Gargouille

Gargouille
Les gargouilles surplombant le cloître de l'église Saint-Séverin à Paris

Dans le domaine de l' architecture, les gargouilles (Étymologie, la gorge ou l'œsophage, du latin, gurgulio, gulia et autres mots similaires dérivant de la racine gar-, par allusion au glouglou de l'eau) sont des ouvrages sculptés d'évacuation des eaux de pluie des toitures, propres à l'art roman puis surtout gothique. Elles sont généralement des figures grotesques.

Dans le domaine de la légende, la Gargouille est un dragon qui vivait dans les marécages de la Seine près de Rouen. Saint Romain vainquit la « gargouille ». Un défilée dans la ville consacra cet événement où, à son issue, un prisonnier était gracié ; cela avait traditionnellement lieu durant les fêtes de l'Ascension [1]. La mention du miracle de la Gargouille est connue par des écrits sur la vie de saint Romain du VIIIe siècle. La délivrance des prisonniers est mentionnée, pour la première fois, dans une enquête ordonnée en 1210 par le roi Philippe-Auguste. L'histoire de la Gargouille, prise et tuée par l'archevêque de Rouen figure pour la première fois dans un acte de 1394[1].

Sommaire

Histoire des Gargouilles (architecture)

Église de Richebourg (Yvelines)
Gargouilles de l'ancienne église des Cordeliers, cloître du musée des Augustins, Toulouse
Gargouille de la cathédrale de Barcelone

Ce n'est guère que vers le commencement du XIIIe siècle que l'on plaça des chéneaux et, par suite, des gargouilles (ou gargolles, guivres, canons, lanceurs) à la chute des combles. Jusqu'alors, dans les premiers siècles du Moyen Âge, l'eau des toits ou des terrasses s'égouttait directement sur la voie publique au moyen de la saillie donnée aux corniches. À la cathédrale Notre-Dame de Paris, du temps de Maurice de Sully, c'est-à-dire lors de l'achèvement du chœur en 1190, il n'y avait point de chéneaux et de gargouilles ; plus tard, dans le même édifice, vers 1210 encore, les eaux des chéneaux s'écoulaient sur la saillie des larmiers, au moyen de rigoles ménagées de distance en distance. Nous voyons apparaître les gargouilles, vers 1220, sur certaines parties de la cathédrale de Laon. Ces gargouilles sont larges, peu nombreuses, composées de deux assises, l'une formant rigole, l'autre recouvrement (cf. figure 1).

Déjà, cependant, ces gargouilles affectent la forme d'animaux fantastiques, lourdement taillés, comme pour laisser voir leur structure. Bientôt, les architectes du XIIIe siècle reconnurent qu'il y avait un avantage considérable à diviser les chutes d'eau. Cela, en effet, évitait les longues pentes dans les chéneaux et réduisait chacune des chutes à un très mince filet d'eau ne pouvant nuire aux constructions inférieures. On multiplia donc les gargouilles ; en les multipliant, on pu les tailler plus fines, plus sveltes, et les sculpteurs s'emparèrent de ces pierres saillantes pour en faire un motif de décoration des édifices. La variété des formes données aux gargouilles est prodigieuse ; nous n'en connaissons pas deux pareilles en France, et nos monuments du Moyen Âge en sont couverts. Beaucoup de ces gargouilles sont des chefs-d'œuvre de sculpture ; c'est tout un monde d'animaux et de personnages composés avec une grande énergie, vivants, taillés hardiment par des mains habiles et sûres. Ces êtres s'attachent adroitement aux larmiers, se soudent à l'architecture et donnent aux silhouettes des édifices un caractère particulier, marquant leurs points saillants, accusant les têtes des contre-forts, faisant valoir les lignes verticales. On peut juger de l'habileté des architectes et des sculpteurs dans la combinaison et l'exécution de ces lanceurs par la difficulté qu'on éprouve à les combiner et les faire exécuter. Dans les pastiches modernes que l'on a fait des édifices gothiques, il est fort rare de voir des gargouilles qui se lient heureusement à l'architecture : elles sont ou mal placées, ou lourdes, ou trop grêles, ou molles de forme, pauvres d'invention, sans caractère ; elles n'ont pas cet aspect réel si remarquable dans les exemples anciens ; ce sont des êtres impossibles, ridicules souvent, des caricatures grossières dépourvues de style.

Certains calcaires du bassin de la Seine, comme le liais-cliquard, se prêtaient merveilleusement à la sculpture de ces longs morceaux de pierre en saillie sur les constructions. Il fallait, en effet, une matière assez ferme, assez tenace pour résister, dans ces conditions, à toutes les causes de destruction qui hâtaient leur ruine. Aussi est-ce à Paris, ou dans les contrées où l'on trouve des liais, comme à Tonnerre par exemple, que l'on peut encore recueillir les plus beaux exemples de gargouilles. D'ailleurs l'école de sculpture de Paris, au Moyen Âge, a sur celles des provinces voisines une supériorité incontestable, surtout en ce qui touche à la statuaire.

Les gargouilles sont employées systématiquement à Paris vers 1240 ; c'est à Notre Dame que nous voyons apparaître, sur les corniches supérieures refaites vers 1225, des gargouilles, courtes encore, robustes, mais taillées déjà par des mains habiles (cf. figure 2).

Celles qui sont placées à l'extrémité des caniveaux des arcs-boutants de la nef, et qui sont à peu près de la même époque, sont déjà plus longues, plus sveltes, et soulagées par des corbeaux qui ont permis de leur donner une très grande saillie en avant du nu des contre-forts (cf. figure 3).

À la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, les gargouilles sont plus élancées, plus développées : ce ne sont plus seulement des bustes d'animaux, mais des animaux entiers attachés par leurs pattes aux larmiers supérieurs ; leurs têtes se détournent pour jeter les eaux le plus loin possible des angles des contre-forts (cf. figure 4). Quelques-unes de ces gargouilles sont évidemment sculptées par des artistes consommés. Les constructeurs gothiques, lorsqu'ils élevaient les grandes voûtes des nefs, ménageaient provisoirement des cuvettes dans les reins de ces voûtes, avec gargouilles extérieures pour rejeter les eaux pluviales dans les caniveaux des arcs-boutants, jusqu'à l'achèvement des combles définitifs. Ces gargouilles provisoires devenaient définitives elles-mêmes, lorsque les chéneaux supérieurs étaient posés, au moyen d'une conduite presque verticale, descendant du chéneau jusqu'à ces gargouilles. Voici (figure 5) une de ces gargouilles à double fin, provenant des parties supérieures de la nef de la cathédrale d'Amiens.

Les gargouilles sont doublées de chaque côté des contre-forts, comme à la Sainte-Chapelle de Paris, comme autour de la salle synodale de Sens, autour des chapelles du chœur de Notre-Dame de Paris ; ou elles traversent l'axe de ces contre-forts, comme à Saint-Nazaire de Carcassonne et dans d'autres édifices du XIIIe et XIVe siècles, et alors elles portent sur une console (cf. figure 6) ; ou elles sont appuyées sur la tête même de ces contre-forts, comme autour des chapelles du chœur de la cathédrale de Clermont (cf. figure 7) (fin du XIIIe siècle).

C'est vers ce temps que la composition des gargouilles devient plus compliquée, que les figures humaines remplacent souvent celles des animaux, ainsi qu'on le voit dans ce dernier exemple qui nous montre un démon ailé paraissant entraîner une petite figure nue.

Il existe autour des monuments de cette époque bon nombre de gargouilles qui sont de véritables morceaux de statuaire. L'église Saint-Urbain de Troyes porte, au sommet des contre-forts de l'abside, des gargouilles fort remarquables ; nous donnons l'un d'elles (figure 8).

Pendant le XIVe siècle, les gargouilles sont généralement longues, déjà grêles et chargées de détails ; au XVe siècle, elles s'amaigrissent encore et prennent un caractère d'étrange férocité. Bien que les détails en soient fins et souvent trop nombreux, cependant leur masse conserve une allure franche, d'une silhouette énergique ; les pattes, les ailes des animaux sont bien attachées, les têtes étudiées avec soin (cf. figures 9 et 9 bis).

Ces parties importantes de la sculpture du Moyen Âge ont toujours été traitées par des mains exercées ; elles conservent très tard leur caractère original, et encore, aux premiers temps de la Renaissance, on voit, sur les édifices, des gargouilles qui conservent le style du XVe siècle. Ce n'est que pendant la seconde moitié du XVIe siècle que les sculpteurs repoussent absolument les anciennes formes données aux lanceurs, pour adopter des figures de chimères, rappelant certaines figures antiques, ou des consoles, ou de simples tuyaux de pierre en forme de canons.

Pendant le Moyen Âge, on n'a pas toujours sculpté les gargouilles ; quelquefois, dans les endroits qui n'étaient pas exposés à la vue, les gargouilles sont seulement épannelées. Il en est un grand nombre de cette sorte qui affectent une forme très simple (cf. figure 10, reproduction d'une gargouille de Notre Dame de Paris).

Les gargouilles sont fréquentes dans l'Île-de-France, en Champagne et sur les bords de la basse Loire ; elles sont rares en Bourgogne, dans le centre et le midi de la France ; ou si l'on en trouve dans les monuments d'outre-Loire, c'est qu'elles tiennent à des édifices élevés aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, par des architectes du Nord, comme la cathédrale de Clermont, celle de Limoges, celle de Carcassonne (Saint-Nazaire), celle de Narbonne. Là où les matériaux durs sont peu communs, comme en Normandie, par exemple, les gargouilles sont courtes, rarement sculptées, ou manquent absolument, les eaux s'égouttant des toits sans chéneaux.

Les chéneaux en plomb posés sur les édifices civils ou religieux, portaient aussi leurs gargouilles de métal. Nous en possédons fort peu aujourd'hui de ce genre d'une époque antérieure au XVIe siècle. En voici une (figure 11) qui se voit à l'angle d'une maison de Vitré ; elle date du XVe siècle, et est faite en plomb repoussé.

Nous ne connaissons pas de gargouilles du Moyen Âge en terre cuite. Dans les édifices en brique, les gargouilles sont en pierre, ainsi qu'on peut le voir aux Jacobins de Toulouse, au collège Saint-Raymond, et dans beaucoup d'autres édifices anciens de la même ville.

Source : Eugène Viollet-le-Duc.

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Symbole mythique des gargouilles

Le Mal représentant le « pire ennemi » dans la religion chrétienne, il fallait un moyen d'éloigner celui-ci des églises, Maisons de Dieu. Les gargouilles ont ce but appréciable de faire fuir tout esprit malin ou être démoniaque, selon l'époque. Les gargouilles étaient donc les gardiens du Bien, et par extension des églises. Leur aspect terrifiant n'était visible en fait que pour rappeler à l'hérétique, au non-chrétien, aux ennemis de Dieu dans leur ensemble que la protection divine était déjà sur le bâtiment. La légende raconte que les gargouilles hurlaient à l'approche du Mal, qu'il soit visible (sorciers, magiciens, démons incarné) ou invisible. Le vent sifflant dans les arches des églises ? [réf. nécessaire]

Les gargouilles du Moyen Âge et les chimères de Notre-Dame de Paris

Une chimère du XIXe siècle de Notre-Dame de Paris conçue par Eugène Viollet-le-Duc

De nos jours on confond fréquemment gargouilles et chimères. Alors que les gargouilles ne désignent que les extrémités des conduits d'écoulement des eaux, les chimères par contre sont des statues fantastiques et diaboliques qui ont une fonction purement décorative. Elles ont, comme les gargouilles, l'aspect d'animaux fantastiques et effrayants. Elles représentent des créatures malfaisantes, qui penchées vers le sol, semblent se repaître du spectacle des turpitudes de l'humanité. Les chimères ornent une série d'édifice médiévaux. On les trouve par exemple en grand nombre sur les toits de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. Celles-ci furent sculptées au Moyen Âge.

Il n'en va pas de même de celles de Notre-Dame de Paris qui ornent la célèbre Galerie des Chimères reliant la base des deux tours[2] et qui n'existaient pas au Moyen Âge. Elles ont été conçues par Eugène Viollet-le-Duc et sont le produit de son imagination féconde. Ce sont de purs ajouts incorporés par le brillant architecte, sans doute pour accentuer la représentation de l'état d'esprit règnant au Moyen Âge.

Notes et références

  1. a et b Charton Edouard, Magasin Pittoresque, p. 274, 1855.
  2. Notre-Dame de Paris - Chimères et gargouilles
  • Janette Rebold Benton, Saintes terreurs : Les gargouilles dans l'architecture médiévale, Paris, éditions Abbeville, 1997 .
  • (es) Francisco Vicente Calle Calle, Gárgolas de la provincia de Cáceres, Cáceres, Institución Cultural el Brocense de la Diputación provincial de Cáceres, 2003 .
  • (es) Francisco Vicente Calle Calle, Plasencia: "Misterios" en las Catedrales, www.bubok.com, 2008.
  • (es) Francisco Vicente Calle Calle, Las gárgolas de la Catedral de San Antolín de Palencia, www.bubok.com, 2008.
  • (es) Francisco Vicente Calle Calle, Las gárgolas de la Catedral de La Asunción de Coria, www.bubok.com, 2009.
  • (es) Francisco Vicente Calle Calle, Las gárgolas de la Catedral de Oviedo, www.bubok.com, 2009.

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