Tycho Brahe

Tycho Brahe
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Tycho Brahe
Image illustrative de l'article Tycho Brahe
Naissance 14 décembre 1546
Knutstorp (Danemark)
Décès 24 octobre 1601
Prague (Bohême)
Nationalité Drapeau du Danemark Danois
Champs Astronomie
Diplômé de Privée
Renommé pour Catalogue d'étoiles, Système géo-héliocentrique
Signature
Tycho Brahe.signature.png

Tycho Brahe (Tyge Ottesen Brahe), dit Le noble Danois ou L’homme au nez d’or (14 décembre 154624 octobre 1601), est un astronome danois originaire de Skaneland région historique du Danemark qui fait maintenant partie de la Suède. Il est connu pour avoir établi un catalogue d’étoiles précis pour son époque, ainsi que pour avoir produit un modèle d’univers cherchant à combiner le système géocentrique de Ptolémée et héliocentrique de Nicolas Copernic.

Tycho Brahe a pu mener ses travaux en astronomie grâce à l’octroi d’un domaine sur l’île de Ven où il fit construire un observatoire astronomique qu’il appela Uraniborg et une pension annuelle accordés par le roi Frédéric II de Danemark.

De 1600 jusqu’à sa mort survenue en 1601, il fut assisté par Johannes Kepler, qui allait plus tard utiliser ses données astronomiques pour développer ses propres théories sur l’astronomie et formuler les trois lois du mouvement des planètes dites lois de Kepler.

Sommaire

Biographie

L'enfance

Tycho Brahe est né au château de Knudstrup, en Scanie, alors province danoise. Il était l’aîné des garçons d’Otto Brahe et Beatte Bille, tous deux issus de la haute noblesse danoise. La famille était d’origine suédoise, mais son grand-père ainsi que son père appartenait à une branche familiale qui s’était fixée au Danemark[1]. Son frère jumeau est mort avant d’être baptisé. Tycho Brahe avait aussi deux sœurs, dont l’aînée s’appelait Kristine et la plus jeune Sophia qui deviendra plus tard astronome et chimiste. Son père, Otto Brahe, était un noble et une figure importante de la cour du roi du Danemark. Sa mère était issue d’une importante famille dont la particularité était d’avoir donné des hommes politiques et des hommes d’église.

Les dispositions intellectuelles que manifesta Tycho Brahe dès son enfance frappèrent un de ses oncles maternels, Steno Bille, qui se chargea de son éducation. Il lui donna asile dans son domaine de Herritzwart près de Knudstrup où il put se consacrer à des observations astronomiques ainsi qu’à l’étude de l’alchimie que son oncle affectionnait particulièrement[2]. Il grandit ensuite avec son oncle Jorgen Brahe qui l'adopta et en fit son héritier.

Une vocation

Le 19 avril 1559, Tycho Brahe fut envoyé à l’université de Copenhague. Là, suivant les souhaits de son oncle, il étudia le droit mais également la philosophie et la rhétorique. À Leipzig, il entama secrètement des études relatives à l’astronomie. Le 21 août 1560, une éclipse de soleil attira son attention sur les phénomènes astronomiques. Dès lors, il se mit à étudier les éphémérides de Joannes Stadius et la théorie de la sphère à l’aide de livres tels que ceux de Sacrobosco de Tractatus de Sphaera, Apiono de Cosmographia et Regiomontanus, De triangulis omnimodis. Il achète l’Almageste de Ptolémée. Cependant, sa vocation ne naîtra qu’à l’occasion d’un autre évènement : lors d’une conjonction Jupiter-Saturne que les meilleures tables astrononomiques à sa disposition avaient prévue avec une erreur de plusieurs jours ; cette incertitude le choqua, et il prit comme un défi à relever de l’expliquer. Cet évènement qui se produisit le 17 août 1563[3] contribua de manière décisive à sa vocation.

Des études chaotiques

L’instrument avec lequel Tycho Brahe en 1572 suivit la progression apparente de l’étoile dans la constellation de Cassiopée.

Le jeune Tycho envisagea très tôt de poursuivre des études scientifiques à l’université de Rostock contre l’avis de son père qui le prédestinait au droit et à la diplomatie. À cette époque, une instruction de base était suffisante pour qu’un membre de la noblesse occupe un emploi public. À l’université de Leipzig, où il recevait une instruction élémentaire, il se livra, à l’insu de son gouverneur, à des études de mathématiques et d’astronomie[4] et aussi à des disciplines plus sulfureuses comme l’alchimie et l’astrologie.

Comme les jeunes gens de noblesse de son temps, il commença à se consacrer aux voyages. C’est ainsi qu’après Leipzig, il fréquenta entre 1565 et 1566 les universités de Wittenberg et de Rostock, toujours en Allemagne. Ensuite, il se rendit à Augsbourg en Bavière puis à Bâle en Suisse où il rencontra des astronomes réputés.

Durant cette période, Tycho reçoit régulièrement de l’argent pour satisfaire ses plaisirs, il en consacre la totalité à l’achat de livres et d’instruments pour satisfaire ses principaux intérêts : l’alchimie et l’astronomie[5]. S’il se procure alors quantité d’instruments pour l’étude de l’astronomie : quadrant, astrolabe… il sera le dernier des grands astronomes observant uniquement à l’œil nu. Il se mettra également à fabriquer ses propres instruments.

Anecdote assez cocasse, lors d’un duel à Wittenberg en 1566 avec un cousin étudiant, certainement à la suite d’un désaccord mathématique ou astronomique, il perdit le bout de son nez. D’autres historiens rapportent que cette mésaventure se serait produite lors d’un accident. Dès lors, il porta un nez postiche fait d’argent et d’or, ce qui lui vaudra son surnom de L’homme au nez d’or.

À la mort de son père, survenue en 1571, il retourne en Scanie et hérite d’un domaine où il y installe un laboratoire. Il se remet à l’étude et découvre en 1572, une nouvelle étoile dans la constellation de Cassiopée aussi brillante que Vénus (l’étoile du berger) dont il suit la trajectoire apparente à l’aide d’un sextant et crie : « Nova ! Nova !… ». Cette révélation l’aide à s’éloigner de l’alchimie pour se consacrer particulièrement à l’astronomie. Il fait publier l’année suivante De Nova Stella, une nouvelle où il consigne ses conclusions et écrit entre autres que les novas sont des étoiles qui deviennent visibles ou plus remarquables pour les observateurs de la Terre, suite à une augmentation de leur brillance. Aujourd’hui, on appellerait celle-ci une supernova de type I. Cette découverte remet alors en question l’immuabilité des cieux et le rend célèbre en Europe.

La consécration

Article détaillé : Uraniborg.
Gravure montrant de manière allégorique l’intérieur d’Uraniborg.

En 1574, il donna plusieurs cours et conférences à l’université de Copenhague. Dès cette époque, il était convaincu que les progrès de l’astronomie dépendraient de méticuleuses observations. Après un nouveau tour d’Allemagne pour rencontrer le plus grand nombre possible d’astronomes, Brahe accepta l’offre du roi Frédéric II, qui lui proposa de fonder un observatoire astronomique ainsi qu’une pension annuelle. On lui donna une petite île, Ven (ou Hven) en face de Copenhague, où il fit construire dans le courant de l’année 1576 Uraniborg (« palais d’Uranie ou Palais des Cieux », Uranie étant la muse de l’Astronomie) qui devint le plus important observatoire d’Europe. Il détenait une autorité suprême sur le domaine et percevait des revenus provenant du travail des habitants de l’île. Il fit également construire un palais dont les travaux furent financés par le roi et durèrent quatre années, de 1576 à 1580. Il s’agissait d’un édifice luxueux qui comprenait un atelier de construction d’instruments pour l’astronomie, une imprimerie destinée à publier ses travaux, un laboratoire d’alchimie.

Uraniborg devint rapidement un centre scientifique important et réputé, qui attirait les étudiants et les astronomes de toute l’Europe. Tycho Brahe était très méticuleux et conservait toutes les données de ses observations; ce qui lui permit d’établir le catalogue d’étoiles le plus complet et le plus précis de l’époque. Il était considéré par ses collègues et contemporains comme le plus exact des observateurs. Il faut noter ici que toutes ses observations furent faites avant l’invention du télescope et de la lunette astronomique. Ce fut là aussi que Tycho Brahe imagina son système du monde qui porte son nom est qui est comme une sorte de conciliation entre le système de Ptolémée et celui de Copernic[6].

En 1577, il commença ses observations et le 13 novembre de la même année, il fit la découverte de la comète qui fut à la base de son second ouvrage sur les mouvements[7] De Mundi atherei recentioribus Phoenomenus Progymnasmatum publié en 1587[8]. Il fit construire en 1584 un observatoire astronomique enterré qu’il appela Stjerneborg (Palais des étoiles). Celui-ci comportait des chambres souterraines dans lesquelles étaient installés des instruments et dont les toits, ou coupoles, dépassaient du sol.

La fin de sa vie

Autre portrait de Tycho Brahe

En 1588, Tycho Brahe, à la mort du roi Frédéric II, perd ses mécènes. Comme il était un piètre administrateur, plein de dureté (profitant du système de corvée) pour les habitants de l’île dont il monopolisait les ressources, il perd le soutien du roi Christian IV ainsi que la pension que le roi précédent lui avait octroyée. En 1597, à la suite de la destruction de son domaine par ses détracteurs, il prend tous ses biens et fait équiper un bateau pour lui, sa femme, ses enfants et ses quelques disciples fidèles, puis quitte l’île de Ven[9]. Il voyage pendant quelques années, puis, en 1599, s’installe dans le château de Beneteck près de Prague où il travaille en tant que mathématicien Impérial de la cour de l’empereur Rodolphe II. Il meurt dans la ville de Prague en 1601. Sur son lit de mort, il délire mais dans ses moments de répit dit à Kepler : « Ne frustra vixisse videar ! » (débrouille toi pour que je ne paraisse pas avoir vécu en vain !), car il s'est rendu compte qu'il n'avait réalisé que des Progymnasmata (travaux préliminaires). Kepler répondra à ce dernier vœu en publiant Astronomiae instauratae progymnasmata dès 1602[10]. Ses instruments y furent conservés un long moment, mais seront finalement perdus.

Il serait mort à la suite d’un calcul ou d’une septicémie, ce qui pourrait avoir été provoqué par le fait de s’être retenu trop longtemps d’uriner pendant un trajet de plusieurs heures en carrosse avec l’empereur Rodolphe II ou un long repas[11]. Sa mort inspira une expression tchèque : « Je ne veux pas mourir comme Tycho Brahe », en parlant d'une envie pressante. Il est aussi possible que Tycho Brahe ait été empoisonné selon d’autres sources (voir plus bas). Après la mort de Tycho Brahe, Rodolphe II acheta ses instruments pour les faire renfermer à l’hôtel de Curzt à l’abri des convoitises.

Comme la plupart des astronomes avant lui, Tycho Brahe croyait en l’astrologie[12]. Il calcula d’ailleurs lui-même son propre thème astral : « Tycho Brahe, né le 14 décembre 1546 à 10 h 47 de Greenwich à Scania (Danemark). Soleil en 2°07 Capricorne, AS en 16°38 Verseau, Lune en 23°11 Vierge, MC en 15°19 Sagittaire. »

Il est enterré dans l’église de Notre-Dame de Týn, près de l’Horloge astronomique à Prague.

L’astéroïde (1677) Tycho Brahe a été nommé en son honneur, de même qu'un cratère lunaire et qu'un cratère martien.

Principaux travaux

Supernova

Article détaillé : SN 1572.

SN 1572 (ou Nova de Tycho') est une supernova survenue dans la constellation de Cassiopée, et l’une des rares à avoir été visible à l’œil nu.

Elle fut observée le 11 novembre 1572 par Tycho Brahe, depuis Herrevad Abbey[13],[14], alors qu’elle était plus brillante que Vénus, avec une magnitude apparente de -4. À partir de mars 1574, sa luminosité était tombée en dessous du seuil de visibilité à l’œil nu.

En fait, il semble que Brahe ne soit pas réellement le premier à l’avoir observée, elle aurait été vue par Wolfgang Schuler dès le 6 novembre 1572, par John Dee et son disciple Thomas Digges, puis par l’astronome italien Francesco Maurolico. Mais Brahe est le premier à l’avoir décrite et étudiée en détail.

L’antiquité, à la suite d'Aristote, distinguait le monde sublunaire, soumis à la génération et à la corruption et, au-delà de l’orbite lunaire, le monde céleste, présumé éternel et immuable. Pour "expliquer" l'apparition de cette étoile nouvelle, certains contemporains en déduisaient que l’objet devait être apparu entre la Lune et la Terre.

Dans un premier temps, Tycho Brahe a fait remarquer que l’objet n’a pas de parallaxe diurne dans le contexte des étoiles fixes d’arrière plan. Ce qui implique qu’il se trouvait forcément plus loin que la Lune et les planètes, qui elles, affichent de telles parallaxes. Ensuite, il constate que, pendant plusieurs mois, l’objet n’a pas modifié sa position par rapport aux étoiles fixes, comme le font les planètes. Cela lui inspire la conclusion que le nouvel objet céleste n’était pas une planète, mais une étoile fixe dans le domaine stellaire, au-delà de toutes les planètes.

Il publia à ce sujet un petit livre appelé De Stella Nova, De la nouvelle étoile (1573). Nous savons aujourd'hui que cette supernova se trouve à 7 500 années-lumière de la Terre.

L’apparition de la supernova de 1572 est l’un des deux ou trois événements les plus importants de l’histoire de l’astronomie. La « nouvelle étoile » a contribué à briser les anciennes représentations du ciel, et à déclencher une révolution en astronomie. Cette découverte a permis de réaliser de meilleurs classifications astrométriques cataloguées, et a rendu nécessaire l'utilisation d'instruments d'observation astronomique plus précis. La Supernova de 1572 est souvent appelée « la supernova Tycho », en raison du vaste travail que Tycho Brahe avait accompli à son sujet.

La grande comète de 1577

Article détaillé : Grande comète de 1577.
Illustration de la grande comète vue de Prague

La grande comète de 1577 (C/1577 V1) est passée près de la Terre pendant l’année 1577. Cet objet céleste fut remarqué dans toute l’Europe et particulièrement par Tycho Brahe.

En observant celle-ci, il se convainc de l’erreur d’Aristote qui pensait que ces corps se formaient en dessous de la Lune et dans notre atmosphère[15]. Par ses observations, Tycho démontra qu’elle n’avait pas de parallaxe diurne mesurable, et que cet objet devait se situer bien plus loin de la Terre que la Lune et en dehors de l’atmosphère terrestre[16].

Un échange de correspondance eut lieu entre les astronomes de l’époque. En observateur neutre, Tycho examina toutes les données recueillies ainsi que les siennes propres. Pour lui, le résultat était clair : la comète devait décrire une orbite elliptique autour du soleil bien au-delà de la Lune, recoupant celles des planètes. Il en tira la conséquence que les planètes ne reposaient pas sur des sphères solides transparentes (les fameuses « sphères de cristal  » d'Aristote) que Georg von Purbach avait rétablies dans sa représentation de la sphère céleste[17]. Bien qu’il eût conservé le géocentrisme, il remit en question deux points importants de modèles antiques auxquels certains de ses contemporains étaient encore attachés : la « solidité » des sphères et la circularité du mouvement des astres[18] ; Kepler (1571-1630), son élève et assistant, généralisa le principe des orbites elliptiques à toutes les planètes.

Les instruments

Représentation de la Sphère armillaire de Tycho Brahe

Lors de la conjonction de Jupiter et de Saturne en 1563, Tycho Brahe s'était rendu compte que la précision des tables astronomiques disponibles à son époque était insuffisante. Convaincu que celles-ci devaient être améliorées, il s’investit dans le perfectionnement et la création d’instruments de mesure. C’est avec l’arbalestrille qu’il fit ses premières mesures avec une précision limitée. Pour affiner celles-ci, il inventa une sorte de sextant, dont l’ouverture se fait sur soixante degrés (d’où son nom). Cette invention lui permit en 1572 de mesurer la position de la supernova située dans la constellation de Cassiopée. Plus tard, en 1581, il fit construire un sextant de un mètre cinquante monté sur un pivot sphérique[19].

Tycho améliora ou inventa une douzaine d’instruments différents dont certains, avant leur perfectionnement et leur usage en astronomie, furent d’abord utilisés dans la navigation maritime. L’un des plus connus était le quadrant mural d’un rayon de deux mètres avec lequel il était possible de mesurer une déclinaison à dix secondes d’arc près.

Il fit également construire des sphères armillaires dont l’une avait un diamètre de près de trois mètres. Celle-ci servait à mesurer les coordonnées des étoiles dans le ciel le plus précisément possible et à se faire une meilleure représentation du mouvement des corps célestes observés.

Tycho Brahe préfigura la fin de la recherche observationnelle du ciel sans l’aide de la lentille, qui lui permettra un peu plus tard de faire un bond en avant grâce à la lunette astronomique de Galilée et le télescope à miroir concave de Isaac Newton. Sa vigilance et sa persévérance lui permirent de réaliser des mesures précises au moyen de la mise au point d’instruments et de nombreuses conversions utilisant la trigonométrie sphérique. Il est reconnu comme un scientifique de premier plan suite à la précision de ses mesures astronomiques pour l’époque et son catalogue d’étoiles que Johannes Kepler reprendra plus tard pour le compléter.

Le modèle géo-héliocentrique

Dans ce modèle géo-héliocentrique de Tycho Brahe, les objets célestes sur les orbites en bleu (Lune et Soleil) tournent autour de la Terre. Les objets sur les orbites en orange (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) tournent autour du Soleil. À la périphérie se trouvent les étoiles.

Tycho se donnait une discipline d’observation quotidienne ; il a formé toute une génération d’astronomes, leur inculquant l’art de l'observation et a déduit de celles qu'il effectua un système, dit « de Tycho Brahé », élaboré à partir de la théorie géocentrique de Ptolémée (vers 90 - vers 168), de la théorie mixte d'Héraclide du Pont[20] (IVe siècle av. J.‑C.), pour qui le Soleil orbite autour de la Terre, tandis que les cinq planètes tournent autour du Soleil[21], et de la théorie héliocentrique de Copernic. Dans la théorie de Tycho Brahé, le Soleil et la Lune tournent autour de la Terre immobile, tandis que Mars, Mercure, Vénus, Jupiter et Saturne tournent autour du Soleil.

Le système de Copernic (1473 - 1543) est déclaré contraire à la Bible par l’Église en 1616. Le système de Tycho Brahé fut adopté par les Jésuites.

Kepler ne parvint pas à convaincre Tycho d’adopter le modèle héliocentrique du système solaire. Brahé semble ne pas avoir eu d’objection de principe, mais s’y être opposé pour des raisons relatives aux observations. En effet, il considérait que si la Terre orbitait annuellement autour du Soleil, il devrait y avoir une parallaxe stellaire observable sur une période de six mois, au cours de laquelle l’angle d’orientation d’une étoile changerait, ce qui n’était pas perceptible. Cette parallaxe existe, mais est si faible qu’elle n’a pas été détectée avant les années 1830, 240 ans après son modèle, lorsque les instruments furent beaucoup plus précis.

Reprenant les thèses de Brahé lors du procès de Galilée, l’Inquisiteur saint Robert Bellarmin objecta que, si la Terre se mouvait, on devait observer une parallaxe. Mais aucune parallaxe n’ayant été mesurée, ce fait devenait un argument contre l’héliocentrisme. Galilée répondit que les étoiles étaient trop lointaines pour que la parallaxe puisse être vue et mesurée avec les instruments d’alors. Dans les années qui ont suivi, Galilée, par son observation sur les phases de Vénus en 1610, invalida le système ptoléméen. Le système de Brahé devint alors le principal concurrent de celui de Copernic. L’Église catholique finit par abandonner le système géocentrique de Ptolémée, au profit de celui de Tycho Brahé, plus conforme aux observations.

C’est au cours de l’année 1729 que James Bradley réussit à prouver l’automouvement de la Terre par rapport aux étoiles fixes, selon sa démonstration expérimentale de l’aberration stellaire. Bradley obtint un déplacement maximal de l’aberration de l’ordre de 20 secondes d'arc, une valeur très petite qui ne pouvait être constatée par des instruments conçus avant le début du XVIIe siècle. Ces nouvelles observations conduisirent à l'élimination du système de Tycho Brahe. Quant aux parallaxes, elles ne furent observées qu'un siècle plus tard par Friedrich Wilhelm Bessel en 1828.

Malgré son erreur, Tycho se classe dans un mode de pensée basé sur l’observation et l’expérimentation du monde, comme ce sera le cas aussi pour Kepler ou Galilée. Il s’oppose de ce fait à un mode de pensée fondé sur le choix de systèmes seulement théoriques, comme celui d'Aristote, qui influença pourtant la recherche astronomique pendant des siècles ou comme celui de Copernic, qui, à plusieurs égards, resta fermement ancré dans la tradition des Anciens[22].

L'astronome

Tycho Brahe et Johannes Kepler

Tycho a été le dernier des astronomes de l’ère précédent l’invention de la Lunette astronomique et du télescope. Alors qu’il avait 17 ans, lors d’une conjonction de Jupiter avec Saturne, Tycho se rendit compte que toutes les tables astronomiques ne concordaient pas entre elles et qu'il était quasiment impossible de faire une quelconque prévision. Ce fait eut une très grande influence sur le projet de sa vie. Il s’attacha sa vie durant à y remédier. Par ses observations, il recueillit une montagne de données qui le conduisirent à cartographier le ciel et produire des données fiables, qu’il retranscrivit dans les Rudolphines. Il forma dans son école à Uraniborg toute une génération d’astronomes, par ses méthodes d’observation et à l’aide de ses instruments. Il recruta les meilleurs, dont Peder Jakobsen Flemløse (1554-1598)[23], Kristen Sørensen Langberg (Longomontanus) et Johannes Kepler pour l’aider à réaliser ce projet colossal.

Durant sa carrière, il affina sans cesse ses instruments d’observation. Il publia en mai 1598 le catalogue stellaire avec les positions de 1 004 étoiles[24]. Pour l’époque, c’est la meilleure référence mondiale de précision astrale. C’est grâce à ce projet que, quelques années plus tard, toutes ces observations des trajectoires des planètes permit à Johannes Kepler, son assistant, d’analyser le chemin des astres et d’en ressortir trois joyaux : les lois universelles de Kepler. Plus tard Isaac Newton en fit une démonstration mathématique et en déduisit la loi universelle de la gravitation.

Il fut le premier astronome à percevoir la réfraction de la lumière et à établir une table complète pour corriger les mesures astronomiques dues à cet effet. Il déduisit de ses observations un système planétaire, dit "système de Tycho Brahe". Il s'agit d'un système hybride entre la théorie géocentrique et la théorie héliocentrique. Le système Tycho devint alors le principal concurrent du système de Copernic[25]. À propos de la paternité de son système, un conflit a surgi avec l’astronome Ursus, qui avait visité Uraniborg avec Heinrich Rantzau ami de Tycho Brahe. En définitive, il en ressort que ce dernier se serait inspiré du modèle de Paul Wittich (1546-1586)[26].

Tycho améliora ou inventa une douzaine d’instruments différents dont certains, avant leur perfectionnement et leur usage en astronomie, furent d’abord utilisés dans la navigation maritime. Par ses observations de la Grande comète de 1577, Tycho démontra qu’elle n’avait pas de parallaxe diurne mesurable, et que cet objet devait se situer bien au-delà de l’influence terrestre[16]. Il montra ainsi que les comètes ne sont pas des phénomènes de l'atmosphère terrestres.

Tycho était un organisateur, il savait utiliser tout ce que la science astronomique de l’époque possédait. Il se procura notamment les livres de Paul Wittich. Sa bibliothèque s'enrichit par des échanges de livres et des achats. Tycho envoya ses publications aux princes et aux écoles à travers le continent et reçut beaucoup de livres en cadeau. Lorsqu’il n’arrivait pas à se procurer un livre, il achetait toute la librairie[27]. C’est aussi par ses contacts et ses voyages qu’il recueillit une multitude d’informations liées à son projet. Pour traiter cette masse de données, Paul Wittich enseigna à Tycho sa nouvelle méthode (it)Algoritmo di prostaferesi, un algorithme précurseur des logarithmes, accélérant ainsi la production des calculs de son équipe.

Tycho Brahe demanda à Johannes Kepler de calculer l’orbite précise de Mars, pour laquelle il avait remarqué une excentricité de la trajectoire, considérée comme une anomalie à une époque où, sous l'influence d'Aristote, on pensait encore parfois que les mouvements des planètes décrivaient des cercles, figures parfaites. Tycho pensa donc à construire des excentriques pour les orbites planétaires. De tels cercles excentriques étaient admis depuis l'antiquité, par le biais des épicycles, pour la Lune et le Soleil[28].

C'est grâce aux observations méticuleuses de Tycho Brahé que Johannes Kepler put élaborer les bases scientifiques de la mécanique céleste reposant sur le système héliocentrique qu'Isaac Newton porta à son aboutissement. Déjà avec Tycho Brahé, les modèles antiques n'étaient plus adaptés et une refonte totale de la géométrie des orbites et des tables s'imposait. Cependant celui-ci, imprégné de scrupules religieux[29] et refusant le système théorique de Copernic[30], chercha à créer un modèle de représentation du monde qui était un compromis entre ce dernier et celui de Ptolémée. Son système qui s'avérait compliqué ne fut pas suivi par ses pairs. Toutefois, à l'époque même où Galilée sera contraint d'abjurer, Gassendi acceptera son système, quoique sans grande conviction[31], et le jésuite Riccioli en proposera une variante[32]. Il convient donc de remarquer qu'à partir du modèle de Brahe, il devient possible d'envisager l'héliocentrisme des planètes (à l'exclusion de la Terre) sans susciter de condamnation par l'Église. La foi ecclésiastique dans le modèle antique est ébranlée, prélude à son abandon de fait par le pape Benoit XIV vers 1750.

Controverse sur sa mort

En 1901, à l'occasion du tricentenaire de sa mort, sa tombe est ouverte et une autopsie est réalisée pour vérifier qu'il s'agisse bien de son corps. Des poils de sa barbe sont prélevés et après la chute du mur de Berlin, la nouvelle République tchèque offre des poils de la barbe de Brahe au gouvernement danois. Ces poils sont analysés en 1992 : on y trouve des taux de mercure anormalement élevés mais qui peuvent s'expliquer par l'usage de ce métal lors des expériences d'alchimie de Brahe.

Pour élucider la raison de sa mort, une étude est constituée en 1996 par J. Pallon de l’institut de physique de l’université Lund, en Suède. Elle étudie plus précisément les racines où apparaissent des concentrations létales de mercure. Son rapport comporte la conclusion suivante[33] : « En observant le taux de croissance des poils, il a été conclu que Brahe a été empoisonné par le mercure un jour avant sa mort. Il est peu probable qu'il ait été assassiné, malgré une thèse suspectant l'implication de Kepler[34]. Mais il paraît très probable qu’il ait déclenché sa propre mort en prenant la veille de sa mort, pour se guérir, un remède fabriqué par lui, riche en mercure. Il voulait guérir de ses troubles du système urinaire (hypertrophie prostatique ou, moins probablement, pierre à la vessie). Selon les analyses, il n’y a pas eu explosion de la vessie, mais le mercure de ses propres préparations a conduit à l’urémie dont il est mort. »

Peter Andersen, professeur médieviste à Strasbourg, évoque l'hypothèse d’un complot fomenté par le roi Christian[35]. Le professeur a retrouvé dans les Archives nationales de Stockholm le journal d’Erik Brahe, cousin éloigné de l'astronome, écrit en alphabet crypté et qui relate ses contacts avec le prince Johan, frère cadet de Christian IV. Erik Brahe aurait empoisonné Tycho sur l'ordre indirect du roi. Le mobile du crime serait la vengeance : soit le roi a été manipulé par son conseiller personnel Jon Jakobsen, copernicien convaincu et farouche ennemi de Tycho Brahe. Soit le roi voulait éliminer Brahe qui aurait été l’amant de sa mère, la reine Sophie de Mecklenburg-Güstrow et, peut-être, son père[36].

Tycho Brahe était aussi pharmacien. Son laboratoire au sous-sol de Uraniborg avait seize fours, certains connectés à des distillateurs. C’est sur ses recherches pour trouver des remèdes qu’il passa le plus de temps[37]. Il produisait des élixirs[38], dont certains étaient à base de mercure.

Bibliographie

Notes et références

  1. Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, page 764 (Firmin Didot - 1866)
  2. Histoire de l’astronomie moderne. Jean Sylvain Bailly, tome I, page 381 (Debure, Paris - 1779)
  3. La loi de la gravitation universelle - Newton, Euler et Laplace. Prosper Schroeder, page 14 (Springer - 2007) ((ISBN 2287720820))
  4. Œuvres complètes de François Arago. François Arago, Pierre Flourens, page 186 (Gide et Baudry - 1855)
  5. Patrimoine littéraire européen, anthologie en langue française. Jean-Claude Polet, page 770 (De Boek Université - 1992) ((ISBN 2804120791))
  6. Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Denis Diderot, Jean Le Rond d’Alembert, tome 36, page 27 (Pellet - 1779)
  7. Astronomie. Joseph Jérôme Le Français de Lalande, page 1161 (Dessaint et Saillant, Paris - 1764)
  8. Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la république. Jean-Pierre Niceron, page 172 (Briasson - 1731)
  9. Encyclopédie méthodique. Tome III, page 488 (Panckoucke, Paris - 1788)
  10. (en) John Robert Christianson, Tycho Brahe and Prague : crossroads of European science, Harri Deutsch Verlag, 2002, p. 95 
  11. Johannes Kepler le mentionne dans une note en annexe du journal d'observation de Tycho Brahe et Milan Kundera popularise cette cause dans son roman L'Immortalité dans lequil il parle de Tycho Brahe comme de « l'immortel le plus ridicule de tous les temps ».
  12. « Discours de l’astrologie du tems de Tycho »
  13. Places with connection to Tycho Brahe
  14. herrevadskloster
  15. Histoire universelle. Cesare Cantù, René Grousset, Eugène Aroux, Emile G. Léonard, Piersilvestro Leopardi, vol. 15, page 470 (Firmin Didot, Paris - 1848)
  16. a et b Oeuvres complètes de François Arago. François Arago, Tome III, page 197 (Gide et Beaudry, Paris - 1855)
  17. Histoire de l'astronomie moderne. Jean-Baptiste Delambre. Tome I, Librairie pour les Sciences, 1821 (page 395)
  18. La croyance du caractère matériel des sphères orbitales avait déjà été abandonnée par Ptolémée et très probablement par Hipparque, mais elle avait été remise au goût du jour par certains auteurs médiévaux et particulièrement les astronomes arabes. Quant à la circularité des orbites, elle est très relative à partir d'Hipparque, si l'on considère la résultante des mouvements des astres sur les déférents et les épicycles (voir l'article Ptolémée). En revanche, la forme elliptique des orbites est une idée neuve.
  19. Mécanique, une introduction par l’histoire de l’astronomie. Éric Lindemann, André Maeder, page 100 (De Boek Université - 2000) (ISBN 2804132595)
  20. Bruce Eastwood, « Heraclides and Heliocentrism: Texts, Diagrams, and Interpretations », Journal for the History of Astronomy 23 (1992) : 233-60.
  21. Voir les trois articles par Thoren, Jarell et Schofield & Wilson Taton « Planetary astronomy from the Renaissance to the rise of astrophysics », Part A: Tycho Brahe to Newton Cambridge University Press, 1989
  22. Prosper Schroeder, La loi de gravitation universelle de Newton à Euler et Laplace, Springer, p. 13.
  23. Peder Flemløse
  24. (en)Curriculum vitae de Tycho Brahe
  25. image
  26. Allé Erich Owen, Robert S. Westman : The Wittich Connection: Conflict and Priority in Late Sixteenth-century Cosmology, Société philosophique américaine, 1988
  27. (en)TYCHO’S COMMUNITIES: ASTRONOMICAL LETTERS, BOOKS AND INSTRUMENTS[PDF]
  28. Cf Système des épicycles d'Hipparque, repris par Ptolémée
  29. Traité d'astronomie pour les gens du monde, avec des notes complémentaires. Frédéric Petit.Tome 2. Adamant media Corporation, page 213. (ISBN 9780543891815)
  30. La Loi De Gravitation Universelle De Newton a Euler Et Laplace. Prosper Schroeder. Springer, 2007, page 13. (ISBN 9782287720826)
  31. Friedrich Albert Lange, Histoire du matérialisme et critique de son importance à notre époque, tome 1, p. 237.
  32. Cesare Cantù, Histoire des Italiens, p. 462.
  33. Comment Tycho est mort. Il a été possible de réaliser cette analyse par la méthode PIXE.
  34. Joshua et Ann-Lee Gilder : Heavenly Intrigue, Doubleday, mai 2004.
  35. Peter Andersen, Kunstværket, Copenhague, 2009.
  36. Fabrice drouzy, « Etre ou ne pas être empoisonné » sur Libération, 15 novembre 2010
  37. (en) Sur le site www.tychobrahe.com
  38. (en) Sur le site www.tychobrahe.com

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