Ghar El Melh

Ghar El Melh

37° 10′ 26″ N 10° 11′ 31″ E / 37.174, 10.192

Ghar El Melh
Vieux port de Ghar El Melh
Administration
Pays Drapeau de Tunisie Tunisie
Gouvernorat Bizerte
Délégation(s) Ghar El Melh
Maire Mondher Dhib
Code postal 7033
Démographie
Population 5 018 hab. (2004[1])
Gentilé Gharmelhi
Géographie
Tunisian Republic location map.svg
Ghar El Melh
Ghar El Melh

Ghar El Melh (غار الملح), signifiant « grotte du sel » (du fait de la proximité de salines) et anciennement appelé Porto Farina, est un village côtier du nord-est de la Tunisie.

Sommaire

Géographie

Ghar El Melh est situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Tunis et à une quarantaine de kilomètres à l'est de Bizerte. Rattachée au gouvernorat de Bizerte, la municipalité compte 5 018 habitants[1]. Elle est chef-lieu d'une délégation de 18 525 habitants dont plus de la moitié réside en milieu rural. La délégation ne contient qu'une autre municipalité, Aousja, et deux conseils ruraux, Béjou et Zouaouine[2].

Vue aérienne du site

Le village est connu pour son site historique et la longue plage de Sidi Ali El Mekki située à cinq kilomètres à l'est du village. La municipalité possède en tout sept kilomètres de côtes s'étalant entre le cap de Sidi Ali El Mekki et le port de Kalâat el-Andalous. Bâti au pied du Djebel Nadour, le village se trouve au fond de la lagune portant son nom, vestige du golfe d'Utique en grande partie comblé par l'apport d'alluvions de la Medjerda dont l'embouchure se trouve à six kilomètres plus au sud. La lagune, couvrant une superficie d'environ 3 000 hectares et bordée une vingtaine de kilomètres de rivages, est peu profonde. Elle est classée, depuis novembre 2007, comme zone humide d'importance internationale (convention de Ramsar), vu sa richesse naturelle et sa diversité biologique[3].

Les principales espèces qui y sont pêchées sont par ordre d'importance : les muges, la dorade, le loup, la sole et l'anguille[4].

Histoire

Carte du cap et de la lagune en 1939

Fondé au début de l'installation des Phéniciens en Tunisie (814 av. J.-C.), l'antique Rusucmona devient rapidement un comptoir renommé pour être l'avant-port d'Utique. Il devient par la suite une importante base pour les corsaires barbaresques. Suite à la conquête de la Tunisie par Charles Quint en 1534, les Espagnols tentent de les combattre et y construisent un fort mais c'est l'amiral britannique Robert Blake qui en vient à bout en 1654. Toutefois, le port et ses défenses sont reconstruits rapidement et redeviennent une base pour des pirates britanniques et maltais. Sous le règne d'Usta Mourad, dey de Tunis d'origine génoise en place de 1638 à 1640, la ville est rebâtie et accueille une colonie andalouse arrivée après son expulsion par Philippe III d'Espagne[5]. Une autre colonie turque la suit suite à l'appel lancé par le souverain tunisien pour les encourager à s'y installer. En 1834, un important arsenal appartenant à un pirate maltais explose et détruit une partie de Ghar El Melh.

Ahmed Ier Bey (1837-1855) décide de mettre fin à la piraterie en Tunisie et de transformer leur base en un port militaire et de commerce. Dans la perspective d'un nouvel arsenal maritime et suite à l'acquisition d'une demi-douzaine de vaisseaux (provenant de France et d'Italie), il y fait construire de nouvelles jetées, des quais, des entrepôts et des ateliers ainsi que de nouvelles casernes et forteresses[6].

À partir de 1840 une communauté de Maltais, d'Italiens et de Français se sont installés au village. La colonie d'origine maltaise a vécu à Ghar El Melh jusqu'à l'aube de l'indépendance. L'une des activités auxquelles s'adonnent à l'origine les Maltais est la contrebande. Mais, à la fin du XIXe siècle, l'instauration d'un régime douanier plus rigoureux oblige les contrebandiers à se transformer en pêcheurs et en maraîchers. Pour cette communauté, le moment crucial arrive après l'indépendance de la Tunisie en 1956 : en refusant de prendre la nationalité tunisienne, les Maltais doivent s'astreindre à quitter ce qui, pour la majeure partie d'entre eux, était leur terre natale[7].

Culture

Festivals et événements

Pendant la saison estivale, on peut assister au plus important rendez-vous de la photographie en Tunisie : les Rencontres internationales de photographie de Ghar El Melh ; les expositions et ateliers ont lieu au sein de deux des trois forts alors que des soirées nocturnes sont organisées sur la plage. La septième édition s'est tenue du 1er au 5 juillet 2009[8].

Enseignement

La délégation dispose de sept écoles primaires, de deux écoles préparatoires et d'un centre de formation dans les métiers de la pêche de stature nationale. On y trouve aussi une maison de la culture, une maison des jeunes ainsi qu'une bibliothèque publique[2].

Site patrimonial

De nos jours, Ghar El Melh accueille un vieux port turc ainsi que trois forts. L'ancien port avec l'arsenal, appelé par les habitants « El Kichla », joue un rôle prépondérant dans la région, à l'époque punique, en tant que comptoir commercial ainsi que site militaire grâce au caractère géomorphologique de son site d'implantation.

Borj Lazarit (situé à l'entrée du village) : le mieux restauré de tous les forts
Borj El Wistani (surplombant le vieux port) : le plus ancien des trois forts et le moins bien restauré (2007)
Borj El Loutani (en bas du village) près du vieux port

Aménagé en 1638, le vieux port est longtemps le port de la première base militaire en Tunisie. Il est ensuite abandonné en 1818 et une tentative de rénovation sans succès est entreprise en 1838. Le port est ensuite devenu un important port de pêche de la région. En 1975, la construction d'un nouveau port, ouvert directement sur la mer, relègue progressivement le vieux port à une pêche artisanale dans les eaux de la lagune.

L'arsenal est fondé sur les ordres de Mourad III Bey à la fin du XVIIe siècle. Il est constitué de 17 galeries voûtées en berceau servant de remises pour les vaisseaux de guerre. Le chantier naval est alors doté d'un oratoire et de deux bagnes pour les esclaves. À l'est s'élèvent les ateliers des calfateurs, des charpentiers, des forgerons et des fabricants d'armes[9]. Il fut petit à petit abandonné jusqu'à devenir un amas de ruines en 1984. Les travaux de restauration ont cependant permis la réfection de l'ensemble des galeries, d'une partie des arcades et la consolidation du fronton et de sa décoration inspirée de l'art anatolien de l'époque[10].

Les trois forts datent tous de l'époque ottomane[11], leur construction remontant aux environs de 1650. Historiquement, ils servent de bagne pour les esclaves faits prisonniers par les corsaires lors d'attaques en mer.

Sous l'impulsion des ingénieurs morisques, la fortification du XVIIe siècle adopte la technique de la « maçonnerie creuse » qui apparaît comme la principale caractéristique de cette nouvelle école. Les forts de Ghar El melh figurent parmi leurs œuvres[9]. Le premier fort, situé à l'entrée du village et édifié en 1659 sous les ordres d'Hammouda Pacha Bey, est appelé Borj Lazarit par les habitants. Il est entouré de toutes parts d'un large fossé. Il a servi durant tout le XIXe siècle comme lieu de quarantaine. Le deuxième fort ou Borj El Wistani, achevé en 1640 sous la conduite de l'architecte andalous Hadj Moussa Jamiro al-Andaloussi al-Garnati, est utilisé comme prison, lycée puis lieu d'habitation. Le troisième fort ou Borj El Loutani, achevé en 1659, donne sur le vieux port. Il a été utilisé comme garnison et comme prison[10].

Ces trois forteresses ont subi des transformations et une forte dégradation à la suite de leur transformation en prison civile (karraka), probablement dès 1881, date du début du protectorat français de Tunisie. En 1922, les trois forts sont classés monuments historiques[12]. En 1964, ils cessent d'être des prisons et sont désaffectés. Le gouvernement tunisien a entrepris, à partir de 1990, un vaste programme de restauration et de mise en valeur de ces monuments.

Économie

Depuis l'Antiquité, la population de Ghar El Melh travaille, presqu'exclusivement, dans l'agriculture et la pêche[13].

Agriculture

Dans l'arrière-pays, l'agriculture est réputée par sa forte intensité d'occupation du sol et une grande diversité dans les cultures. Elle associe l'arboriculture aux cultures annuelles et pluriannuelles et les cultures sèches aux cultures irriguées. On pratique également l'élevage bovin, ovin et avicole.

Le paysage de cette zone est marqué par une mosaïque de terrasses, résultat d'une adaptation des techniques d'exploitations agricoles à la nature difficile du site servie par une bonne pluviométrie et par l'existence de 1 451 puits. Cette culture en terrasse a probablement été développée par les immigrants andalous[10].

La délégation de Ghar El Melh compte près de 8 885 hectares de terres agricoles et occupe environ 1 842 agriculteurs. Elle dispose de cinquante hectares de pâturages, de 1 621 hectares de forêts et de trois barrages collinaires[2].

On y produit quelque 580 tonnes de viande rouge et 5 115 tonnes de lait. Les activités avicoles produisent 350 tonnes de viande blanche et près de 500 000 œufs. Enfin, les activités apicoles produisent cinq tonnes de miel[2].

Pêche

Nouveau port de pêche
Vue de la plage

La pêche constitue depuis longtemps l'une des activités économiques principales de la région. Le secteur emploie essentiellement des techniques traditionnelles et absorbe une main d'œuvre très importante.

Le nouveau port abrite environ 250 unités de pêche et est consacré à la pêche côtière ainsi qu'à la pêche au feu et à la petite senne. Le vieux port abrite une cinquantaine de petites unités dédiées à la pêche dans la lagune. La production de la pêche à Ghar El Melh est d'environ 2 150 tonnes de poisson par an (dont trente tonnes qui proviennent de la lagune) occupant une population de pêcheurs estimée à 1 700[2].

La proximité de la Medjerda génère un comblement progressif et continu du port. Cette situation exige un dragage périodique et a nécessité la construction de digues de protection reliées au rivage et visibles de la plage limitrophe du port.

Industrie

Au sein de la délégation, le secteur industriel fait une apparition modeste. On compte désormais sept unités industrielles employant près de 900 personnes[2].

Tourisme

On peut profiter de la plage de Sidi Ali El Mekki, l'une des plus belles plages de la Tunisie.

Le sommet du Djebel Nadour, d'une altitude de 334 mètres, est accessible en voiture (en faisant un détour par Raf Raf) et offre une superbe vue sur la région. Le djebel s'étire vers l'est pour former le cap Sidi Ali El Mekki (également appelé cap Farina ou promontoire d'Apollon), en face de l'île Plane[14], qui marque l'une des extrémités de la dorsale tunisienne.

Plus à l'est de la plage et sur le flanc sud du Djebel Edmina, on peut visiter le mausolée de Sidi Ali El Mekki qui est devenu un lieu de pèlerinage attirant les adeptes de diverses régions de Tunisie[15].

Plus loin encore et situé à hauteur du promontoire qui surplombe le cap Farina, on retrouve le mausolée de Sidi Haj M'Barek.

Politique

Ghar El Melh abrite le siège de la délégation, le siège de la municipalité, un poste de sûreté nationale, deux postes de la garde nationale, une recette municipale et un bureau de poste. La délégation dispose à Aousja d'une station d'épuration, d'une agence bancaire et d'un bureau de poste.

Références

  1. a et b (fr) Recensement de 2004 (Institut national de la statistique)
  2. a, b, c, d, e et f (fr) M. Bellakhal, « Actions concertées pour l'amélioration des conditions de vie », Le Renouveau, 22 avril 2009
  3. (en) [PDF] Rym Zakhama-Sraieb, Yassine-Ramzi Sghaier, A. Omrane et Faouzia Charfi-Cheikhrouha, « Pinna nobilis Linnaeus, 1758 population in the Ghar El Melh lagoon: biological characteristics », WADI EU Sixth Framework Programme, Malte, 5-8 novembre 2008, p. 18
  4. (fr) Étude sur le développement de l'aquaculture en Tunisie (FAO)
  5. Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, tome III « Les temps modernes », éd. Sud Éditions, Tunis, 2007, p. 63
  6. (fr) Jean Batou, Cent ans de résistance au sous-développement, éd. Librairie Droz, Genève, 1990, p. 160
  7. (fr) Marc Donato, Rue des Maltais : la vie de la colonie maltaise de Tunisie, éd. Gandini, Nice, 2002, p. 165
  8. (fr) Olfa Belhassine, « Sous le signe de la mise en scène », La Presse de Tunisie, 9 juillet 2009
  9. a et b Néji Djelloul, Les fortifications en Tunisie, éd. Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle, Tunis, 1999
  10. a, b et c Abdelhakim Slama Gafsi, Ghar El Melh, éd. Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle, Tunis, 2008
  11. (fr) [PDF] Abdelhakim Slama, « Note préliminaire sur la restauration à Ghar El Melh », Electronic Journal of Oriental Studies, vol. IV, n°39, 2001, pp. 1-30
  12. (fr) Repères chronologiques de la protection du patrimoine en Tunisie (arvha.org)
  13. (fr) [PDF] « Zone sensible littorale de Sidi Ali El Mekki », Agence de protection et d'aménagement du littoral, février 2003, pp. 43-44
  14. (fr) Plan de la région orientale du gouvernorat de Bizerte (Flickr)
  15. (fr) [PDF] « Zone sensible littorale de Sidi Ali El Mekki », Agence de protection et d'aménagement du littoral, février 2003, p. 42

Bibliographie

  • Margaret Ames Alexander, Cécile Dulière, Saïda Besrour et Mongi Ennaifer, Région de Ghar el Melh (Porto Farina) : atlas archéologique de la Tunisie. Feuille 7, éd. Institut national d'archéologie et d'art, Tunis, 1973

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ghar El Melh de Wikipédia en français (auteurs)

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