Accords Hô-Sainteny

Accords Hô-Sainteny

Les accords Hô-Sainteny signés, le 6 mars 1946, entre le commissaire du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) Jean Sainteny, ancien résistant, et Hô Chi Minh, chef du Gouvernement provisoire de la République indépendante du Vietnam (proclamée le 2 septembre 1945 après la Révolution d'Août), reconnaissent, par la République française, l'existence d'un État libre du Vietnam au sein de l'Empire français. Ils prévoient aussi l'organisation à Fontainebleau d'une conférence qui précisera les modalités d'application de ces accords. Les accords Hô-Sainteny marquent la dernière tentative de sauver la paix et de trouver un terrain d'entente entre le mouvement d'indépendance Viet Minh et le Gouvernement français.

Sommaire

Contexte

Après la capitulation du Japon, l'Indochine est occupé au Nord par les troupes nationalistes de Tchang Kaï-chek et au sud par l'armée britannique. Le Viet Minh est surtout présent au Nord du pays. Ayant proclamé l'indépendance du Vietnam le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh tente d'obtenir la reconnaissance de la communauté internationale au nom des droits énoncés dans la Charte de l'Atlantique. C'est ainsi qu'il envoie de nombreuses lettres au président Truman, lettres qui n'obtiendront aucune réponse officielle. Hô Chi Minh commence à asseoir son pouvoir en éliminant une partie de ses adversaires politiques (nationalistes, troskystes). Parallèlement, l'objectif de la France est de « restaurer l'autorité de la France en Indochine » selon les termes du général de Gaulle prononcés en mars 1945. Depuis plusieurs mois, en effet, les autorités françaises sont diminuées du fait du coup de force du 9 mars 1945, lorsque les Japonais ont décapité les derniers vestiges de l'autorité française sur la colonie. Pour de Gaulle, l'indépendance du Vietnam, dans le cadre de retour de la France sur le devant de la politique internationale, est impossible. La nomination du vice-amiral Thierry d'Argenlieu comme Haut-commissaire et commandant en chef pour l'Indochine traduit la volonté de de Gaulle. Chaque camp se renforce, donc, au cours des derniers mois de l'année 1945. les Français, qui reprennent pied progressivement au cours de l'automne 1945, éloignent l'empereur Bao Dai qui voyait l'indépendance de son pays favorablement. Le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient commandé par le général Leclerc s'empare en quelques semaines de la Cochinchine et du Sud-Annam. Contrairement à d'Argenlieu, Leclerc est persuadé qu'il faudra négocier pour contrôler à nouveau le pays. Le départ du général de Gaulle va précipiter les évènements.

Accords et conditions d'application

Le 19 janvier 1946, le général de Gaulle, alors président du Gouvernement provisoire de la République française, démissionne, montrant ainsi sa désapprobation du « régime des partis » et de la politique engagée par l'Assemblée nationale constituante (crédits militaires, projet de nouvelle constitution). Cet évènement de politique intérieure française va avoir des répercussions en Indochine. Sous l'influence du Parti communiste et de la SFIO, Félix Gouin, nouveau chef du Gouvernement, décide de confier à Jean Sainteny, présent en Indochine depuis un an, les négociations avec Hô Chi Minh. Par ailleurs, le Viet Minh s'est renforcé en ce début d'année 1946. Il a gagné les élections organisées dans le Nord et le Centre du pays sous son contrôle. C'est donc en position de force que les indépendantistes vietnamiens accueillent le commissaire du GPRF. Hô Chi Minh est bien conscient que l'armée française est plus moderne et aguerrie que ses troupes en cours de formation et il redoute la mainmise des Chinois sur le Nord-Vietnam. Il cède donc sur plusieurs points. Il accepte que le corps expéditionnaire de Leclerc occupe le Nord du pays et que de nouvelles élections soient organisées à condition que l'autonomie du Vietnam soit reconnue par le GPRF (« la France reconnaît la République du Viêt Nam comme un État libre ayant son gouvernement, son Parlement, son armée et ses finances ». Les accords sont signés entre les différents protagonistes le 6 mars 1946 et Hô Chi Minh est invité en France pour poursuivre les négociations. Déjà, certaines voix dénoncent ces accords, comme Thierry d'Argenlieu, et parlent de « Munich indochinois ». Le 18 mars 1946, Hô Chi Minh accueille les troupes de Leclerc qui entrent dans Hanoï. Pas un coup de feu n'est tiré. La paix semble sauve.

Échec de la conférence de Fontainebleau

Début des hostilités

Alors que Ho Chi Minh est en route pour Paris, d'Argenlieu en accord avec Moutet fait proclamer le 1er juin, la République autonome de Cochinchine, en violation des accords du 6 mars. La conférence de Fontainebleau s'ouvre le 22 juin, entre Ho Chi Minh et le gouvernement provisoire présidé par Georges Bidault. Le 14 septembre, Ho Chi Minh signe un accord de "modus vivendi" avant de rentrer. Le 10 septembre, les Français reprennent le service des douanes alors que cela devait être négocié. Les vietnamiens protestent. Leclerc est reparti, d'Argenlieu est à Paris. A Haiphong, C’est à propos d’un contrôle douanier qu’eut lieu le premier accrochage le 19 novembre 1946, des coups de feu furent échangés entre deux patrouilles, une Française et une vietnamienne, puis dans la ville pour se transformer en bataille généralisée. La fusillade dégénère et fait 24 morts. Parmi eux le commandant Carmoin qui s'avançait avec un drapeau blanc vers les Vietnamiens de la jonque, Ho Chi Minh propose de réunir immédiatement la commission mixte des douanes. Mais le général Valluy, remplaçant d'Argenlieu, après avoir câblé au colonel Dèbes le 22 : « Suite événement du 20, estime indispensable profiter incident pour améliorer notre position Haiphong » lui donne l'ordre suivant : « Le moment est venu de donner une dure leçon à ceux qui nous ont traîtreusement attaqués. Par tous les moyens à votre disposition vous devez vous rendre maître complètement d'Haiphong et amener le Gouvernement et l'armée vietnamienne à résipiscence. » L'incident de la jonque chinoise est aussitôt exploité par les partisans d'une reconquête de l'ancienne colonie. Leur chef de file est l'amiral d'Argenlieu. Un cessez-le-feu intervint assorti d’un ultimatum français, exigeant l’évacuation de la ville par les troupes vietnamiennes. Dèbes attaque le 23 novembre et fait bombarder Haiphong par trois navires de guerre, C’est là que commence la guerre, par la volonté de d’Argenlieu de passer à la reconquête, de s’emparer de ce port, essentiel dans l’activité économique, comme le montrent les cartes du temps du colonialisme. L’accord du 6 mars parlait bien de finances indépendantes, mais, précisément, les ressources essentielles du gouvernement vietnamien se trouvaient dans ce port et les troupes françaises prétendaient continuer à en contrôler l’activité commerciale. Un témoin, Henri Martin, alors jeune marin combattant FFI et engagé volontaire pour combattre les Japonais, commente : « À 10 heures le 23 novembre 1946, les canons de la marine ont ouvert le feu. Le croiseur Émile Bertin depuis l’embouchure de la rivière Rouge mais nous, avec Le Chevreuil, nous étions sur la rivière, dans la ville. Nous avons épuisé notre stock de cinq cents obus, et ravitaillés, nous en avons encore tiré cinq cents. L’amiral Battet a estimé le nombre des victimes en ville à six mille, mais il est possible qu’il y en ait eu davantage quand on sait que le bombardement a porté surtout sur le quartier annamite, aux maisons serrées. D'après Paul Mus (conseiller politique de Leclerc) qui cite une enquête de l'amiral Battet, il y aura 6000 morts, essentiellement des civils. C'est le début de la guerre d'Indochine qui, pour ce qui est de la France, durera 7 ans et demi. Il ne fait maintenant pas de doute, que ce bombardement fait partie des provocations françaises pour mettre un terme à l'indépendance que le Vietnam était en train d'acquérir. C'est le général Valluy qui, sans doute en accord avec d'Argenlieu, a mis le gouvernement français devant le fait accompli. Sa directive du 10 avril : « transformer le scénario, qui est celui d'une simple opération militaire, en un scénario de coup d'État » montre que la préméditation était du côté français et non de celui de Ho Chi Minh. La France crut, avec le parti colonial des administrateurs et de leurs amis, qu'il serait possible, comme en 1885, de réinstaller, à la tête du Vietnam reconquis.


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