Olivier Souêtre

Olivier Souêtre
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Ol(l)ivier Marie Souêtre (forme de l'état civil) ou Olivier Souvestre, né le 27 décembre 1831 à Plourin-les-Morlaix et mort le 30 décembre 1896 à Paris, est un poète et chansonnier breton. Il a participé activement à la Commune de Paris et au mouvement anarchiste, dont il s'est fait le chansonnier.

Sommaire

Souêtre ou Souvestre?

Il a été déclaré à l'état civil sous le nom de Souêtre, mais, selon l'enquête du maire de sa commune faite à sa demande, Souvestre était le nom de son aïeul et c'est en 1800 que la substitution a été faite. De 1850 à 1862, Olivier a signé Souvestre en référence au nom qui figurait dans les baux de son père. En 1862, il décide de reprendre son nom légal pour la parution de son roman à Paris.

Vie

En Bretagne

Il est né de Maurice Souêtre (1796-1854), meunier au Moulin de la Pierre (Moulin des Pierres)[1]?, et de son épouse, Catherine Razer.
Son intelligence le fait remarquer par Jean Pierre Marie Le Scour qui le rencontre au presbytère de Plourin et qui le fait envoyer à Quimper au grand séminaire.
C'est à ce moment, à l'âge de 19 ans, il aurait composé la complainte en breton Ar Roue Gralon ha Kear Ys, qui fut l'un des principaux vecteurs de la légende du roi Gradlon et de la ville d'Ys, une habile contrefaçon d'un texte ancien.
Ce texte est édité en 1850 accompagné d'un poème de Jean Pierre Marie Le Scour sur le passé légendaire de Rumengol. Le Scour est un riche négociant en boissons de Morlaix qui l'a pris sous sa protection et lui fournira des moyens de vivre pendant plus de 12 ans.
La qualité du chant et la jeunesse de son auteur fait qu'il est imprimé anonymement par une quantité d'imprimeurs, dont le premier est Haslé, successeur d'Alexandre Lédan à Morlaix.

Souêtre renonce à la prêtrise au bout d'un an, à cause d'une histoire d'amour, et découvre les œuvres de Félicité de Lamennais, qui préconise un rôle plus social de l'Église et qui subit, pour cette raison, une condamnation papale.
Ayant tiré un mauvais numéro, il fait son service dans l'infanterie de marine à Rochefort, mais n'y reste que deux ans, jusqu'à la fin de 1854, au motif que son père venant de décéder, il est le fils aîné d'une veuve qui a aussi une fille.
Sa mère vient tenir un débit de boissons à Morlaix, grâce à Le Scour, qui donne au fils, considéré comme un ami très proche, un emploi de commis voyageur.
Le Scour met sa fortune au service de la littérature en breton et soutient de nombreux écrivains et chanteurs. Il est longtemps un fidèle de La Villemarqué et fait partie de sa petite confrérie druidique.
C'est aussi un homme très dévôt, entretenant des relations étroites avec le clergé, et un ardent promoteur du pélerinage à la chapelle de Rumengol, proche de son lieu de naissance et de la baie de Douarnenez, où la légende situe la Ville d'Is.

A Paris

En 1858, voulant se faire un nom dans les lettres, et d'abord dans le théâtre, Olivier Souêtre part travailler à Paris pour le compte de la compagnie de chemin de fer de Graissezac à Béziers, pour aux archives de la Compagnie d'Orléans et publie, en 1862, aux frais de Jean-Pierre Le Scour, un roman en français, "Mikaël, kloarek breton"[2] qui ne recueille aucun succès, d'autant que l'éditeur, Poulet-Malassis, fait faillite peu après.
Sa correspondance avec Le Scour, publiée par François Jaffrennou[3], le montre de plus en plus sensible aux idées révolutionnaires et de plus en plus critique sur l'Église catholique, ce qui semble distendre les liens avec Jean Pierre Le Scour, puisque celui-ci ne dédie plus, en 1868, sa chanson "An Hini a garann" à son ami, mais à son épouse[4], dans son recueil de poèmes et chansons "Telenn Remengol" (p. 86-88).
Il participe à la Commune en 1871 et est blessé lors des combats d'Issy-les-Moulineaux en janvier 1871. Ayant reçu une balle dans la gorge, il échappe au peloton d'exécution.
Licencié par la Compagnie d'Orléans, il retrouve un emploi, d'abord comme correcteur d'imprimerie, puis comme commis uu Comptoir national d'escompte de Paris.
Une fois la République stabilisée et la répression anti-communarde arrêtée, il se met à écrire les paroles de plusieurs chants révolutionnaires et anarchistes en français, dont, en 1883, "La Marianne", avec la musique de Léon Trafiers, pseudonyme de Saint-Ferréol, qui a été traduit dans plusieurs langues et qui fut un chant emblématique des mouvements sociaux européens avant le triomphe de l'Internationale.
En 1888 est joué l'opéra "Le Roi d'Ys" sur une musique d'Édouard Lalo, librement inspiré de l'œuvre de Souêtre, mais, celui-ci, que beaucoup croient mort, n'est pas perçu comme l'une des sources du livret, alors même qu'on publie le texte en français sans nom d'auteur. Un spécialiste, comme Anatole Le Braz suppose même, pendant un certain temps, que la complainte est une œuvre populaire très ancienne[5].
Elle est alors entendue partout en Bretagne occidentale et Souêtre dit l'avoir entendue chanter par ses adversaires de 1871, les gardes mobiles bretons.
En 1896, l'année même de sa mort, il fait publier "La Cité de l'Égalité", un dialogue de 30 pages qui rend hommage à l'œuvre de la Commune, appelle à la révolution communiste anti-autoritaire qu'il voit se réaliser en 1930 et propose une France totalement fédérale basée sur "l'indépendance réciproque des communes" dans une optique anarchiste.
En annexe, 20 pages de "poésies diverses" contiennent une large part de sa production poétique, dont un poème inclus dans le roman de 1862. On y trouve le texte de "la Marianne" et du "Massacre de Fourmies". À propos de "la Marianne", "l'éditeur" écrit qu'il été surpris de l'entendre à Bruxelles, car elle était devenue l'hymne du Parti Socialiste belge.

La complainte de la ville d'Ys (début)

Qu'y a-t-il de nouveau dans la ville d'Ys,
Puisque la jeunesse est aussi folle.
Puisque j'entends ainsi les biniou,
Les bombardes et les harpes.
Il n'y a rien de nouveau dans la ville d'Ys,
Seulement les ébats de tous les jours,
Il n'y a en la ville d'Ys que des vieilles choses,
Et des ébats toutes les nuits.
Des buissons de ronce ont poussé,
Daevant les portes des églises fermées,
Et sur les pauvres en pleurs,
On excite les chiens à les déchirer.
Ahès, la fille du Roi Gradlon,
Le feu de l'enfer en son cœur,
À la tête de la débauche,
Mène, à sa suite, la ville à sa perte.
Saint Gwénolé, profondément peiné,
Est venu trouver son père bien souvent,
Et avec du chagrin, l'homme de Dieu,
À dit au Roi :
« Gradlon, Gradlon, prête attention,
Aux désordres que mène Ahès,
Car il ne sera plus temps de le faire,
Quand Dieu déversera sa colère ».
Et le Roi sage, courroucé,
Sa fille a conseillé,
Mais affaibli par la vieillesse,
N'a plus la force de la combattre.
Fatiguée des reproches de son père,
Et pour s'éloigner de sa vue,
A construit avec l'aide des mauvais esprits,
Un beau palais, près des écluses.
Là, avec ses amoureux,
Il y a, le soir, des fêtes,
Là, dans l'or et les perles,
Comme le soleil, Ahès rayonne… et 49 autres couplets

Le Chant d'un soldat (1885)

Je suis le serf de la caserne,
Misérable porte-giberne,
Plus à plaindre qu'un portefaix ;
Car nos bourgeois, race bâtarde,
Ont fait de moi leur chien de garde.
Prudhommes, digérez en paix !

Refrain

Mais si le vent dresse des barricades,
Si les pavés ont des couleurs d'éclair,
Devant le peuple, camarades,
La crosse en l'air ! La crosse en l'air !
Là-bas, de son baiser de flamme,
Marianne enivrait mon âme !
Aux jours de douce liberté ;
Ici, comme un forçat au bagne,
J'ai la consigne pour compagne :
Triste compagne, en vérité !
Mais, si le vent dresse les barricades, etc.
Pour apprendre à plier l'échine,
J'ai passé par la crapaudine,
Secoué d'un haineux frisson !
Et l'officier puant la gomme
S'amuse à meurtrir mon coeur d'homme ;
La brute n'a pas la raison !
Mais, si le vent dresse les barricades, etc.
Aux champs labourés par nos bombes,
Germains, pour qui tant d'hécatombes ?
Pour les vautours, ces oiseaux gras !
Une guerre plus légitime,
C'est la guerre à qui nous opprime :
La seule que je ne fais pas !
Mais, si le vent dresse les barricades, etc.
Qui donc me parle de patrie ?
Ces galonnés, graine pourrie
Des plus lâches capitulards !
Le sang français souille leurs armes,
Et je dois leur cacher mes larmes :
Toujours, malheur aux communards !
Mais, si le vent dresse les barricades, etc.
Un grand cri monte de la terre,
Le cri du sombre prolétaire,
Écho d'un monde douloureux…
A ces affamés en guenilles
II faut le pain de leurs familles :
Et c'est du plomb que j'ai pour eux !
Mais, si le vent dresse les barricades, etc.,
Sur les ruines de ce monde,
Je voudrais bien mener la ronde,
En écrasant tous les Chagots !
Trop fier encor, pour me soumettre,
Ma devise est : "Ni Dieu, ni maître !"
Je suis le soldat des Égaux !
Et, si le vent dresse les barricades, etc.

Notes

  1. Joseph Ollivier a recopié François Jaffrennou quand il donne le moulin du Prieuré (un moulin de Morlaix) comme lieu de naissance. L'acte de naissance indique que le père est meunier au moulin de la Pierre et que l'enfant est né à son domicile. L'INSEE indique un écart nommé Moulin des Pierres
  2. en breton, kloarek signifie séminariste ou religieux en attente de devenir prêtre
  3. Le Consortium breton, n° 14-17, 1928.
  4. Joseph Ollivier, Pierre Le Roux.Catalogue bibliographique de la chanson populaire bretonne sur feuilles volantes. Quimper : Le Goaziou, 1942. Article Souêtre, Olivier. P. 348
  5. La source principale sur Olivier Souêtre à Paris est un article de François Jaffrennou, paru, dans le Consortium breton, n° 14, février 1928. Jaffrennou avait recueilli une partie de la correspondance de Le Scour et, en particulier, les lettres d'O. Souêtre" à son "parrain".

Références

  • Ollivier, Joseph. Catalogue bibliographique de la chanson populaire bretonne sur feuille volante. Quimper : Le Goaziou, 1942. p. 347.
  • Almanach illustré de la chanson du peuple pour 1907. Paris : La Publication sociale - R. Mouton et Delesalles, 1906.
  • Souêtre, Olivier. Mikaël, kloarek breton. Paris : Poulet-Malassis, 1862.
  • Souêtre Olivier, Leroy Achille. Fusillé deux fois : épisode de la Semaine sanglante et La Commune ressuscitée, Paris, Le Prolétaire, 1881.
  • S. n. Gwerz Gralon ha kear Is. Morlaix : Impr. Haslé, 1851. 8 p.

Lien externe

  • Olivier Souêtre. La Cité de l'égalité. Paris : Impr. A. Leroy : 1896. Disponible en ligne : [1]

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Olivier Souêtre de Wikipédia en français (auteurs)

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