste, et introduit à l'art. 24 de la loi de 1881 la disposition suivante:

« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2.000 F à 300.000 F ou de l'une de ces deux peines seulement. »[4]

La peine prévue est aujourd'hui «d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement» [5], la peine minimale d'un an ayant été introduite à l'occasion de la réforme du Code pénal en 1992[6].

Contrôle des publications étrangères

Dans sa rédaction résultant d'un décret-loi du 6 mai 1939, l'article 14 de la loi, jusqu'à l'abrogation du décret-loi par le décret n°2004-1044 du 4 octobre 2004, permettait, sous peine de prison et d'amende, l'interdiction par le ministre de l'intérieur de la circulation, de la distribution et de la mise en vente en France des journaux ou écrits rédigés en langue étrangère ainsi que des journaux et écrits de provenance étrangère rédigés en langue française, imprimés à l'étranger ou en France[7]. Dans un avis du 10 janvier 2008, le Conseil d'État a estimé « qu’en abrogeant le décret du 6 mai 1939, le Premier ministre a mis fin à l’application des dispositions issues de ce texte mais n’a pas remis en vigueur[8] les dispositions de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 dans sa rédaction initiale. »[9]

Le médiateur de la République avait demandé l'abrogation de ces dispositions[10].

Contestations contentieuses de l'article 14 ou des interdictions

Règles de procédure particulières

Références

  1. Dépénaliser la diffamation, c’est pénaliser la presse, Par Basile Ader (9 Janvier 2009) Médiapart
  2. Article 32 de la loi de 1881, version en vigueur de 1881 à 1972: « La diffamation commise par les mêmes moyens envers un groupe de personnes non désignées par l'article 31 de la présente loi, mais qui appartiennent, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, sera punie d'un emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de 1.000 F à 1.000.000 de francs [10 à 10.000 nouveaux francs], lorsqu'elle aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou habitants. »
  3. Art.32 loi 1881 (de 1994 à 2000)
  4. a et b Loi du 1er janvier 1972 relative à la lutte contre le racisme, Légifrance
  5. Article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse
  6. art. 246 Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur
  7. Emmanuel Dreyer, « Régime administratif des publications étrangères », JurisClasseur Communication, fascicule 2150
  8. François Gilbert, « La police des publications étrangères est morte, vive la police des publications étrangères ! », le blog Droit administratif, 18 octobre 2006
  9. Conseil d'État, avis n° 380.902 du 10 janvier 2008.
  10. Rapport 2003 au Président de la République et au Parlement, proposition 03-R04, p.65
  11. Annie Fitte-Duval, Stéphanie Rabiller, « Le déclin annoncé de la police des publications étrangères. À propos de l'arrêt GISTI du 7 février 2003 », RFDA 2003, p. 961

Voir aussi

Article connexe

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